Séance en hémicycle du 26 octobre 2010 à 22h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Romani.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 26 octobre 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-89 QPC).

Le texte de la décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative au prix du livre numérique, présentée par Mme Catherine Dumas et M. Jacques Legendre (proposition n° 695 [2009-2010], texte de la commission n° 51, rapport n° 50).

Mes chers collègues, nous avons vécu trois semaines de travail intense, au cours desquelles nous avons siégé de longues journées et de longues nuits. Nous envisagions de commencer l’examen de ce texte à vingt et une heures trente, mais nous avons pris beaucoup de retard. Je vous invite donc, avec l’accord de M. le président de la commission, à faire preuve, dans toute la mesure du possible, de concision dans vos interventions. Il nous faut penser au personnel du Sénat, en particulier à celui du service de la séance, qui a beaucoup œuvré.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, coauteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les conditions d’accès à l’art et à la culture ont profondément évolué ces dernières années, sous les effets conjugués de la dématérialisation des contenus, de la généralisation de l’internet à haut débit et des progrès considérables de l’équipement des ménages en ordinateurs, consoles de jeux, téléphones multimédias et, depuis peu, tablettes de lecture. Ces dernières se diversifient d’ailleurs, le premier libraire national ayant annoncé le lancement, au début du mois de novembre prochain, d’une « liseuse » pouvant stocker de 2 000 à 11 000 ouvrages, auquel les grands éditeurs français se sont associés, permettant ainsi l’accès à 80 000 titres.

L’offre légale se développe donc rapidement et, après la musique, le cinéma et l’audiovisuel, la révolution numérique concerne désormais pleinement le secteur du livre.

Ces dernières années, les travaux sur le sujet, nombreux et constructifs, ont dévoilé un paysage très évolutif et éclairé un avenir incertain. Je pense notamment aux rapports de M. Bruno Patino, de Mme Sophie Barluet ou de notre collègue député Hervé Gaymard. Je pense aussi au rapport de MM. Zelnik, Toubon et Cerutti, ou encore à ceux de M. Marc Tessier et de Mme Christine Albanel, sans oublier celui de notre collègue Yann Gaillard

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication s’est également saisie de ce sujet, en organisant notamment une table ronde le 28 avril 2010, dont l’un des thèmes portait sur la question du prix du livre numérique. Ce temps d’échange a permis de mesurer l’impact de l’essor de la culture numérique sur les différents acteurs de la chaîne du livre, notamment les libraires, et d’appréhender les éventuelles évolutions législatives que cette mutation rend nécessaires.

Parmi ces évolutions législatives figurent, d’une part, l’alignement du taux de TVA du livre numérique sur celui du livre imprimé, disposition que la commission défendra dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, et, d’autre part, un texte sur le prix du livre numérique, afin de traduire dans ce nouvel univers l’esprit de la loi de 1981 relative au prix du livre.

Notre collègue Catherine Dumas et moi-même avons déposé une proposition de loi dans ce but le 8 septembre 2010 et avons demandé son inscription dès que possible à l’ordre du jour des travaux du Sénat. Nous nous réjouissons d’avoir obtenu satisfaction.

Certes, dans son avis du 18 décembre 2009, l’Autorité de la concurrence a estimé qu’une période d’observation d’un an ou de deux ans pourrait être respectée avant l’adoption d’un dispositif spécifique pour le livre numérique. Mais nous savons tous que le législateur est souvent à la traîne des évolutions technologiques et peine à les anticiper. Et lorsqu’il décide de légiférer, les données du marché et les usages sont parfois déjà tellement installés que son souhait de régulation intervient bien tardivement.

Cette fois, nous vous proposons de légiférer à l’occasion de l’émergence d’un nouveau marché. Certes, le terrain est évolutif, mais il est aussi partiellement balisé, dans la mesure où nous disposons du bilan très positif de la loi de 1981 relative au prix du livre.

Avec ce texte, nous souhaitons accompagner les mutations en cours du marché du livre numérique, non pour les freiner, mais pour les réguler.

Je vous rappelle cette citation merveilleuse de Montesquieu : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. » Je crois qu’elle conserve toute sa vérité, même si, bien entendu, les pratiques culturelles des Français ont évolué.

En 2008, le ministère de la culture et de la communication a réalisé une enquête sur les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, alors que plus de la moitié d’entre eux disposaient d’une connexion à haut débit et que plus d’un tiers utilisaient l’internet quotidiennement à des fins personnelles, chiffres qui ont encore augmenté depuis. Cette étude est venue confirmer un mouvement de long terme : depuis plusieurs décennies, chaque nouvelle génération arrive à l’âge adulte avec un niveau d’engagement à l’égard de la lecture inférieur à la précédente, si bien que nous constatons à la fois une érosion des gros et moyens lecteurs de livres et un vieillissement du lectorat.

Je forme avec force le vœu que le nouvel accès aux livres, que permet l’arrivée sur le marché des tablettes de lecture et des œuvres numériques, suscitera chez les jeunes un appétit renouvelé pour l’écrit. Je pense à l’écrit sous toutes ses formes, d’une part, parce que la presse est également concernée, d’autre part, parce que ces nouvelles technologies vont susciter une création foisonnante. En outre, il ne faut pas exclure que l’accès à ces livres numériques donnera aussi le goût du livre papier, car l’effet de « cannibalisation » de l’un par l’autre ne sera sans doute que partiel.

Nous avons souhaité, au travers de la présente proposition de loi, accompagner l’émergence de ces nouveaux biens culturels et réguler le marché, au moins dans un premier temps, pour ce que l’on appelle les livres homothétiques.

Je laisse à notre rapporteur, Mme Colette Mélot, le soin de vous expliciter les objectifs et les termes de ce texte. Je la remercie de son investissement très important sur cet important dossier. Je précise que la commission l’a suivie dans ses conclusions et ses propositions.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclus en ne résistant pas au plaisir de partager avec vous cette citation de Jules Renard, dans laquelle se reconnaît le lecteur avide que je suis : « Quand je pense à tous les livres qu’il me reste à lire, j’ai la certitude d’être encore heureux. »

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. David Assouline applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en avons tous conscience, avec l’émergence du livre numérique, le monde du livre connaît sa plus importante révolution depuis Gutenberg. Celle-ci est sans doute plus tardive et moins brutale que celle qu’ont connue d’autres secteurs culturels, notamment celui de la musique, les évolutions technologiques n’ayant pas, pour l’instant, bouleversé les usages.

La mutation est cependant en cours et elle devrait s’accélérer sous l’effet conjugué de la multiplication des tablettes de lecture et, par conséquent, de l’évolution des offres et des usages, comme l’a indiqué M. Jacques Legendre et comme je l’ai constaté lors des vingt-huit auditions réalisées par la commission.

Le marché du livre numérique est certes encore embryonnaire, en tout cas dans notre pays, où il ne représente que 1, 5 % du chiffre d’affaires des éditeurs, mais il n’était que de 0, 1 % en 2008. Sa progression est donc spectaculaire, même si les ventes sont aujourd’hui assez concentrées sur les éditions scientifiques et la bande dessinée.

En outre, l’exemple américain montre que l’évolution peut être rapide : le livre numérique représente déjà près de 10 % du marché du livre. Toutefois, cette situation a surtout profité aux nouveaux acteurs, d’autant plus qu’Amazon, dans un premier temps, avant l’entrée sur le marché d’Apple et de Google s’est trouvé en situation monopolistique. Nous avons eu écho des réactions des éditeurs américains et des nombreuses fermetures de librairies dans ce pays…

Les éditeurs américains ont réagi et ils négocient désormais des contrats d’agence, qui leur permettent de mieux contrôler les prix afin de préserver la chaîne de valeur, mais les librairies ne ressusciteront sans doute pas pour autant...

Les contrats de mandat, qui régissent les relations commerciales entre éditeurs français et détaillants, sont aujourd’hui proches de ce modèle. Mais donner valeur législative au rôle central des éditeurs dans la détermination des prix sera plus sécurisant pour l’ensemble des acteurs de la filière, des auteurs aux éditeurs en passant par les libraires. Or nous souhaitons tous le maintien du maillage culturel de notre territoire, auquel contribuent les libraires, même si cela suppose qu’ils s’adaptent, eux aussi, à l’ère numérique.

Nos objectifs de respect de la propriété intellectuelle, de diversité de la production et de la diffusion de livres, de densité du tissu culturel ont été jusqu’ici atteints en grande partie grâce à la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite « loi Lang ». En effet, plusieurs rapports, notamment celui d’Hervé Gaymard en 2009, ont établi le bilan positif de cette loi.

J’en rappelle les grandes lignes.

Le réseau des librairies s’est maintenu tout en se modernisant. On compte 25 000 points de vente : de 2 000 à 2 500 d’entre eux exercent la vente de livres à titre principal ou significatif et rendent des services de qualité à la fois aux lecteurs et aux éditeurs, dont ils assurent l’exposition de la production. En effet, l’offre éditoriale est très riche : 600 000 titres environ sont disponibles et près de 60 000 titres paraissent chaque année.

La loi n’a pas eu d’effet inflationniste sur le prix du livre. Celui-ci suit depuis de nombreuses années l’évolution de l’indice général des prix à la consommation ou lui est inférieur.

La concentration de l’édition et des circuits de diffusion du livre n’empêche pas la très grande vitalité du secteur.

Comment la proposition de loi prévoit-elle d’atteindre le même type d’objectifs dans l’univers numérique ?

Je dois avouer, mais vous le savez bien, que la tâche du législateur est aujourd’hui compliquée. Il doit lui aussi s’adapter à l’univers numérique !

Si elle s’inspire des grands principes de la loi de 1981 relative au prix du livre, cette proposition de loi ne pouvait pas en être une simple transposition, plusieurs dispositions n’étant pas adaptées à l’univers numérique.

J’ai proposé à la commission, qui l’a accepté, quelques modifications de nature à lever certaines ambigüités du texte, à répondre au mieux à ses différents objectifs et à donner au législateur les moyens d’assurer un suivi annuel de ce secteur en mutation.

Plus précisément, le texte adopté par la commission comporte huit articles que je vous présente brièvement. Il s’inscrit en outre dans le respect de l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence au mois de décembre 2009.

L’article 1er définit le périmètre de la loi et, par conséquent, le livre numérique. La loi s’appliquera donc aux « œuvres de l’esprit » répondant à un principe de réversibilité, à savoir celles qui sont soit déjà imprimées soit imprimables sans perte significative d’information. Un décret définira les « éléments accessoires » propres à l’édition numérique, afin de préciser ce champ d’application.

Il ne s’agit pas de réguler des biens d’une autre nature, tels que des œuvres multimédias par exemple. Néanmoins, il me semble que la définition du livre numérique doit être suffisamment souple pour englober, par exemple, le cas d’un livre numérique assorti d’une courte interview de son auteur.

La commission a levé toute ambigüité sur le fait que le texte vise le livre sous sa forme électronique et non pas le commerce électronique de livres. Elle a aussi supprimé toute notion d’éventuelle chronologie entre l’édition sous forme imprimée et l’édition numérique, dans le cas où une œuvre fait l’objet des deux types d’édition.

L’article 2 est au cœur du dispositif, puisqu’il pose l’obligation pour l’éditeur de fixer un prix de vente pour chaque offre commerciale concernant un livre numérique. La commission a précisé que ce principe s’applique « pour tout type d’offre à l’unité ou groupée ».

Les trois critères permettant de fixer des prix différents pour un même livre sont les suivants.

Le premier critère porte sur le contenu de l’offre. Un livre n’aura pas le même prix s’il est proposé au sein d’une offre réunissant d’autres livres ou s’il est vendu isolément.

Le deuxième critère concerne les modalités d’accès à l’offre. Le prix peut différer suivant que le livre est accessible et consultable en ligne sur identification ou qu’il est téléchargé sur le disque dur de l’acheteur pour pouvoir être consulté hors ligne.

Le troisième critère a trait aux modalités d’usage de l’offre. Le prix peut différer en fonction des usages plus ou moins grands permis par les mesures techniques de protection, notamment le nombre de copies privées que l’utilisateur peut réaliser à partir d’un fichier.

Seraient cependant exclus de ce dispositif certains types d’offres. Il s’agit notamment de ne pas interférer avec le modèle économique des éditeurs scientifiques et techniques, qui proposent de longue date des produits spécifiques à un public professionnel, des bibliothèques universitaires par exemple.

Deux critères devraient être observés simultanément pour bénéficier de cette dérogation.

Le premier critère se rapporte au contenu de l’offre et comporte lui-même une alternative : l’offre doit soit concerner une « licence d’accès aux bases de données », soit être « composite ».

Le second critère concerne la finalité de l’offre : elle doit être proposée à des fins « d’usage collectif ou professionnel ».

Je me suis longuement interrogée sur cette disposition, dont l’interprétation peut être très large et qui peut donner lieu à des ambigüités. Mais, à défaut de trouver un consensus interprofessionnel sur une autre rédaction, la commission a renvoyé à un décret l’application de cette disposition, afin que ces notions soient définies et interprétées en cohérence avec les objectifs visés par la proposition de loi.

L’article 3 pose l’obligation, pour toutes les personnes qui exercent une activité de vente de livres numériques, de respecter le prix fixé par l’éditeur. Une même offre sera donc vendue au même prix, quel que soit le canal de vente utilisé.

Les articles 2 et 3 précisent que le texte s’appliquera aux éditeurs et détaillants établis en France. Je me suis aussi beaucoup interrogée sur cette limitation, mais elle s’inscrit dans le respect du droit communautaire, notamment de la directive Services et de la directive sur le commerce électronique. Nous avons donc opté pour la sécurité juridique, après avoir hésité à faire valoir, pour la première fois, la clause de diversité culturelle, qui aurait peut-être permis de déroger à ce principe d’établissement en France.

En vertu de ce principe, le texte limite son application aux seuls opérateurs établis sur le territoire français, les relations entre éditeurs et opérateurs hors de nos frontières étant laissées au contrat d’agence, qui permet lui aussi à l’éditeur de fixer le prix du livre. L’homogénéité des conditions commerciales doit donc être assurée par les éditeurs eux-mêmes.

L’article 4 concerne la vente à primes, sachant que cette dernière concerne la vente au consommateur final.

L’article 5 vise les relations commerciales entre éditeurs et détaillants et oblige l’éditeur à rémunérer la qualité des services de ces derniers, à l’instar des usages respectés dans le domaine du livre papier.

La commission a souhaité mieux qualifier la nature des services que l’éditeur sera ainsi tenu de prendre en compte pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux détaillants. Il s’agit des services qualitatifs essentiels qu’exercent nombre de libraires, notamment en termes d’animation, de médiation et de conseils aux lecteurs.

L’article 6 prévoit des sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions du présent texte. Il renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des peines d’amendes contraventionnelles alors applicables, à l’instar des sanctions appliquées en cas de violation de la loi de 1981.

L’article 7 instaure une clause de rendez-vous que nous souhaitons annuel. Cela est indispensable compte tenu des évolutions très rapides du marché du livre numérique. Il serait utile que ce rapport comprenne une étude d’impact économique concernant l’ensemble de la filière.

L’article 8 rend les dispositions de la présente proposition de loi applicables à la Nouvelle-Calédonie.

En créant ainsi un cadre législatif sécurisant pour les acteurs de la filière, en permettant aux éditeurs de conserver la maîtrise de la fixation du prix de vente du livre au public tout en l’adaptant à la diversité des offres et des usages, il s’agit d’accompagner les professionnels, notamment les éditeurs et les libraires, dans leur adaptation aux mutations en cours. La proposition de loi leur donne l’opportunité, dans un contexte de nécessaire solidarité interprofessionnelle, d’occuper toute leur place sur ce nouveau marché. Il leur appartient de développer une offre légale attractive et accessible. Les acteurs de la filière s’y emploient d’ailleurs activement. Il s’agit là d’une priorité absolue.

En effet, l’offre légale de livres numériques atteindra 80 000 titres avant la fin de l’année 2010, soit plus de 13 % de l’offre globale payante et ce chiffre progressera rapidement, compte tenu des plateformes professionnelles lancées ou en voie de l’être. Je vous précise que les éditeurs se sont organisés autour de trois plateformes à destination des détaillants et que les libraires indépendants lanceront dans les prochains jours la leur sous le nom « 1001libraires.com », des grandes surfaces spécialisées ayant aussi développé leur propre site.

Il s’agit ainsi de répondre dès que possible et dans les meilleures conditions aux nouvelles attentes des lecteurs. C’est d’ailleurs la meilleure façon de lutter contre le piratage. Dans le domaine du livre numérique, il est certes limité à moins de 1 % des titres disponibles à la vente en format papier, dont une grande majorité de bandes dessinées, mais il est toujours plus facile de prévenir que de guérir, selon notre sage adage.

La question du coût réel du livre numérique et des économies que ce nouveau format du livre pourrait permettre de réaliser est à la fois délicate et essentielle, et ce pour l’ensemble des acteurs de la filière et pour les lecteurs eux-mêmes, puisqu’elle conditionne à la fois la rémunération des premiers et le prix appliqué aux achats des seconds.

Il semble néanmoins très difficile, à l’heure actuelle, d’évaluer l’existence et, surtout, le niveau des économies que l’édition numérique pourrait permettre de réaliser.

La régulation du marché prévue dans ce texte doit être susceptible d’assurer une rémunération équitable de tous les acteurs et le développement de l’offre légale doit s’exercer dans le respect des droits des auteurs. Ces deux aspects sont essentiels.

Des négociations sont en cours entre les représentants des éditeurs et ceux des auteurs afin d’aboutir à un accord interprofessionnel de nature à fixer un cadre respectueux des droits des auteurs.

Parmi les sujets de discussion figurent l’idée d’une révision, tous les trois à cinq ans, de la clause relative aux exploitations numériques du livre et la création d’une instance de liaison juridique permanente entre les représentants des éditeurs et ceux des auteurs, afin de suivre l’évolution des pratiques dans l’univers numérique.

La commission de la culture fait confiance aux professionnels pour que les négociations engagées aboutissent, dans un délai assez proche, à un résultat satisfaisant pour tous. Le rapport annuel d’application de la loi devra aussi permettre un suivi de la situation dans ce domaine.

Ce texte constitue, me semble-t-il, un volet essentiel d’un projet plus global en vue d’inciter au développement harmonieux et équitable du secteur du livre numérique.

Les autres réformes à conduire dans les meilleurs délais concernent l’harmonisation des taux de TVA, ainsi que Jacques Legendre vient de l’évoquer, et l’adoption de dispositions législatives de nature à favoriser la numérisation des œuvres existantes. Cela vise à la fois les œuvres dites « orphelines », c’est-à-dire celles dont le ou les ayants droit ne peuvent être retrouvés, et les œuvres épuisées.

Mes chers collègues, je vous remercie de bien vouloir adopter cette proposition de loi, qui est très attendue par l’ensemble des acteurs de la filière.

Je conclurai moi aussi sur une citation : « Ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire », a écrit Jorge Luis Borges. La lecture et la relecture seront désormais facilitées, avec, au choix, le plaisir du livre papier ou celui d’un support plus nomade, selon les circonstances. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la constitution d’une offre légale de livres numériques attractive et diversifiée constitue un enjeu majeur de la politique du livre conduite par le Gouvernement. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner en quoi le livre numérique représentait la « nouvelle frontière » du monde de l’édition.

Pour atteindre l’objectif d’une offre légale abondante et pluraliste, il est nécessaire de créer les conditions permettant aux éditeurs de s’engager dans un environnement stable, en bénéficiant notamment d’un cadre juridique qui garantisse aux titulaires des droits la maîtrise de la chaîne de valeur.

À ce titre, je tiens à féliciter Catherine Dumas et Jacques Legendre d’avoir pris l’initiative de présenter cette proposition de loi, qui répond effectivement à ce besoin d’encadrement.

Cette initiative s’inscrit pleinement dans la ligne des exigences formulées par plusieurs rapports importants, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Legendre : le rapport Patino remis à Christine Albanel au mois de juin 2008 ; le rapport de la mission « Création et internet » composée de MM. Zelnik, Toubon et Cerutti, qui m’a été remis au mois de décembre 2009 et, enfin, le rapport de Christine Albanel sur le livre numérique, remis au Premier ministre au mois d’avril 2010.

J’ajoute que le Président de la République, lors de ses vœux au monde de la culture le 7 janvier dernier, a indiqué son souhait qu’une telle loi puisse être adoptée rapidement pour le livre numérique homothétique, c’est-à-dire la version numérique du livre papier, qui peut éventuellement comporter des éléments accessoires propres à l’édition numérique.

La plupart des objectifs de la loi Lang de 1981 relative au prix du livre demeurent pertinents dans l’univers numérique. La préservation d’un réseau diversifié de détaillants en fait partie. Il faut avant tout que le développement du marché du livre numérique ne se produise au détriment des libraires physiques. La plupart des études nous indiquent que, à court et à moyen terme, l’essentiel de la valeur produite par la filière concernera encore la vente de livres papier, pour laquelle le réseau de libraires joue un rôle premier.

À titre de comparaison, je rappelle que les états généraux de la presse avaient préconisé une densification du réseau des kiosques à journaux, afin d’enrayer la baisse des ventes. Les librairies, surtout, jouent le rôle déterminant que nous leur connaissons dans l’animation culturelle des territoires et constituent un lien social entre les citoyens ; votre assemblée, qui représente les collectivités territoriales, ne peut qu’être sensible à cet argument.

Par ailleurs, s’en remettre à la seule voie contractuelle n’est pas une solution satisfaisante, même en procédant à des aménagements.

Le contrat d’agence, qui est largement utilisé aux États-Unis, est certes préférable à la totale liberté des prix, mais il comporte des inconvénients sérieux. En effet, il est conclu au détriment de l’autonomie du détaillant, qui devient ainsi le mandataire de l’éditeur, payé à la commission, en perdant au passage sa valeur ajoutée de libraire professionnel.

Le texte qui est examiné ce soir a pour vocation de prévenir une concurrence par les prix, dont les conséquences ne peuvent être que néfastes pour l’ensemble des détaillants, qu’ils soient physiques ou en ligne. La concentration du secteur autour de quelques acteurs mondiaux disposant de pouvoirs de marché excessifs produirait des effets très négatifs sur la concurrence et finirait par appauvrir inexorablement la création éditoriale.

Ce texte a donc pour objet de favoriser la diversité des circuits de vente dans l’univers numérique. L’offre légale abondante, dont cette diversité est le gage, est aussi le meilleur rempart contre le piratage.

Ce texte permettra également de garantir une assiette stable pour la rémunération des auteurs, condition essentielle pour préserver la diversité de notre création éditoriale et littéraire, à laquelle, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement attaché.

L’objectif d’une loi sur le prix unique du livre numérique n’est pas de maintenir en l’état la chaîne du livre. Il ne s’agit pas de figer les positions acquises ni les intérêts établis. Toute innovation technique transforme les conditions dans lesquelles l’économie d’une filière se développe et il est probable que l’arrivée du numérique s’accompagnera de transferts de valeur en faveur de nouveaux acteurs.

Si cette transformation devait n’aboutir qu’à un simple transfert de valeur de certains acteurs vers d’autres, voire à une baisse de la valeur produite, comme cela a été le cas dans le secteur de la musique, alors le libre jeu de la concurrence se révélerait contreproductif d’un point de vue économique, social et culturel.

Le numérique doit être une chance pour le lecteur, mais les évolutions ne doivent pas se réaliser au détriment de la rémunération des créateurs. C’est pourquoi l’accompagnement de la transition numérique, par une régulation simple et souple, est nécessaire, non pas pour maintenir à toute force la place des acteurs traditionnels, mais bien pour permettre à ces derniers d’accéder à ces nouveaux marchés et d’y jouer pleinement leur carte. La loi doit ainsi donner un cadre souple pour permettre au marché de se développer de manière équilibrée.

Je ne souhaite pas que nous connaissions en France ce qui s’est produit dans d’autres pays, où des détaillants en position dominante ont imposé des conditions de vente défavorables à l’ensemble de la chaîne du livre, en faisant ainsi peser de sérieuses menaces sur la vitalité de la création. Ce texte est donc nécessaire pour sécuriser le marché. Il est, par ailleurs, conforme aux préconisations de l’Autorité de la concurrence, comme cela a été rappelé.

Cette institution a préconisé, dans l’avis qui m’a été rendu au mois de décembre 2009, un cadre souple limité au livre homothétique. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi. Il est probable que ce marché concernera, pour l’essentiel, le livre homothétique pour les quatre à cinq années à venir. C’est bien l’horizon temporel du présent texte ; celui-ci n’a pas pour ambition de réguler le marché sur le très long terme. Il reste centré sur les évolutions à court terme, afin de créer des conditions de stabilité pour l’ensemble de la filière. J’ajoute que cette proposition de loi prévoit une clause annuelle de revoyure, qui permettra au Gouvernement d’informer le Parlement sur son application.

Enfin, si l’on peut raisonnablement estimer que le marché restera focalisé, au cours des quatre ou cinq prochaines années, sur les ventes à l’unité, le texte n’exclut pas pour autant les bouquets et les abonnements, dès lors qu’est conclu un accord entre les éditeurs et les vendeurs sur les conditions commerciales.

Je tiens à préciser que cette proposition de loi prend son sens dans une stratégie globale sur le livre numérique que j’ai souhaité mettre en œuvre et dont je tiens à vous rappeler brièvement les lignes de force.

La question du taux de TVA qui s’applique au livre numérique fait partie des sujets que je souhaite faire avancer au plus vite. Nous savons, au travers de plusieurs études, que le niveau du prix de vente sera un élément déterminant du succès du livre numérique. Pour l’heure, ce dernier est considéré par Bruxelles comme un service de téléchargement et non comme la vente d’un bien, avec un taux normal de TVA. Pour ma part, j’estime que la baisse de la TVA s’impose : ce n’est pas le support qui compte, c’est bel et bien le contenu. Un taux réduit permettrait de faire baisser le prix de manière significative.

Par ailleurs, j’ai voulu que la numérisation des livres s’inscrive dans les investissements d’avenir.

J’ai proposé aux éditeurs un projet de numérisation des œuvres indisponibles du xxe siècle, qui n’a pas son équivalent en Europe.

Dans une logique de « longue traîne » totalement adaptée aux usages de l’internet et du numérique, ce projet permettra de donner une nouvelle vie à un corpus de 400 000 ouvrages sous droits couvrant l’ensemble des champs de l’édition : littérature, sciences et sciences humaines, essais et documents. Ce sera une importante contribution à l’émergence de l’offre légale que nous appelons tous de nos vœux.

Ce projet pourra s’appuyer sur une innovation juridique. La gestion collective, en permettant la numérisation en masse d’œuvres sous droits, permettra d’adapter le droit d’auteur à l’univers numérique. Ce chantier exemplaire que nous avons mené de concert avec les auteurs et les éditeurs est d’ailleurs suivi de très près par la Commission européenne.

Pour sa part, le Centre national du livre, le CNL, accompagne les éditeurs dans la numérisation de leurs livres sous droits, c’est-à-dire de leurs catalogues « vivants ». L’enveloppe dédiée sera accrue : elle passera de 2, 5 millions d’euros en 2010 à 4 millions d’euros en 2011 ; elle fera en outre l’objet d’un nouveau dispositif, qui permettra notamment de mieux soutenir les éditeurs de petite ou moyenne taille dans leurs investissements en faveur du numérique.

En France, la numérisation des œuvres du domaine public fait l’objet d’une politique active unique en Europe, avec un système de financement ambitieux porté, là encore, par le Centre national du livre, ce qui permet, depuis 2007, de consacrer 10 millions d’euros par an à la numérisation. Cette politique a donné lieu à la numérisation de plus de 300 000 ouvrages patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France.

Ce schéma mixte d’aides patrimoniales et d’aides au secteur marchand constitue une véritable originalité enviée par les acteurs étrangers.

Enfin, il va de soi que je souhaite aussi soutenir la librairie traditionnelle dans son adaptation au numérique.

Dans un univers en ligne où règne une profusion de l’offre, le conseil du libraire demeure plus que jamais précieux pour l’acheteur.

À cet égard, j’ai souhaité soutenir, par le biais d’un prêt d’un montant de 500 000 euros via le CNL, le projet de portail des libraires indépendants baptisé « 1001libraires.com », qui verra le jour prochainement. J’espère que ce projet pourra être examiné dans le cadre des investissements d’avenir.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et des principaux axes de ma politique en faveur du numérique, vous aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis extrêmement favorable à cette proposition de loi. En effet, celle-ci constituera un accompagnement efficace des acteurs vers le numérique. Elle créera les conditions d’une évolution équilibrée de l’ensemble de la filière, notamment au bénéfice des lecteurs.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la conjugaison de l’ordinateur, qui permet la numérisation des informations, et d’internet, qui rend possible leur mise en réseau à l’échelle planétaire, induit une véritable révolution, avec, à la clef, un brusque changement de l’ordre économique, moral et culturel.

Nous le mesurons un peu plus chaque jour, alors que tous les secteurs de notre vie quotidienne se trouvent tour à tour concernés : il s’agit non pas d’une simple rupture technologique, mais d’une véritable révolution anthropologique, comme l’a été l’apparition de l’imprimerie – Mme le rapporteur l’a rappelé – ou encore, bien plus tôt, celle de l’écriture.

Cette révolution est telle qu’elle engendre une nouvelle manière de communiquer, de s’informer, de travailler, de se cultiver, bref, de vivre ensemble, bouleversant nos organisations traditionnelles.

À cet égard, il est particulièrement étonnant de constater à quel point le champ culturel a été chamboulé dans les années qui viennent de s’écouler. Après la musique, le cinéma et l’audiovisuel, c’est le livre et l’avenir de sa filière qui sont touchés par les possibilités de numérisation et de téléchargement des œuvres.

Même si, en France, ce marché reste embryonnaire, en comparaison avec les États-Unis où il s’est fortement développé, l’arrivée des nouveaux supports – l’iPad avant l’été et, plus récemment, la tablette de la FNAC – accélérera, de fait, le tempo.

Après le temps des rapports, voici donc venue l’occasion de tenter de définir des modèles économiques. Contrairement à ce qui s’est passé dans la filière de la musique, les professionnels du livre se sont depuis longtemps mobilisés sur cette question. Aussi est-ce l’honneur de la Haute Assemblée de formuler des suggestions pour ce secteur si crucial de la culture, tout comme nous avions su proposer, sur l’initiative de Jack Ralite, un débat sur la numérisation des fonds de la BNF et organiser, à l’instigation de la commission de la culture, une table ronde sur la question du livre au mois d’avril dernier.

L’enjeu est ici de taille car, comme l’a souligné notre collègue député Hervé Gaymard, le livre « est le fruit, d’un combat pour la liberté de l’esprit, d’une prouesse technique et d’une chaîne complexe qui va de l’écrivain au lecteur ».

Il s’agit donc d’aboutir à des modèles qui soient par définition économiques, comme l’a rappelé Jacques Toubon lors de notre table ronde, c’est-à-dire qui comportent en eux-mêmes leur propre équilibre, à travers le marché et pour le consommateur. En même temps, il faut que la chaîne de valeurs soit tout au long équitable à la fois pour les auteurs, pour les éditeurs, pour ceux que l’on appelle désormais les « e-libraires » et pour les diffuseurs. Il est nécessaire que tous soient rémunérés de telle sorte que soit préservé ce qui est fondamental, c'est-à-dire la liberté et l’indépendance de la création et de tous ceux qui concourent à l’œuvre artistique.

Il s’agit d’éviter que ne se reproduise ce qui s’est passé dans le secteur de la musique, à savoir une espèce d’alliance économique et financière entre, d’un côté, les quatre majors et, de l’autre, iTunes.

Cette proposition de loi répond donc à une demande forte de régulation de la part du secteur, en conférant à l’éditeur, comme dans la loi de 1981, la maîtrise du prix de vente des livres homothétiques. Elle établit que le prix fixé s’impose à tous les revendeurs, fermant ainsi la porte aux politiques de dumping qui ont pour principal effet d’exclure du marché les acteurs les plus faibles et de priver les ayants droit de leur juste rémunération.

Comme l’a rappelé Mme le rapporteur, cette proposition de loi repose sur une définition du livre numérique restreinte et excluant les produits multimédias.

En d’autres termes, mes chers collègues, nous devons avoir conscience que, au train où vont les choses, nous ne réglerons pas tous les problèmes. Très vite, les technologies de pointe, telles que la réalité augmentée, permettront au livre papier, que l’on devra toujours à un auteur, de se transformer en livre vivant et tridimensionnel et de proposer des contenus multimédias. Je crois d’ailleurs que ce sont ces livres différents qui feront décoller le marché du livre numérique.

Par exemple, dans la version e-book, les notes de bas de page seront transformées en liens, dirigeant soit vers un site internet, soit vers un contenu téléchargé en même temps que le reste. Ce genre de livres, aux formidables possibilités, sera l’avenir de l’histoire, de la musique, des savoirs, des ouvrages de voyage.

Il est certain que, à l’avenir, nous devrons intervenir de manière anticipée sur toutes les déclinaisons du livre numérique. Nous risquons sinon de nous retrouver dans un système où la régulation sera réalisée par une alliance entre les vendeurs de terminaux, les opérateurs et un nombre limité de grandes maisons. Or au nom de quoi priverait-on les auteurs des revenus de leur travail ?

Ces remarques faites, je formulerai un regret et évoquerai quelques enjeux.

Alors que le marché du livre numérique est naissant, il faudrait lui donner une impulsion réelle, en décidant pour lui d’un taux de TVA équivalant à celui qui s’applique au livre papier. L’un des enjeux de cette question est de permettre, comme pour la musique, une offre légale attractive. En effet, ne nous leurrons pas : ce que veut l’internaute, à défaut de disposer d’un bien gratuitement, c’est une offre à moindre coût. Dans ce contexte, appliquer une TVA à 19, 6 % et non à 5, 5 % est absurde à l’heure où il faut mettre en place un véritable levier de développement pour ce marché émergent. Le prochain projet de loi de finances sera l’occasion de rectifier cette incohérence.

Il faut également que tous aient accès dans les mêmes conditions au livre numérique. Cela suppose égalité du prix, égalité des outils, égalité de tous quant à l’accès à la culture pour assurer cette diversité.

La protection du consommateur face à la guerre des formats est donc primordiale. Si j’achète aujourd’hui un livre numérique sous tel ou tel format, pourrai-je le lire demain, dans six mois, dans deux ans, dans cinq ans, avec une nouvelle tablette ? Si tel n’est pas le cas, j’aurai investi à perte par rapport à l’achat d’un livre papier que je peux, sauf s’il se détériore bien sûr, conserver.

Il est donc fondamental que celui qui rémunère toute la filière du livre numérique, c'est-à-dire l’acheteur, ne fasse pas les frais d’une guerre de formats ni de systèmes fermés, dont on peut craindre, en effet, qu’un certain nombre ne voient le jour.

Or il faut un système ouvert dans lequel toute la filière puisse se retrouver, qu’il s’agisse d’abord des auteurs, dont la création sera diffusée très largement, ensuite des éditeurs qui, dans un système ouvert de prix fixes, auront toujours la possibilité d’établir ces derniers et de négocier les droits numériques vis-à-vis des auteurs, enfin des librairies, parce que le pari est que chacun d’entre eux, quelle que soit sa taille ou sa capacité d’investissement, puisse revendre la version numérique du livre, avec un catalogue allant au-delà du stock physique dont il dispose dans sa librairie.

Aussi, nous ne saurions retrouver dans le secteur du livre les verrous que – je le rappelle, mes chers collègues – nous avons réussi à faire sauter pour la musique, à travers la loi Hadopi I, me semble-t-il.

Si les éditeurs ne veulent pas s’interdire des DRM, digital rights management, il faut que ces protections soient interopérables et permettent de larges usages. Elles ne sauraient imposer des contraintes techniques excessives aux lecteurs, et ce de manière définitive.

Un autre enjeu majeur aujourd’hui, comme l’a préconisé le rapport Tessier et comme l’a également souligné notre collègue Yann Gaillard, qui évoquera certainement ce point tout à l'heure, est la mise en place d’une plateforme permettant aux lecteurs d’accéder à la quasi-totalité de l’offre littéraire. Les grands opérateurs aujourd’hui sont étrangers ; il faut donc que nous puissions avoir une offre française et européenne. Or, aujourd’hui, du point de vue du lecteur, l’offre paraît éclatée et assez peu accessible.

Il faut aussi réfléchir à la manière dont les différentes plateformes pourront converger en une seule entité, qui serait centrale. À cet égard, les régions, dont le soutien aux éditeurs a été l’un des axes forts des politiques culturelles, doivent aujourd’hui inciter éditeurs et libraires à rejoindre une telle structure. En effet, en dehors des imprimeries, les librairies constituent l’élément le plus vulnérable de la chaîne du livre.

Pour l’heure, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la librairie indépendante est très active. Elle a créé un site, « 1001libraires.com ». Ces libraires ont investi ensemble, avec l’aide du Centre national du livre, des pouvoirs publics et de l’interprofession.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cet effort est important, car l’enjeu reste le même que le livre soit numérique ou papier. Le travail de médiation exercé par les libraires doit se poursuivre.

Pour conclure, il faut aussi prendre en compte le risque lié au caractère national et territorial de la proposition de loi dont nous débattons. En effet, un grand nombre d’acteurs d’internet se sont installés sur le territoire français, où la pression fiscale était moindre. Dès lors que les fichiers seront sur les serveurs Apple et Amazon, comment imposera-t-on à ces acteurs de respecter une loi sur le prix unique du livre qui est d’application française ? Cette question nous semble essentielle.

En tout cas, nous pensons que, demain, nous bénéficierons d’une offre double et complémentaire, comprenant le livre papier et le livre numérique, dont j’ai évoqué les différentes déclinaisons et les formidables potentialités.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Il faut vraiment conclure, ma chère collègue ! Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mme Catherine Morin-Desailly. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, fort de cette analyse et en dépit des quelques remarques que j’ai évoquées, le groupe de l’Union centriste votera cette proposition de loi. Nous félicitons d'ailleurs Jacques Legendre et Catherine Dumas, à qui nous devons cette initiative.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons un sujet sur lequel il est agréable de discuter et de réfléchir, parce qu’il constitue un défi pour notre avenir et est a priori moins conflictuel que le débat que nous avons achevé voilà quelques heures.

Je commencerai par féliciter M. le président de la commission de la culture, les auteurs de la proposition de loi et Mme le rapporteur d’avoir pris une telle initiative : il était temps d’offrir un cadre légal au livre numérique. Toutefois, je le dis très franchement, nous devrons nous revoir souvent si nous voulons être à la hauteur du big bang qui, selon moi, ne manquera pas de s’opérer dès l’année prochaine dans ce secteur.

Nous avons la chance de légiférer à un moment où ce secteur ne concerne qu’un très faible pourcentage du marché du livre. Néanmoins, l’essor du numérique dans ce domaine ne sera pas lent et progressif. Nous assisterons à son explosion brutale, comme en ont connu d’autres pays, et nous devons d’ores et déjà nous y préparer.

C’est d'ailleurs ce que nous nous efforçons de faire : il nous faut maîtriser les conséquences de l’apparition de ces nouvelles technologies, contrairement à ce qui s’est passé pour la musique ou pour le cinéma où nous avions toujours un coup de retard. En effet, nous avions beau nous insurger contre le piratage, les industriels n’avaient encore fourni aucune offre commerciale attractive digne de la démocratisation que la numérisation permettait. Ils ont préféré écouler leurs stocks et privilégier leurs intérêts à court terme au lieu de se projeter dans l’avenir et d’être à la hauteur des défis auxquels ils étaient confrontés.

Pour le secteur du livre, les éditeurs semblent avoir adopté le bon tempo. Pour ce qui concerne le livre électronique, notre chance est que le rythme des changements ne se soit pas accéléré plus tôt, comme ce fut le cas dans le domaine de la musique. Toutefois, nous assisterons inévitablement à un bond en avant quand les supports seront facilement accessibles au plus grand nombre, ce qui, pour l’instant, n’est pas le cas sur le marché français.

Le secteur de la presse en a conscience également. Il propose déjà une offre importante, mais ses responsables soulignent que c’est le jour où tout le monde pourra s’acheter facilement une tablette et où la démocratisation de ce produit aura eu lieu que les potentialités du livre numérique apparaîtront véritablement.

Comme tout le monde l’a souligné – mais il était important de le faire dans cette enceinte –, la révolution numérique est un défi. Elle est en marche, elle est inévitable. Il ne sert à rien, aujourd’hui, de pleurer le temps où cette technologie n’existait pas, où le livre papier que l’on manipulait était l’unique moyen de lecture. Dans cet hémicycle en particulier, il n’était pas évident de faire partager ce point de vue, de convaincre que ce phénomène devait être abordé avec optimisme, volontarisme et esprit d’ouverture.

En effet, la révolution numérique permet, dans tous les domaines, une réelle démocratisation de la culture par l’accès au plus grand nombre, par la diversité de l’offre proposée et par l’interactivité qui est son fondement même. Tout cela, il faut l’apprécier !

Je vous relaterai une anecdote qui permet de prendre pleinement la mesure des enjeux qui nous attendent. C’est dans un avion des lignes intérieures américaines, dans le cadre d’une mission en Amérique du Nord organisée par la commission de la culture sur le sujet qui nous occupe, que j’ai pris encore plus fortement conscience de la réalité du phénomène auquel nous sommes confrontés et dont je tiens à vous faire part. Observant les personnes qui m’entouraient, j’ai constaté que, si le président Jacques Legendre lisait un livre papier – « un livre », faudrait-il dire ! – consacré à Napoléon, sur les dix autres passagers, tous Américains, huit avaient choisi le support tablette.

J’ai alors compris que cette évolution était inéluctable. Pourtant, nombreux étaient ceux qui ne croyaient pas au succès de la numérisation dans le domaine du livre : jamais le grand public n’irait vers le téléchargement tant le livre papier paraissait l’outil auquel il était attaché et ne manquerait pas de le rester !

Accompagner cette révolution ne remet nullement en cause la nécessité de continuer à faire vivre le livre papier et de faire en sorte de le protéger par la législation.

Cette révolution, je le répète, il faut donc l’apprécier, la prendre à bras-le-corps et permettre le développement de toutes ses potentialités pour la faire avancer dans le sens du progrès. Ce n’est pas automatique ! En effet, on le sait bien, un progrès ne peut vraiment en être un que s’il est à la portée de tous et partagé. Il doit amplifier la diversité culturelle et non se réduire à une offre uniforme, ainsi que l’envisagent certaines grandes plateformes dont je ne citerai pas les noms.

Ce progrès ne doit pas non plus oublier tous les acteurs de la chaîne du livre : l’auteur, l’éditeur, l’imprimeur et le distributeur chargé de la distribution logistique du livre et, en bout de chaîne, avant même le lecteur, le libraire qui fait découvrir les œuvres nouvelles, maintient un fonds varié et conseille les passionnés. Il faut préserver cette chaîne sur laquelle repose tout le marché du livre. Il faut éviter qu’elle ne se rompe par cette révolution numérique dont chacun mesure l’ampleur. Il ne faut pas que les premiers maillons de cette chaîne préfèrent laisser Amazon, Google, Apple – ils ont leur place, mais il ne doit pas y avoir de place que pour eux ! – affirmer que ce progrès n’appartient qu’à eux seuls. Et c’est tout l’enjeu.

Pour l’instant, cela a été rappelé, cette révolution ne concerne qu’à peine 0, 1 % du marché français, soit 18 000 livres numérisés. Le dernier prix Goncourt, Trois Femmes puissantes de Marie Ndiaye, s’est vendu à 200 exemplaires en version numérique, contre près de 500 000 en version papier.

Il ne faut pas s’en tenir à ce chiffre pour considérer que nous avons le temps. Au contraire, cela nous montre où nous en sommes ! L’accélération va se produire et je pense qu’elle surviendra cette année. C’est la raison pour laquelle j’apprécie que la proposition de loi instaure une clause de rendez-vous via un rapport qui sera présenté un an après l’entrée en vigueur du texte. En effet, il faudra, à mon avis procéder à des ajustements, à des adaptations et apporter des réponses sur des points que nous ne sommes encore à même d’imaginer aujourd’hui.

Le basculement dans le numérique se perçoit sans cesse davantage. Le répit dont bénéficie le marché du livre sera de courte durée. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard, avant que quelques acteurs ne gèlent l’évolution des techniques, ne s’approprient la valeur ou n’interdisent l’avancée du progrès au point que le livre ne puisse demeurer ce qu’il est depuis des siècles : d’abord, l’outil d’un échange ouvert, sans exclusive, où se côtoient création et patrimoine, groupes industrialisés et maisons artisanales, création et commerce, dans un monde où la pluralité va de soi. C’est cela, le monde du livre et c’est ainsi qu’il doit rester.

Dès lors, l’objectif doit être le même qu’il y a trente ans quand les socialistes, avec la loi Lang, ont voulu préserver la création et protéger les marges des éditeurs afin de rémunérer les auteurs et d’assurer la diversité de l’offre éditoriale.

C’est pourquoi, globalement, cette proposition de loi est tout à fait louable. Nous avons collectivement conscience que son champ d’application reste limité, notamment à la version homothétique. Je pense que c’est l’une de ses faiblesses. Je me demande si un tel périmètre ne pourra pas être le cheval de Troie par lequel l’ensemble du dispositif que nous mettons en place pourra être détourné. L’offre numérique étant appelée à se diversifier rapidement, comme c’est déjà le cas à l’étranger, une définition trop restreinte ne risque-t-elle pas d’exclure les produits multimédias, par exemple ? Et si le texte ne prévoit pas de faire entrer ces derniers dans sa définition du livre numérique, nous risquons d’ouvrir une brèche menaçant la pérennité de notre action, sans que nous ayons la capacité de réagir. Il nous faudra donc très vite apporter les précisions qui s’imposent.

Je constate que j’ai dépassé mon temps de parole. Comme il s’écoule vite ! Avant de conclure, je souhaite insister sur un point. Une fois cette loi adoptée, ce à quoi nous sommes favorables, il faudra absolument se préoccuper des bénéfices résultant de la baisse des coûts à terme. Tel est l’objet de certains de nos amendements. Et que l’on ne vienne pas me dire que les gains doivent être réinvestis et qu’il n’y a donc pas réellement de profit ! Je suis allé voir ce qu’il en était au Japon : aujourd’hui, la baisse du prix de revient atteint, en gros, 40 %. Et ce sont les éditeurs qui l’empochent !

Il faudrait que cette manne puisse bénéficier à l’ensemble de la chaîne, notamment aux petites librairies qui maillent le territoire. Il faut les aider à jouer un rôle d’animateur dans les villes ou villages privés de leurs services publics où elles sont implantées et à s’équiper pour le numérique.

Les auteurs aussi doivent bénéficier du surplus qui sera généré.

Je conclurai en évoquant un point sans rapport direct avec ce qui précède. Quand une révolution industrielle a lieu, on ne peut pas accepter qu’il y ait des laissés-pour-compte. Je pense, en l’occurrence, aux imprimeurs dont les affaires vont couler un peu partout. Il faut aider cette profession à se reconvertir au cours de la phase de transition qu’elle va traverser. Il faut faire en sorte de redistribuer la valeur dégagée sur un mode assez équitable.

Vous retrouverez ces idées lorsque nos amendements viendront en discussion.

Il faut absolument que les engagements soient tenus et que nous puissions plaider auprès de l’Europe l’alignement du taux de la TVA du livre numérique sur celui du livre papier. Dans le cas contraire, l’offre ne sera pas attractive et, à terme, nous assisterons aux mêmes dérives que pour la musique ou le cinéma !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Mes chers collègues, avant que nous n’entamions l’examen de ce texte, je vous ai invités à la concision, car la conférence des présidents avait initialement prévu que nous siégions uniquement le soir, et non la nuit.

Aujourd’hui, nous avons consacré beaucoup de temps à un texte important. J’ai obtenu une dérogation pour que la séance se prolonge jusqu’à une heure du matin, mais je vous demande de respecter scrupuleusement le temps de parole qui vous est imparti.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter et à remercier Jacques Legendre et Catherine Dumas de leur initiative, sans oublier notre rapporteur, Colette Mélot. La proposition de loi que nous examinons ce soir est bien le fruit de longues réflexions, de concertations ainsi que de nombreux rapports.

Le marché du livre numérique est, certes, encore balbutiant en France. Mais la politique de numérisation des bibliothèques à grande échelle, la multiplication des liseuses numériques sur le marché, tout comme la forte progression des ventes de livres numériques ces derniers mois, ne laissent pas de place au doute sur l’avenir de ce marché, en France, à l’image du marché américain.

Cette évolution constitue avant tout un grand progrès. La diversité culturelle et l’accès du plus grand nombre à la lecture devraient s’en trouver considérablement enrichis. Cette perspective, aussi exaltante soit-elle, ne doit pas nous faire oublier les risques inhérents à un tel bouleversement de l’univers du livre. Il est inconcevable de laisser se développer ce pan entier de l’économie du numérique sans une régulation adaptée. Le risque est trop grand de connaître les mêmes déboires que pour la musique et le cinéma, déboires que nous avons encore du mal à effacer aujourd’hui, faute d’en avoir suffisamment anticipé les effets.

Nous le savons, une offre légale de qualité est la condition sine qua non d’un développement harmonieux du marché du livre numérique. Les acteurs du secteur doivent pouvoir le maîtriser sans se laisser déborder par le piratage. C’est un premier point.

La nécessité de développer d’urgence un cadre législatif pour l’exploitation du livre numérique constitue un autre élément de préoccupation pour les membres du groupe du RDSE. C’est d’ailleurs une attente unanime de tout le secteur. Il est important de fixer un cadre légal suffisamment souple pour accompagner l’évolution technologique dans le plus grand respect, non seulement du patrimoine et de sa diversité, mais aussi des droits d’auteurs.

En prenant exemple sur la réussite de la loi dite « Lang », la proposition de loi dont nous débattons repose sur une définition du livre numérique cantonnée au livre imprimé ou imprimable. Sont ainsi exclus les produits multimédias hybrides qui, à ce jour, sont encore moins développés.

L’éditeur conservera la maîtrise du prix de vente des livres numériques, tout comme il la détient sur le livre papier. Ce prix, imposé aux revendeurs, empêchera toute politique de dumping qui exclurait du marché les acteurs les plus faibles. Il permettra, par ailleurs, aux auteurs de mieux contrôler la perception de leurs droits et, ainsi, de maintenir la richesse et la diversité des publications.

Si un large consensus se dégage sur la nécessité de fixer un prix unique pour le livre numérique, de nombreuses inquiétudes subsistent, néanmoins, quant aux conséquences du développement de ce livre dématérialisé.

Avec le numérique, le marché du livre doit s’adapter à de nouvelles contraintes. Il tente peu à peu de se structurer. Les éditeurs, les bibliothécaires et les libraires investissent et expérimentent de nouveaux modèles économiques. Malheureusement, c’est toute la chaîne de production qui est déstabilisée, voire en grand danger : l’imprimerie, mais aussi la filière papier.

Par ailleurs, la dématérialisation des livres, ainsi que celle des relations commerciales, est dramatique pour le maillage culturel de notre territoire. Certaines petites librairies souffraient déjà de la concurrence des grandes enseignes. Elles doivent désormais compter avec la concurrence impitoyable d’internet et des éditeurs installés à l’étranger, qui proposent des livres français à portée de clic de leurs lecteurs.

À ce sujet, je regrette que le texte que nous examinons aujourd’hui ne nous permette pas de nous attaquer à cette concurrence dont souffrent déjà les professionnels de la librairie de la part d’opérateurs établis hors de notre territoire. Des amendements ont été déposés et feront tout à l’heure l’objet d’un débat qui, je l’espère, permettra de trouver un accord sur ce sujet délicat. L’exception culturelle française est toujours au cœur de nos préoccupations.

L’existence, en France, d’un vaste réseau de librairies indépendantes est déterminante pour la diversité et la qualité de la production éditoriale. Sans un tel réseau de libraires, qui défendent et prescrivent des livres exigeants, ces ouvrages plus confidentiels ne pourraient plus trouver d’éditeurs. Je m’inquiète aussi de savoir quel sera, pour ces libraires indépendants, le coût réel de leur adhésion au « portail internet des libraires ».

L’objectif de ce portail est d’accompagner les librairies dans le monde du numérique. C’est pourquoi il référencera, dès son lancement, toute l’offre numérique de l’édition française, avec la possibilité de choisir entre l’achat de livres physiques ou numériques, dans un même panier. Cet outil sera le bienvenu, mais nous espérons surtout qu’il sera adapté, je le répète, aux petites librairies indépendantes.

Par ailleurs, je suis déçue que la commission de la culture ait supprimé tout délai entre la parution d’un livre numérique et sa distribution, dans le cadre d’une offre groupée.

L’instauration d’une chronologie est certes complexe, mais n’est-elle pas essentielle pour la protection de certains livres, notamment ceux qui reçoivent des prix littéraires et font l’objet d’un succès particulier auprès du public ?

Je m’interroge par ailleurs sur la façon dont pourraient être utilisés et redistribués les bénéfices supplémentaires engendrés par la vente des livres numériques. Il est évident que des frais d’équipement seront nécessaires pour que les professionnels s’adaptent à cette nouvelle ère.

Cependant, une fois cette phase d’adaptation passée et malgré la différence de prix avec le livre physique, le livre numérique sera lucratif. Ne pourrait-on pas alors dégager une source de financement pour la création ?

Enfin, j’attends que soit adopté le principe d’une TVA à taux réduit sur le livre numérique, comme pour le livre papier et le livre audio. Le maintien d’une fiscalité différente entre livre physique et livre numérique paraît désormais économiquement et politiquement incohérent.

Le texte que nous nous apprêtons à voter, en rassurant les différents acteurs du marché, donnera peut-être un coup d’accélérateur au développement du livre numérique.

Sans doute verrons-nous ainsi fleurir de nombreuses tablettes de lecture au pied des sapins de Noël. J’ai personnellement l’espoir que les livres numériques redonneront le goût de la lecture à beaucoup de nos enfants qui, trop souvent, délaissent les livres au profit des écrans.

Du fait de l’activité débordante du Sénat ces derniers jours, j’ai disposé de très peu de temps pour examiner les amendements déposés sur ce texte. Toutefois, ceux-ci me semblent aller dans le sens des ajustements que nous attendions et nous en débattrons dans quelques instants.

La clause de revoyure contenue à l’article 7 nous laisse croire que le débat sur le livre numérique est loin d’être clos et que la loi pourra évoluer en fonction des observations et des besoins. Animés de cet espoir, les membres du groupe du RDSE voteront cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – M. David Assouline applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre discussion s’oriente aujourd’hui autour d’un objectif louable et nécessaire.

Il s’agit de réglementer le secteur du livre numérique, en lui transposant pour partie les dispositions de la loi Lang de 1981 relative au prix du livre. Cette loi a permis à l’éditeur de fixer un prix unique s’imposant à tous les libraires, interdisant aux grands diffuseurs commerciaux de brader ce bien culturel précieux qu’est le livre pour n’en faire qu’un bien commercial ordinaire. Cette loi a eu de grandes vertus pour la diversité de l’édition, la qualité de son offre ainsi que pour la formation d’un réseau dense de libraires de toutes tailles, créant sur la totalité du territoire un maillage essentiel.

On comprend l’intérêt d’appliquer cette loi vertueuse au nouveau marché du livre numérique, afin d’empêcher les géants commerciaux d’internet – Google, Microsoft, Apple et Amazon – de s’emparer de cette nouvelle offre dans l’unique objectif de dégager des profits, avec le risque réel d’une réduction de la qualité et de la diversité de l’offre culturelle numérique.

Ainsi, le législateur joue son rôle : faire que le droit définisse la concurrence, placer la loi au niveau de l’intérêt général, s’interposant là où l’intérêt financier des grandes entreprises abolit toutes les barrières.

Plus exactement, le législateur tente de le faire, car même si cette loi est nécessaire, il faut que son adoption ait lieu non pas dans un enthousiasme candide, mais plutôt avec une lucidité clairvoyante.

Cette proposition de loi soulève des interrogations qui sont le fait non pas de ses auteurs, mais de l’objet même qu’elle tente de saisir. Évoquons-les par des questionnements critiques, pour que l’entrée en vigueur de la loi ne crée pas de grandes illusions et d’encore plus grandes désillusions.

Le livre numérique est un objet naissant que l’on peine à saisir dans ses fonctionnalités et usages. Les tablettes de lecture numérique ont vu le jour ces derniers mois. En 2008, le marché du livre numérique représentait 0, 1 % du marché du livre. S’il est en augmentation – 1, 5 % aujourd’hui –, il représente un marché à peine émergent, ce qui ne permet pas d’envisager aisément toutes les potentialités et les fonctionnalités du livre numérique qui présente pourtant un intérêt en tant que tel.

Il en découle un flou certain et des incertitudes sur les champs d’application de la loi, comme l’indiquent les multiples renvois à des décrets. Ainsi, l’article 1er prévoit : « Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ de la présente loi. » Pourtant, le pouvoir réglementaire ne pourra pas plus que le législateur résoudre ces questions. Il ne s’agit pas d’un problème de niveau de compétence : la difficulté tient à un objet que la pratique n’a pas encore permis de bien cerner.

Ce texte fait en quelque sorte l’aveu d’une certaine ignorance, puisqu’il vise le livre numérique homothétique, soit l’équivalent du livre papier sous un autre format. Or l’intérêt même du livre digital réside dans l’ajout de fonctionnalités propres au numérique.

Les spécificités de la création et de l’exploitation numériques sont par ailleurs ignorées. Comment envisager au sein de ce texte la création libre reposant sur une éventuelle commercialisation dont le prix et la diffusion ne sont pas limités quantitativement et peuvent être effectués par tout acquéreur ? En ce sens, la création ne peut s’accommoder d’un prix unique du livre numérique.

Le prix unique du livre numérique ne peut également s’appliquer qu’à des objets identiques. L’article 2 mentionne que ce prix « peut différer en fonction du contenu de l’offre, des ses modalités d’accès ou d’usage ». Or on peut raisonnablement imaginer que le livre numérique, pour un même contenu textuel, peut trouver une grande diversité d’applications, ce qui impliquera une multitude de prix et un dédale de tarifs dans lequel le lecteur risque fort de se perdre, ces différences étant difficiles à saisir.

L’absence de délai de ce prix unique est également étonnante. Il n’est pas fixé de période au-delà de laquelle un autre prix peut être fixé, comme c’est le cas dans la loi de 1981 pour le livre papier. Est-ce à dire qu’il est souhaitable de créer un prix perpétuel pour le livre numérique ? En effet, rien n’est prévu pour qu’existe une sorte de marché de « seconde main » du livre numérique, comme pour le livre papier qui peut être acheté d’occasion et moins cher.

Enfin, malgré ses bonnes intentions, la loi se fait rattraper et c’est, alors que cela ne devrait jamais être le cas, la concurrence qui définit le droit.

Le prix du livre numérique ne s’applique ainsi qu’aux seules personnes établies en France, ce qui limite son application, d’autant que, pour le numérique, les frontières physiques ont peu d’importance. Plus précisément, les frontières comptent plus en termes de fiscalité qu’en termes de rayonnement. Les grandes entreprises du numérique l’ont compris. Google a ainsi établi son siège social en Irlande. Hier, le journal les Échos révélait que Google ne payait que 2, 6 % de taxes en Europe.

J’ai attiré à plusieurs reprises l’attention sur les velléités d’appropriation commerciale – que je qualifie de scélérate – de ce monopole sur le livre numérique, d’abord le 19 novembre 2009 à l’occasion d’une question orale avec débat sur la numérisation des bibliothèques, puis le 7 février 2010 dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, en proposant une « taxe Google », dont la majorité reconnaissait la nécessité pour mieux la refuser.

L’un des paradoxes de ce texte réside dans le fait qu’il échappe à son objet même, pourtant louable et souhaitable.

Cette proposition de loi, si elle vise à limiter l’impact des grands commerçants s’emparant du marché du livre numérique afin qu’ils ne puissent pas réduire l’offre culturelle à la vente exclusive de best-sellers rentables, ne touchera cependant aucun des quatre géants qui s’emparent de ce marché naissant : Amazon, Google, Apple et Microsoft. En effet, aucun d’eux n’est établi en France et, quand bien même ce serait le cas, rien ne les empêcherait de se délocaliser pour échapper à cette contrainte.

La raison de cette réglementation partielle trouve son fondement dans le droit communautaire, notamment dans la directive Services et dans la directive de 2000 sur le commerce électronique. La législation européenne semble avoir, en tout lieu et pour toute chose, cédé aux lois du marché. Elle semble même avoir été créée pour mieux le faire fonctionner.

Tels sont les sujets qui suscitent nos interrogations, bien que nous préférions les imperfections liées à la volonté de proposer une réglementation au démantèlement de ce bien culturel d’exception qu’est le livre par le marché tout puissant.

C’est pourquoi nous voterons cette proposition de loi en continuant à penser qu’elle est non pas prématurée, comme le fait croire l’Autorité de la concurrence dont la finalité n’est ni plus ni moins que de favoriser les puissances du marché, mais malheureusement très limitée par ces lois de la concurrence.

J’en appelle à une réflexion européenne sur ce prix unique du livre numérique. Je plaide aussi pour un taux de TVA réduit de ce dernier, à l’instar du livre papier, tant ce qui importe réside non pas dans le support, mais dans la création, l’œuvre de l’esprit, quelle que soit sa forme, ce dont ne se soucient guère les géants commerciaux du web. Ces derniers n’ont qu’un rapport marchand au livre, ne les considérant, selon les termes du directeur de la bibliothèque de Harvard, grand et fin connaisseur de notre xviiie siècle, M. Darnton, que comme « un gisement de contenus à exploiter à ciel ouvert ». Pour nous, c’est un lieu de savoir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est désormais un lieu commun : l’évolution technologique que nous connaissons depuis une quinzaine d’années, avec le développement des applications du numérique et du web, constitue une véritable lame de fond qui bouleverse notre société.

Chaque jour amène son lot de nouvelles découvertes, de nouvelles applications, de nouvelles guerres concurrentielles entre les acteurs industriels et, cela n’échappe à aucun de nos concitoyens, une modification, progressive mais profonde, de nos comportements quotidiens.

Ce qui nous frappe, c’est l’accélération et l’ampleur de ces phénomènes. Nous nous interrogeons sur notre capacité à les accompagner, à les épouser dans le respect de notre nature humaine, de notre métabolisme, de notre culture et de nos libertés bien comprises.

Google n’a que douze ans et, déjà, les adolescents d’aujourd’hui ont du mal à imaginer que nous ayons pu nous en passer !

Facebook n’a que six ans, et ce sont plusieurs milliards d’échanges quotidiens qui traversent son réseau, rompant ainsi brutalement avec notre conception verticale et descendante des messages collectifs.

Youtube célèbre cette année son cinquième anniversaire et annonce que 2 milliards de vidéos sont consultés sur son site et que, chaque minute, son stock de vidéos s’enrichit de vingt-quatre heures d’images animées.

Devant cette accélération, l’esprit scientifique s’émerveille de la fuite en avant des innovations technologiques et techniques que nous proposent les acteurs sur les marchés, dans une compétition sans merci.

Le sociologue, quant à lui, s’interroge, à juste titre, devant la mutation des esprits, des comportements, des liens et des équilibres sociaux. Il alerte parfois sur les dérives possibles, mais il souligne aussi les heureuses perspectives potentielles sociales, culturelles et démocratiques qui s’offrent à nous pour la société de demain.

Si la génération que nous représentons ici – en moyenne, bien sûr ! – s’interroge sur les menaces qui pèsent sur nos habitudes ancestrales ou sur les modèles économiques que nous pratiquons depuis toujours, voire s’en inquiète, notre jeunesse semble moins réticente à plonger sans retenue dans cette lame de fond pleine de risques et d’inconnues qui, quant à nous, semble nous submerger.

S’il est clair que notre société connaît de profondes mutations, que le scientifique s’émerveille, que le sociologue s’interroge et commente, le législateur a le devoir de s’emparer du sujet, avec le souci de mettre en place les barrières face aux dérives possibles, en matière tant de morale que d’équité économique et sociale.

Nous devons le faire en suivant la voie du juste milieu, animés, d’une part, du souci de ne pas brider l’innovation porteuse de progrès et, d’autre part, de la volonté d’empêcher que ne s’installent dans nos mœurs, au cœur de la tourmente, des comportements condamnables sur le plan des valeurs fortement ancrées dans notre patrimoine républicain.

C’est ce que nous avons déjà fait récemment en adoptant différents textes, tels que la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ou la loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.

C’est ce que nous allons de nouveau faire aujourd’hui en traitant de l’adaptation de l’un des véhicules culturels les plus anciens, les plus traditionnels, les plus familiers, sans doute le plus riche que nous connaissons depuis des générations : le livre.

La réflexion sur ce sujet est engagée depuis des mois. Les nombreux rapports, qui ont déjà été cités par les orateurs précédents, ont jeté les bases du texte d’aujourd’hui.

Certes, le livre numérique ne représente en France que 0, 1 % du marché global du livre en 2008 et de l’ordre de 1 % à 2 % du chiffre d’affaires des éditeurs en 2010. Si 600 000 titres sont proposés en format papier, seuls 70 000 le sont en support numérique.

Au-delà de ces chiffres, caractéristiques d’un marché naissant, la croissance de ce secteur économique pourrait bien se révéler très rapide, peut-être même exponentielle, sans doute explosive, dès lors qu’une offre légale structurée et qu’une tablette numérique adaptée et acceptée seront disponibles sur notre marché national et européen.

C’est en tout cas ce que l’on peut légitimement penser au vu de l’évolution rapide du marché américain. Au mois de juin 2010, Amazon a vendu près de deux fois plus de livres numériques que de livres imprimés. Depuis deux ans, son lecteur numérique, Kindle, est l’article le plus vendu du groupe. Toujours au mois de juin dernier, nous pouvions trouver sur la boutique 630 000 livres numérisés, dont 80 % vendus à moins de dix dollars l’unité.

À mon sens, cette évolution atteindra très vite l’Europe. La proposition de loi présentée par Jacques Legendre et Catherine Dumas nous y prépare. Elle intervient à temps et nous permettra d’éviter ce que nous avons connu par le passé en matière de contenus culturels ; je pense particulièrement à la musique et à la vidéo.

Madame le rapporteur, vous avez excellemment rappelé tous les objectifs visés par le texte et les moyens que celui-ci se donne. Faute de temps, je n’entrerai pas dans le détail.

Une fois la proposition de loi adoptée, il conviendra d’en observer l’application. Tel sera l’objet du rapport annuel prévu à l'article 7.

D’ores et déjà, j’attire l’attention sur deux sujets « suspendus » aux règles communautaires applicables en matière de livre numérique.

Le premier, évoqué à de nombreuses reprises, concerne le taux de TVA applicable : il est de 19, 6 % pour le livre numérique, alors que le livre papier se trouve, lui, assujetti au taux réduit de 5, 5 %. La commission de la culture s’est déclarée favorable à une harmonisation au profit du taux réduit. Si je comprends très bien qu’une telle mesure doive être traitée dans le cadre du projet de la loi de finances, il faudra cependant évaluer au préalable tous ses effets.

Le second sujet, qui est à mon avis encore plus important sur le plan des principes, concerne le champ d’application territorial du texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, la commission s’est longuement interrogée sur les règles communautaires applicables en matière de livre numérique, lesquelles conditionnent le périmètre de cette loi. Faut-il retenir le principe d’établissement en France des acteurs, comme le prévoit le texte, ou est-il envisageable de viser l’ensemble des éditeurs et détaillants exerçant leur activité sur le territoire national ?

J’ai bien compris que la proposition de loi s’inscrivait dans le cadre du droit communautaire aujourd’hui appliqué. Le texte que nous adopterons devra bien sûr être soumis à l’avis de la Commission européenne. Devant le risque d’une interprétation défavorable de celle-ci au regard des directives concernées, nous avons fait le choix de la sécurité juridique.

Je regrette néanmoins que l’on ne saisisse pas l’opportunité d’un tel texte pour tenter une percée juridique que les directives communautaires semblent pourtant permettre avec la clause de diversité culturelle et linguistique.

En effet, monsieur le ministre, la France s’est battue pour que le droit communautaire prévoie certaines dérogations nécessaires en vue d’atteindre l’objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique. Elle y est arrivée, non sans peine. De même, elle a défendu avec acharnement, et Jacques Legendre y a contribué, la convention de l’UNESCO sur ce sujet.

Le secteur du livre, déjà régulé par la loi de 1981, me paraît entrer dans ce cas de figure et permettre l’application de telles clauses. Nous serions ainsi enfin en mesure de savoir dans quelles conditions et circonstances ces dernières peuvent s’appliquer, ce qui pourrait aussi être utile pour d’autres filières culturelles.

En outre, la proposition de loi ne présente pas un caractère d’urgence tel que nous ne puissions saisir les institutions européennes et prendre éventuellement quelques semaines ou mois supplémentaires avant son adoption définitive.

En ce qui me concerne, je pense que l’enjeu le mérite. D’ailleurs, un certain nombre d’acteurs français de la filière demandent que la proposition de loi soit également appliquée à leurs concurrents étrangers.

Certes, le contrat de mandat ou d’agence, qui continuera à régir les relations entre éditeurs et opérateurs hors de nos frontières, permet lui aussi aux éditeurs de fixer le prix du livre. Mais ces derniers pourront-ils toujours garantir l’harmonisation de leur politique tarifaire en France et à l’étranger ?

Enfin, il me semble plus facile de légiférer en amont sur ces sujets que d’y revenir quand le marché sera mature ou qu’une évolution des forces en présence nous fera, le cas échéant, regretter notre timidité actuelle.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les amendements que je présenterai, à titre personnel, lors de la discussion des articles ont vocation à ouvrir ce débat essentiel pour l’avenir du marché du livre numérique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, près de trente ans après son adoption, la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre reste pertinente, y compris à l’ère d’internet. C’est l’une des conclusions fortes du rapport rendu le 10 mars 2009 par le groupe de travail présidé par notre collègue député, M. Hervé Gaymard, dans le cadre du Conseil du livre, groupe de travail au sein duquel, avec notre rapporteur, Mme Colette Mélot, j’ai eu l’honneur de représenter notre assemblée.

Selon les termes de ce rapport, la loi Lang est une « loi de développement, à la fois durable, culturelle, économique et territoriale, dont le bilan est positif ».

Grâce à cette loi, formidable outil de régulation publique du secteur et instrument majeur de la politique du livre, la France jouit désormais d’un réseau de diffusion et de distribution des livres diversifié sur l’ensemble du territoire.

Cette diversité des diffuseurs du livre, cet écosystème vertueux pour la multiplicité de l’offre, nous le devons à la volonté politique culturelle dont le prix unique du livre est l’un des éléments de la richesse littéraire.

La détermination par l’éditeur d’un prix fixe pour une œuvre donnée a été bénéfique non seulement pour le secteur de la diffusion, mais également pour celui de l’édition. C’est là un point essentiel pour le sujet qui nous réunit aujourd’hui.

Comment, dans ces conditions, s’assurer que la liberté et l’indépendance de tous ceux qui concourent à la création et à la diffusion de l’œuvre littéraire seront préservées dans l’environnement numérique ?

Souvenons-nous que le droit d’auteur, dans l’univers patrimonial comme dans l’univers numérique, est le garant de la liberté de création et de l’indépendance matérielle et financière des auteurs.

Souvenons-nous également que le disque, à la fin des années quatre-vingt-dix, a vécu, avec l’apparition des fichiers MP3, une véritable explosion numérique, qui, en l’absence d’une réponse rapide et adaptée en termes d’offre légale riche et diversifiée, a eu des conséquences économiques désastreuses pour le secteur. Le piratage des œuvres phonographiques s’est banalisé, une culture du « prétendument gratuit » s’est installée et les ventes se sont effondrées de plus de 50 % en cinq ans, en valeur et en volume.

Après que l’offre illégale de musique a été considérée comme un produit d’appel pour certains fournisseurs d’accès à internet, l’offre légale s’est ensuite vu captée par une alliance économique et financière entre les quatre majors du disque et le fabricant américain Apple via son site iTunes Store. Aujourd’hui, la firme à la pomme absorbe une large part du marché de la musique en ligne : 70 % aux États-Unis, 60 % au Japon et 40 % en France.

Le risque de concentration du secteur du livre numérique est donc réel et la régulation de son système de diffusion doit être encadrée par les pouvoirs publics.

L’exemple de la numérisation du patrimoine littéraire par le géant californien Google est particulièrement révélateur des dangers que recèle, pour notre mémoire et notre diversité littéraire, la prise de contrôle du secteur du livre numérique par quelques grands groupes privés.

Sur l’initiative de notre collègue M. Jack Ralite, nous avons eu l’occasion de dénoncer dans cet hémicycle les méthodes et les exclusivités utilisées par le plus grand moteur de recherche au monde pour numériser des œuvres, y compris sous droits.

S’agissant du marché du livre numérique, il est encore embryonnaire, cela a été dit à plusieurs reprises. Le livre numérique existe, certes, depuis plus de dix ans, mais le marché ne commence à se développer que depuis trois ans, pour ne représenter aujourd’hui que moins de 1 % du marché du livre en France.

Pendant plusieurs années, considérant comme inacceptables les conditions tarifaires qui leur étaient imposées, les éditeurs français ont pratiqué une résistance combative dans l’ouverture de leurs catalogues aux grandes multinationales de la diffusion du livre numérique. Ce front commun a permis aux éditeurs de généraliser peu à peu la pratique du contrat de mandat, contrat qui leur permet d’imposer aux distributeurs le prix de vente du livre numérique.

Le retard maîtrisé du marché du livre digital ne doit cependant pas faire perdre de vue que le basculement, quand il a lieu, est extrêmement brutal dans l’environnement numérique.

Or tout porte à croire que le marché du livre numérique est en passe de se développer. L’acteur dominant, Amazon, n’est plus seul sur le marché. Des concurrents sont apparus, développant chacun leur offre ; c’est le cas d’Apple et de Sony, et, prochainement, de Google.

La plupart des grandes maisons d’édition françaises s’organisent et développent chacune à leur tour une offre de livres numériques sous droits. Or, comme l’a parfaitement indiqué Mme le rapporteur, la pratique du contrat de mandat n’est pas satisfaisante en ce qu’elle retire au distributeur ou au libraire en ligne toute latitude sur le choix et la présentation des produits.

La présente proposition de loi, qui met en place, comme dans l’univers physique, un système de prix fixe déterminé par l’éditeur pour chaque livre numérique homothétique, était donc très attendue par l’ensemble des professionnels du livre.

Cependant, la numérisation des livres aura sans doute des effets sur les intermédiaires de la chaîne du livre, notamment sur les imprimeurs et les libraires. À l’instar des projectionnistes des salles de cinéma, eux aussi confrontés à une évolution de leur métier du fait de l’avènement du cinéma numérique, il y a fort à croire que les métiers de l’imprimerie et de la librairie devront évoluer avec le développement du livre digital.

Au final, en donnant aux éditeurs le pouvoir de maîtriser le prix de vente des livres numériques homothétiques, la proposition de loi s’inscrit parfaitement dans le prolongement des recommandations formulées dans le cadre des conclusions des rapports de M. Patino, de M. Gaymard, de Mme Albanel ou encore du rapport de la mission « Création et internet », remis par MM. Zelnick, Toubon et Cerruti.

Cette proposition de loi intervient-elle à temps ? Le marché du livre numérique va se développer considérablement, c’est une quasi-certitude. La multiplication des tablettes de lecture en est le marqueur le plus sensible.

Pour autant, une loi, aussi bonne soit-elle, ne peut pas tout. Elle devra être accompagnée par des pratiques professionnelles respectueuses de la chaîne de valeur du livre.

Les grands distributeurs anglo-saxons ont voulu empêcher les libraires de garder sur le marché numérique la place qu’ils ont sur le marché physique. C’est la raison pour laquelle trente-cinq librairies, sous l’égide du Syndicat de la librairie française, ont d’ores et déjà investi pour financer le développement d’une plateforme de vente commune. Il s’agit là d’une formidable initiative pour inciter les lecteurs à acheter des livres numériques sur le site de leur libraire plutôt que chez un distributeur anglo-saxon.

De la même manière, les éditeurs devront continuer à respecter la chaîne du livre et ne pas décider brutalement de se passer des libraires pour vendre directement aux lecteurs leurs ouvrages numériques, faute de quoi il s’ensuivrait une dangereuse intégration verticale accompagnée d’une désintermédiation tout à fait préjudiciable à l’ensemble de la chaîne du livre.

Il conviendra également de normaliser les spécificités techniques des fichiers numériques. Il y a là un impératif d’interopérabilité tout à fait essentiel pour lutter contre le piratage des livres numériques.

Enfin, pour assurer son développement et éviter le piratage, les éditeurs reconnaissent tous que le prix du livre numérique devra être moins élevé que celui du livre physique. Pour cela, l’uniformisation des taux de TVA applicables est nécessaire.

En l’absence d’harmonisation communautaire sur cette question fiscale, il incombe à la France de prendre position et de jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne. Le marché du livre numérique est, certes, balbutiant, mais il est en pleine croissance. Or un modèle économique fondé pour le livre numérique à la fois sur un taux de TVA à 19, 6 % et sur un prix inférieur de 20 % à celui du livre papier représente, au final, une diminution effective du chiffre d’affaires de 29 %.

Les éditeurs sont donc légitimement en droit d’obtenir une harmonisation à 5, 5 % du taux de TVA pour le livre physique et numérique ; nous proposerons d’ailleurs un amendement en ce sens. Il s’agit, dans le prolongement des préconisations du rapport de MM. Zelnick, Toubon et Cerutti, d’envoyer un signal politique fort et immédiat à l’Union européenne, au sein de laquelle la France doit remettre en cause l’assimilation du livre numérique aux « services en ligne », notamment d’un point de vue fiscal.

On imagine mal les pays francophones de l’Union européenne contraints de pratiquer une politique fiscale distincte à l’égard du livre numérique. Il y aurait là une forme de concurrence déloyale intracommunautaire, tout à fait préjudiciable à la chaîne de valeur du livre et à la diversité culturelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Lagauche

M. Serge Lagauche. Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une lettre adressée à Léon Daudet le 26 avril 1931, le poète Antonin Artaud écrivait : « L’esprit a tendance à se délivrer du palpable pour arriver à ses fins. » Laissons donc à l’écrit la possibilité de se délivrer du papier, mais faisons-le dans le respect de la tradition de notre droit d’auteur, qui est le garant de la liberté de créer et de l’expression de la diversité culturelle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi qu’au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a les qualités d’un texte fondateur. La première, c’est la brièveté : huit articles. De cette brièveté découle la seconde : la clarté. Dans le magma des discussions sur le livre papier et le livre numérique, elle se présente avec la simplicité lumineuse d’une éclaircie en forêt.

Exclamations admiratives sur un grand nombre de travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Premièrement, le livre numérique est-il un livre, ou plutôt qu’est-ce qui mérite le nom de livre dans le foisonnement du numérique ? La réponse se trouve à l’article 1er.

Deuxièmement, qui est le maître de ce livre numérique ? Qui a le pouvoir d’en fixer le prix ? Je vous renvoie à l’article 2 : la fonction de l’éditeur est au centre de cette construction, comme le libraire est au centre de la loi Lang.

Troisièmement, comment stabiliser les relations commerciales entre l’éditeur et toute la chaîne des détaillants potentiels ? Une telle interrogation nourrira bien entendu les débats futurs. À juste titre, cette tâche complexe est renvoyée aux décrets à venir, qui devront sans doute faire l’objet d’une convention entre les professionnels concernés et l’État.

Depuis l’apparition du numérique au-dessus de nos têtes et dans les cieux intellectuels, avec l’accumulation des rapports – de celui de M. Patino jusqu’à celui de la commission des finances du Sénat – nous n’étions pas totalement à l’aise face à ces questions lancinantes : le livre numérique est-il bien un livre ? Peut-il être considéré comme la troisième étape de cette voie royale qui va du volumen antique au codex du manuscrit et de l’imprimerie ? Peut-il être le digne réceptacle électronique de la création littéraire, juridique et scientifique ? Oui, bien entendu, mais nous n’en étions pas tout à fait sûrs.

L’article 1er de la proposition de loi de Mme Catherine Dumas et de M. Jacques Legendre a pour objectif affirmé de définir le périmètre du livre numérique, puisqu’il est bien évident que dans le numérique, je le répète, tout n’est pas livre.

La réponse de la commission de la culture est ferme ; elle tient en deux idées : existence d’un contenu intellectuel et principe de réversibilité. Il revient désormais au pouvoir réglementaire de travailler à partir de cette intuition fondamentale.

La créativité est la même dans l’article 2, qui définit l’éditeur d’un tel livre comme toute personne fixant un prix de vente au public.

Le plus dur étant fait, il ne reste plus, aux articles 4 et 5, qu’à s’appuyer sur les principes du droit commercial ordinaire – conditions de vente, qualité des services – pour faire entrer le livre numérique dans la vie courante.

Il me semble cependant que la présente proposition de loi doit être considérée non pas comme un aboutissement mais comme un premier pas.

En effet, selon les règles du droit communautaire de la concurrence, elle ne pourra s’appliquer qu’aux livres vendus par des libraires électroniques implantés en France. Amazon, société implantée au Luxembourg, échappera donc au champ d’application de ce texte. Pour qu’un éditeur français obtienne de cette société qu’elle vende ses livres au prix souhaité, il faut qu’il conclue avec elle un « contrat de mandat », comme l’Autorité de la concurrence et notre collègue Colette Mélot le soulignent.

Cependant, la signature d’un tel contrat suppose que les rapports de forces soient favorables aux éditeurs français, ce qui ne va pas de soi. Il me semble donc essentiel que les éditeurs ou les pouvoirs publics – M. le ministre vient de nous annoncer qu’il allait se pencher sur la question – parviennent à mettre rapidement en place un portail permettant à l’acheteur de livres numériques d’accéder simultanément à l’ensemble de l’offre.

À défaut, les acheteurs de livres numériques n’auraient d’autre choix que de passer par un « grand » acteur tel qu’Amazon, lequel, en situation de quasi-monopole, pourrait imposer ses conditions aux éditeurs sans que la présente proposition de loi trouve à s’appliquer, ce qui serait tout à fait regrettable.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

La présente loi s’applique au livre numérique consistant en une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs, commercialisé sous sa forme numérique et étant publié sous forme imprimée ou étant, par son contenu et sa composition – nonobstant des éléments accessoires propres à l’édition numérique –, susceptible de l’être.

Un décret précise les caractéristiques des livres entrant dans le champ d’application de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

La présente loi s'applique au livre numérique lorsqu'il est une œuvre de l'esprit créée par un ou plusieurs auteurs et qu'il est à la fois commercialisé sous sa forme numérique et publié sous forme imprimée ou qu'il est, par son contenu et sa composition, susceptible de l'être, nonobstant les éléments accessoires propres à l'édition numérique.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er de la proposition de loi définit le livre numérique de manière générale.

Or la régulation du prix du livre numérique ne doit porter que sur un segment bien délimité de ce produit culturel, le livre dit « homothétique ».

C’est le sens de l’avis rendu en janvier 2010 par l’Autorité de la concurrence ; c’est également la préconisation du rapport de la mission « Création et internet ».

Il convient donc de préciser, dès le premier article du texte, que cette loi ne s’applique au livre numérique que dans le cas où celui-ci est homothétique ; d’où la proposition du Gouvernement d’en modifier la rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La rédaction actuelle de l’article 1er définit le livre numérique dit « homothétique » pour fixer le champ d’application de la proposition de loi. La rédaction qui est proposée par le Gouvernement précise ce champ d’application sans donner de définition du livre numérique – c’est en tout cas ce qu’il a semblé aux membres de la commission – afin que cette dernière ne soit pas limitée au périmètre de la loi.

La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Nous souhaitions obtenir des explications complémentaires et vous les avez fournies, monsieur le ministre.

Il est vrai que la rédaction du Gouvernement n’est pas très éloignée de celle de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il me semble qu’il y a ici matière à débat, au-delà de l’explication de vote.

La commission s’en remet à la sagesse du Sénat surtout parce que ses membres ne comprennent pas tout à fait l’intention du Gouvernement, et ils souhaiteraient très sincèrement la comprendre. J’aimerais donc que vous me répondiez lorsque j’aurai formulé ma question, monsieur le ministre.

J’ai bien compris que la volonté du Gouvernement est d’énoncer clairement que la présente proposition de loi ne doit concerner que le livre homothétique dans un premier temps.

Dans le texte de la commission, la définition est plus large et ouvre au-delà du livre homothétique puisqu’elle comprendrait également les produits adaptés au numérique qui peut-être intégreront, à la marge, un contenu multimédia, par exemple. Le Gouvernement ne souhaite apparemment pas envisager cette possibilité. Je peux le comprendre, puisque c’est la volonté des éditeurs.

Cependant, j’ai souligné dans mon intervention il y a quelques instants que, si la proposition de loi vise à réguler le marché du livre numérique dans un premier temps, elle peut aussi permettre de donner un cadre légal à l’offre qui se développera massivement.

En effet, puisque le support numérique offre des possibilités que le support papier ne permet pas, l’offre numérique va forcément très vite s’accompagner de « bonus » attractifs qui justifieront la place propre du numérique par rapport au livre papier.

Si ce type d’offres n’est pas encadré, le marché correspondant pourra se développer de façon complètement sauvage. Ceux qui ne seront pas sur le territoire national et qui auront les moyens d’investir lourdement pour échapper à la présente loi viendront capter une grande partie du marché dans un laps de temps réduit.

La rédaction de la commission me semblait satisfaisante de ce point de vue, car, en élargissant quelque peu la définition du livre numérique, elle donnait la possibilité aux éditeurs pour le cas des livres principalement homothétiques de garder la maîtrise du prix du livre.

A contrario, dans la rédaction proposée par le Gouvernement, une telle maîtrise ne serait conservée que pour le livre strictement homothétique, ce qui reviendrait à fermer les yeux sur la réalité à laquelle nous devrons faire face demain.

À l’avenir, les livres numériques ne seront pas homothétiques et ce sera un argument de vente important. Nous ne savons pas encore comment le client réagira à ce type d’offre. D’ailleurs, dans d’autres pays, au Canada, par exemple, les éditeurs proposent d’ores et déjà des offres multimédias pour justifier l’offre numérique par rapport à l’offre papier. En France, nous n’avons pas encore de cadre légal pour ce type d’offre.

Je souhaitais donc interroger M. le ministre sur ce point pour obtenir des éclaircissements.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur Assouline, le livre homothétique est un sous-ensemble du livre numérique.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous évoquez le risque que, très vite – en temps que lecteur, je trouve ce « risque » plutôt intéressant – on nous propose un produit qui, outre le roman d’un auteur contemporain, comprendra un extrait de l’émission de Pivot enregistrée en 1958

Sourires

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

C’est pourquoi il est nécessaire de bien préciser le cadre dans lequel s’applique la proposition de loi et de dire qu’il s’agit du livre homothétique, qui est un sous-ensemble du livre numérique.

Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de dire que le marché s’étendra certainement, car nous sommes dans un domaine en pleine évolution. Néanmoins, je pense que nous avons raison de vouloir préciser d’une manière plus claire encore que le texte concernera uniquement, pour le moment, le livre homothétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Compte tenu de ces explications, il me semble que nous comprenons désormais mieux l’amendement du Gouvernement.

La seule question que nous souhaiterions poser à M. le ministre – elle a fait l’objet d’un débat en commission cet après-midi – concerne la réécriture de la première ligne de cet alinéa, qui prévoit que la loi s’applique au livre numérique « lorsqu’il est une œuvre de l’esprit ». Or, au sein de la commission, il nous semblait que, de toute façon, un livre était une œuvre de l’esprit. Une telle réécriture nous paraissait donc superflue.

L'amendement est adopté.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

La sagesse peut-elle être négative ?

L'article 1 er est adopté.

Toute personne établie en France qui édite un livre numérique dans le but de sa diffusion commerciale est tenue de fixer un prix de vente au public pour tout type d’offre à l’unité ou groupée. Ce prix est porté à la connaissance du public.

Ce prix peut différer en fonction du contenu de l’offre, de ses modalités d’accès ou d’usage.

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas aux licences d’accès aux bases de données ou aux offres associant des livres numériques à des contenus d’une autre nature ou à des services et proposées à des fins d’usage collectif ou professionnel.

Un décret fixe les conditions et modalités d’application du présent article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 6, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

I. - Supprimer les mots :

établie en France

II. - Après les mots :

diffusion commerciale

insérer les mots :

en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, que j’invite à la concision, étant rappelé que nous devons avoir achevé nos travaux à une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cet amendement est important, monsieur le président, car il vise à étendre le champ d'application de la proposition de loi aux éditeurs établis hors de France mais exerçant leur activité d'édition de livres numériques en vue de leur commercialisation sur le territoire national.

Il se fonde sur l'objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique prévu par le droit communautaire. J’évoquerai les deux directives concernées : la directive sur le commerce électronique et la directive « Services ».

Aux termes de la première : « La présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou au niveau national, dans le respect du droit communautaire, pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme. »

La seconde directive énonce le même objectif dans des termes quasi identiques.

Ces deux directives doivent se lire en combinaison avec l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux termes duquel : « L'Union contribue à l'épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l'héritage culturel commun. L'action de l'Union vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action dans les domaines suivants : […] la création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel. […] L'Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d'autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures. »

Au nom des différents principes évoqués dans les textes que je viens de citer, nous pouvons demander la suppression des mots : « établie en France » et insérer, après les mots « diffusion commerciale », les mots : « en France ».

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je comprends la démarche de notre collègue Jean-Pierre Leleux, puisque je m’étais moi-même posé la question de l’application des textes communautaires avant d’opter pour la stricte sécurité juridique.

Mon cher collègue, les trois amendements que vous proposez sur cette proposition de loi, qui concernent l’extension du champ d’application de la loi à l’ensemble des acteurs français et étrangers, ont le mérite de nous permettre de débattre de ce sujet, y compris avec les institutions européennes.

Ils impliquent que le Gouvernement sollicite la Commission européenne afin que celle-ci précise son interprétation de la clause de diversité culturelle qui figure dans les directives européennes concernées.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Le Gouvernement est extrêmement sensible aux arguments qui ont été mis en avant par M. Leleux, et je vous le dis en toute sincérité. Je partage tout à fait l’esprit qui anime ses propositions et je mesure leur très fort enjeu politique, que reflètent les discussions importantes qui ont eu lieu. Malgré les incertitudes juridiques qui peuvent peser sur l’avenir du présent amendement, je considère qu’il constitue un signe politique fort adressé aux autorités européennes.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Jack Ralite dans la discussion générale, une des limites fondamentales de ce texte réside dans le fait qu’il exclut les opérateurs établis hors de France.

Sous prétexte de conformité à la réglementation européenne, cette proposition de loi se limite donc elle-même. Elle se donne un objectif de régulation des pratiques des grands commerçants du web, en permettant à l’éditeur de fixer un prix du livre numérique. Mais, en même temps, dès lors qu’elle s’applique aux seuls opérateurs dont le siège social se situe sur le territoire national, elle manque son objet même.

De ce fait, elle ne touche pas plus Google, Microsoft qu’Apple ou Amazon, qui se livrent pourtant une guerre commerciale dont la visée est bel et bien de s’emparer du marché du livre numérique et de s’accaparer les profits que celui-ci ne manquera pas de dégager, au mépris de la diversité et de la qualité de l’offre numérique, que nous défendons.

C’est pourquoi nous proposons d’adopter cet amendement qui, en lieu et place d’une loi restreinte aux seuls opérateurs établis en France, élargit son champ d’application de manière pertinente en visant tous les éditeurs, même ceux qui sont établis hors de France, du moment qu’ils commercialisent des livres numériques sur le territoire français.

L’amendement de M. Leleux se réfère, à juste titre, à une disposition européenne spécifique de la directive sur le commerce électronique : la possibilité de dérogation pour « promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme ».

Nous considérons que le législateur ne doit pas s’autocensurer en présupposant un rejet européen et la non-conformité à des directives, dont l’interprétation, on le voit ici, n’est pas si claire que l’on voudrait nous le faire croire.

Dans le doute, nous préconisons la protection maximale, et non le minimalisme précautionneux de la loi, qui doit toujours viser l’intérêt général.

Je suis heureux que Mme Mélot ait émis un avis favorable, et M. le ministre un avis de sagesse.

Interprétant cette sagesse dans un sens favorable, nous voterons cet amendement, ainsi que tous les amendements qui, déposés sur d’autres articles, ont le même objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je souhaite ajouter quelques mots, en ma double qualité de coauteur de cette proposition de loi et de président de la commission de la culture.

Il est vrai que, dans un premier mouvement, nous avons opté pour une rédaction prudente. Mais il est bon, de temps à autre, de faire préciser par la Commission européenne son interprétation de la clause de la diversité culturelle.

Comme l’a rappelé M. Leleux, je me suis battu, avec l’Assemblée parlementaire de la francophonie, pour soutenir, devant l’Assemblée générale de l’UNESCO, l’adoption de la convention sur la diversité culturelle. Il m’importe désormais que cette convention, adoptée à la quasi-unanimité, trouve sa traduction dans notre législation nationale et dans la législation européenne.

Je souhaite donc que nous adoptions cet amendement et que nous puissions vérifier, sur ce point, que la Commission européenne fait bien de cette clause de la diversité culturelle l’interprétation positive que la totalité des États, ou presque, ont souhaitée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je le dis brièvement et sans ambiguïté : si M. Leleux n’avait pas pris l’initiative de déposer cet amendement, nous l’aurions fait, car il concerne un problème essentiel.

Sans vouloir polémiquer, j’ajoute que nous devrions adopter plus souvent ce type de position, et ne pas rendre les armes avant même d’avoir engagé le combat et poser le problème. C’est en procédant ainsi que l’on pourra faire bouger les lignes et obliger la Commission européenne à conduire une réflexion visant à traduire en droit communautaire des interprétations, chartes et autres textes, sur lesquels les pays européens, en particulier la France, ont tendance à s’autocensurer.

Je me félicite de notre unanimité sur ce sujet, et de l’audace dont a fait preuve le ministre, en émettant un avis de sagesse : ce n’est pas une position facile ! En effet, on sait comment passent les directives, la plupart du temps sans discussion, ce qui nous contraint à chaque fois à baisser pavillon.

Le numérique est un sujet vraiment important, et même essentiel.

On sait qu’il n’y a pas de frontières avec le numérique ! Cela permet à ceux qui s’installent hors de France, que ce soit aux frontières du pays ou à l’autre bout du monde – la notion de distance n’a aucun sens avec le numérique –, de détruire complètement le cadre juridique visant à protéger la diversité culturelle et à instaurer une régulation, et ce au détriment de ceux qui, demeurant sur le territoire national, vont s’y conformer. Les uns seront enfermés dans un véritable carcan législatif, tandis que les autres jouiront d’une liberté absolue !

Je sais que la solution n’est pas aisée à trouver : il ne s’agit pas d’un simple problème d’interprétation juridique car, encore une fois, la technologie du numérique elle-même ne connaît pas de frontières.

Cela étant, la régulation que nous tentons de mettre en place ne pourra pas trouver de traduction suffisante au travers de la seule interprétation de la notion de diversité culturelle ; une harmonisation internationale sera nécessaire, et tous les acteurs du secteur devront tirer dans le même sens, qu’ils soient installés en France, aux États-Unis, en Chine ou en Suède. Seul un cadre juridique harmonisé permettra d’éviter d’éventuels détournements.

C’est le monde rêvé, me direz-vous ! Certes, mais, pour l’atteindre, nous devons nous battre et ne pas baisser les bras ! Commençons par contraindre la Commission européenne à clarifier son interprétation de la diversité culturelle !

Nous sommes totalement favorables à cet amendement, qui sera certainement adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je souhaite féliciter l’auteur de cet amendement, Jean-Pierre Leleux. Les centristes, que je représente ce soir aux côtés de Françoise Férat, n’ont pas besoin de faire de longs discours pour apporter leur soutien à cette belle initiative.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

La proposition de loi ne doit, en aucun cas, affecter négativement un domaine de l’édition où l’économie numérique est déjà largement développée, jusqu’à représenter parfois la majeure partie de la valeur produite : les secteurs des sciences, des techniques, du droit et de la médecine.

Les éditeurs de ces secteurs vendent des accès à des bases de données extrêmement riches composées de toutes sortes de documents et de services. Ils établissent le prix de vente de ces accès par un dialogue avec leurs clients institutionnels et professionnels. Leur prestation étant en quelque sorte « personnalisée », le prix de vente varie évidemment d’un client à l’autre.

Le troisième alinéa vise à exclure ces modèles du champ de la loi, mais sa rédaction est beaucoup trop large et pourrait s’appliquer à de nombreux autres produits.

En outre, le modèle commercial des éditeurs concernés peut tout à fait s’accommoder des dispositions générales de la proposition de loi et ne nécessite pas une exclusion. La combinaison des articles 1er et 2 permet de préserver les spécificités de ce modèle.

D’une part, la régulation ne porte que sur les offres de livres dits « homothétiques », ce qui exclut de fait la très grande majorité des produits complexes. C’est l’article 1er.

D’autre part, quand bien même les éditeurs ne proposeraient que des offres de livres entrant dans le champ de la loi, puisque le prix peut « différer en fonction du contenu de l’offre, de ses modalités d’accès ou d’usage », le dialogue individualisé avec leurs clients peut perdurer. C’est le deuxième alinéa de l’article 2.

Le Gouvernement propose donc de supprimer le troisième alinéa, qui est à la fois superflu et potentiellement trop large par rapport à son objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 5, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, ou à toute diffusion commerciale autorisant, sans limitation quantitative, la copie et la redistribution du livre par tout acquéreur

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Sans remettre en cause le modèle d’exploitation traditionnel que la proposition de loi vise à protéger, il s’agit d’exempter du système de prix unique les nouveaux modèles de création issus du numérique, notamment la pratique des logiciels libres.

Ces modèles de création, qui produisent des livres numériques homothétiques, sont disponibles sous une licence connue : ce sont les creative commons.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La rédaction proposée par l’amendement n° 10 ne me satisfaisait pas complètement. À défaut de trouver un consensus interprofessionnel sur une autre rédaction, nous avions renvoyé à un décret l’application de cette disposition, afin que les notions évoquées dans cet alinéa soient définies et interprétées en cohérence avec les objectifs visés par la proposition de loi.

La commission émet un avis favorable.

Si cet amendement était adopté, l’amendement n° 5 deviendrait sans objet.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’article 2, modifié.

L’article 2 est adopté.

Le prix de vente, fixé dans les conditions déterminées à l’article 2, s’impose aux personnes établies en France proposant des offres de livres numériques au public.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 7, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

I.- Supprimer les mots :

établies en France

II. - Remplacer les mots :

au public

par les mots :

aux acheteurs situés en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Il s’agit d’un amendement de coordination. Il vise, comme l’amendement n° 6 à l’article 2, à étendre l’application de la proposition de loi à toutes les personnes, y compris celles qui sont établies hors de France, qui exercent une activité de commercialisation des livres numériques à destination d’acheteurs situés sur le territoire national.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

L’amendement est adopté.

L’article 3 est adopté.

Les ventes à primes de livres numériques ne sont autorisées, sous réserve des dispositions de l’article L. 121-35 du code de la consommation, que si elles sont proposées par l’éditeur, tel que défini à l’article 2, simultanément et dans les mêmes conditions à l’ensemble des personnes mentionnées à l’article 3. –

Adopté.

Pour définir la remise commerciale sur les prix publics qu’il accorde aux personnes établies en France proposant des offres de livres numériques au public, l’éditeur, tel que défini à l’article 2, doit tenir compte, dans ses conditions de vente, de l’importance des services qualificatifs rendus par ces derniers en faveur de la promotion et de la diffusion du livre numérique par des actions d’animation, de médiation et de conseil auprès du public. Les critères permettant de juger la qualité de ces services sont définis contractuellement entre les organisations représentatives des professions concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L’amendement n° 8, présenté par M. Leleux, est ainsi libellé :

Première phrase

I. - Supprimer les mots :

établies en France

II. - Remplacer les mots :

au public

par les mots :

aux acheteurs situés en France

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Je m’en remets à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

La présente proposition de loi pose un principe important : la prise en compte de la qualité du service rendu par les détaillants dans le cadre d’une régulation de prix unique.

Il semble cependant imprudent de préciser dans le texte la manière dont ce service va être pris en considération pour l’établissement de la remise, et ce pour plusieurs raisons.

D’une part, les organisations professionnelles des acteurs concernés ne sont pas toutes constituées ; je pense, en particulier, à la représentation des détaillants qui n’opéreraient qu’en ligne.

D’autre part, les services qui peuvent être rendus en faveur de la diffusion évoluent chaque jour grâce aux avancées technologiques et à l’inventivité des acteurs. Fixer des critères de manière conventionnelle pourrait avoir un effet de frein à l’innovation. Le cas échéant, il appartiendra aux acteurs concernés de définir des bonnes pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La commission émet un avis favorable, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

L'article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 132-5 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'une œuvre étant publiée sous forme imprimée est commercialisée sous forme numérique, la rémunération de l'auteur au titre de l'exploitation numérique est fixée en tenant compte de l'économie générée, pour l'éditeur, par le recours à l'édition numérique.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement tend à garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable dans le cadre de l’exploitation de leur œuvre sur support numérique.

La question de l’établissement du prix du livre numérique est abordée ce soir sous tous les angles, afin de tenter de ménager l’ensemble de la filière du marché actuel du livre imprimé, dont les acteurs, nombreux, vont du libraire à l’imprimeur ou même au fabricant de papier.

Les grands oubliés de ce débat semblent être les auteurs. Pourtant, sans auteurs, point d’œuvre : ils sont à l’origine de la chaîne !

Dans son avis du 18 décembre 2009 portant sur le livre numérique et rendu à la suite d’une demande du ministre de la culture et de la communication, l’Autorité de la concurrence estimait que, pendant la période de un ou deux ans durant laquelle il convenait de ne pas figer le marché et de légiférer a minima sur la question du prix du livre numérique, la question du mode de rémunération des auteurs dans le monde numérique pourrait être réglée.

Si un dispositif ad hoc devait être ultérieurement envisagé pour assurer la rémunération juste et équitable des auteurs dans le cadre du numérique, rien ne nous empêche, dès maintenant, d’apporter à ces derniers quelques garanties en la matière.

On sait que, pour les éditeurs, les économies de coût engendrées par l’édition numérique seront de l’ordre de 40 %. Il convient de s’assurer que les auteurs bénéficieront de la manne au titre de leur cession de droits aux éditeurs.

L’amendement n° 2 rectifié tend donc à modifier le code de la propriété intellectuelle dans ce sens, afin d’indiquer que le contrat de cession de droits passé entre un auteur et un éditeur doit prévoir, dans le cas d’une exploitation numérique d’un livre à imprimer, une rémunération tenant compte de la marge réalisée par l’éditeur.

Depuis une dizaine d’années, certains contrats visent déjà la cession des droits pour une exploitation numérique. D’autres ont inclus une clause d’avenir envisageant une cession sur tout support technologique futur. Mais certains contrats n’ont rien prévu du tout. Il convient donc d’insérer dans le code de la propriété intellectuelle une disposition faisant obligation aux contrats anciens affectés d’un vide juridique de comporter un avenant et à tout contrat passé à l’avenir de prévoir les modalités de rémunération des auteurs en cas d’exploitation numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

L’amendement n° 2 rectifié tend à poser un principe de rémunération équitable dans les cas où l’édition d’un livre numérique permettrait à l’éditeur de réaliser une économie. Partageant la préoccupation ainsi exprimée, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Monsieur Assouline, on peut en effet légitimement s’interroger. Effectivement, une amélioration importante des marges est prévisible. Cependant, si l’économie générée par le recours à l’édition numérique doit être répercutée sur le prix de vente des livres numériques, il s’agit d’un prérequis nécessaire au développement d’une économie légale du livre numérique et, partant, à la lutte contre le développement du piratage.

Les auteurs et les éditeurs viennent d’ouvrir un espace régulier de discussion pour l’élaboration d’un code des usages relatif à l’édition numérique.

Le Conseil permanent des écrivains, très conscient des enjeux de l’édition numérique, veillera, dans son dialogue avec le Syndicat national de l’édition, à ce que ce code des usages garantisse à l’auteur une rémunération juste et équitable.

Il me semble qu’il n’appartient pas au législateur de déterminer les conditions de rémunération des acteurs privés de la chaîne du livre, qui sont au demeurant convenus d’en discuter dans un cadre contractuel, ce que vous avez rappelé, monsieur le sénateur.

Ayant le désir de ne pas intervenir dans ce domaine, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, je comprends fort bien vos propos. Certes, les marges ne seront pas forcément immédiates en raison d’un nécessaire investissement, qui risque, dans un premier temps, d’annuler tout bénéfice supplémentaire.

Quoi qu’il en soit, à terme, les marges seront énormes. Je l’ai constaté dans les pays où le livre numérique s’est d’ores et déjà développé, notamment lors d’un déplacement récent au Japon ; les personnes interrogées se sont montrées très franches quand on leur a posé la question : elles ont reconnu des marges atteignant 40 %, tout simplement. Quant à savoir si les auteurs en bénéficiaient…Je me suis rendu compte à cette occasion que, apparemment, dans la négociation, les éditeurs avaient en réalité capté l’essentiel de la manne.

Je sais qu’en France des négociations sont en cours.

Aujourd'hui, alors que le législateur pose un acte fondateur dans le domaine du prix du livre numérique, certains d’entre nous peuvent avoir la volonté d’aider les auteurs, y compris dans ces négociations, mais sans fixer d’autorité quoi que ce soit, qu’il s’agisse du montant de la marge, de la redistribution ou de la façon de procéder. Par le biais de l’amendement n° 2 rectifié, nous voulons simplement avoir une pensée pour les auteurs et leur assurer une rémunération juste et équitable.

À un moment donné, les marges dégagées vont permettre de baisser les coûts – le piratage est un des enjeux, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre – et elles seront telles que tous les acteurs de la filière devront pouvoir en bénéficier. Elles permettront d’aider également la création, les auteurs, les libraires.

La commission, en s’en remettant à la sagesse du Sénat, traduit son souci que la future loi n’oublie personne et que cela figure dans le débat. Les auteurs n’étant pas forcément ceux qui ont le meilleur rapport de force dans les négociations, il s’agit de les aider. Comment le Gouvernement pourrait-il y être complètement opposé ? Si cet amendement détruisait l’équilibre juridique du texte, je comprendrais que le Gouvernement y soit défavorable, mais ce n’est pas le cas ici, et ma proposition ne gêne en rien le cadre contractuel ni les négociations entre les auteurs et les éditeurs dont vous nous avez dit qu’elles se déroulaient de manière assez satisfaisante.

Je souhaite tout simplement aider la création. Par conséquent, je maintiens l’amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

L’esprit de la présente proposition de loi est de faire bénéficier d’une évolution technologique considérable l’ensemble des intervenants, qu’il s’agisse des auteurs, des éditeurs ou des lecteurs.

L’amendement n° 2 rectifié ne contraint pas, ne fixe pas un pourcentage, n’intervient pas dans le champ des négociations. Son adoption marquerait la volonté de la représentation nationale de faire en sorte que la présente proposition de loi profite, de manière équilibrée, à tous ceux qui sont concernés.

Pour ce qui me concerne, cette intention me paraît parfaitement normale et compréhensible. C’est pourquoi je voterai le présent amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d'un an après la publication de la présente loi, le Gouvernement dépose, sur le bureau de chacune des deux assemblées, un rapport étudiant les modalités d'affectation aux secteurs de l'imprimerie et de l'industrie du papier d'une compensation financière liée à la baisse d'activité engendrée par l'essor du livre numérique.

Ce rapport fait l'objet d'un débat dans les commissions en charge de la culture de chaque assemblée.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous l’avons déjà dit, le développement du livre numérique va bouleverser d’ici à quelques années toute la chaîne du marché de l’édition, au sens large. Il est à craindre que certains secteurs n’en souffrent. Nous avons abordé le problème spécifique des librairies indépendantes, dont certaines risquent de voir leur chiffre d’affaires substantiellement diminuer.

De la même façon, le secteur de l’imprimerie et celui du papier en général risquent aussi de souffrir beaucoup. Le transfert d’une partie du commerce de livres imprimés vers la transaction sous forme numérique va affecter de plein fouet ces industries, qui subissent déjà les conséquences du développement de la presse numérique. Il en résultera inévitablement des plans sociaux.

La maîtrise du prix du livre numérique permettra sans doute d’éviter des situations comme celles qui existent outre-Atlantique, où quelques opérateurs dont l’édition n’est pas le métier se positionnent désormais sur le marché en situation monopolistique, voire oligopolistique, et commercialisent comme produits d’appel des livres numériques à prix cassés, afin de mieux vendre d’autres services qui constituent le cœur de leur métier.

Ces pratiques, comme l’a justement indiqué Mme Mélot dans son rapport, mettent en péril la rémunération de l’ensemble des acteurs de la filière.

Nous sommes tous d’accord aujourd’hui pour tenter de trouver une solution afin de préserver l’ensemble de la filière. Aussi souhaitons-nous que le Gouvernement présente au Parlement un rapport d’information qui fasse l’objet de débats au sein respectivement de la de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat et de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.

Ainsi pourront être mesurées les conséquences du développement du livre numérique pour l’ensemble de la chaîne du livre papier.

Surtout, pourra être examinée la façon dont les baisses de coût pour les éditeurs – nous venons de les évoquer –, estimées dans certains pays en avance sur la France à 40 %, peuvent aussi bénéficier aux différents acteurs de cette filière, qu’il s’agisse de ceux de l’imprimerie ou de l’industrie papier.

Loin de moi l’idée de faire une analogie facile, mais un grand nombre de secteurs de l’industrie, notamment dans les années quatre-vingt, ont subi des reconversions massives en raison de la robotisation, de l’informatisation : on les a regardés mourir. On aurait pu anticiper en octroyant des aides à la reconversion pour que les entreprises concernées ne soient pas laissées au bord du chemin.

En l’espèce, je propose d’anticiper. Grâce à l’élaboration du rapport que je préconise, la situation pourrait être appréciée et le développement du livre numérique pourrait être vécu comme un bonheur, un progrès, même par ceux qui en subiront les conséquences, notamment le secteur l’imprimerie, qui tient une place importante dans nombre de nos régions, mes chers collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Je rappelle que la commission propose de modifier l’article 7 pour demander un rapport annuel qui devra comporter une étude d’impact économique.

Monsieur Assouline, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 1 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Cet amendement est fondé sur l’hypothèse, loin d’être démontrée à ce jour, de la substitution mécanique et intégrale du marché du livre numérique à celui du livre imprimé.

Par ailleurs, le Gouvernement estime qu’une pareille compensation aurait des effets pervers, en faisant peser des frais supplémentaires sur l’édition numérique.

Elle entraînerait certainement un renchérissement du prix du livre numérique et ferait donc porter finalement la charge aux consommateurs.

En maintenant des prix élevés pour ces produits immatériels, elle contribuerait au développement du piratage. Elle handicaperait, enfin, le développement du livre numérique.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous ne nous sommes pas compris !

Il s’agit ici d’un rapport permettant d’apprécier les conditions d’une éventuelle solidarité. Vous reprenez, monsieur le ministre, certes, d’une manière moins catégorique, l’argument que vous avez avancé tout à l’heure.

En aucun cas les gains supplémentaires pour l’édition du livre numérique ne doivent se fondre dans une kyrielle d’aides qui empêcheraient de baisser les prix pour le client.

Ce n’est pas l’esprit de cet amendement.

Il s’agit plutôt de demander un rapport pour que cette révolution se fasse en pleine conscience des conséquences qu’elle emporte, de sorte que l’on puisse savoir dans quelle mesure une solidarité peut s’opérer et dans quelle mesure des aides à la reconversion, notamment, peuvent être apportées.

Bien entendu, si cela doit empêcher le développement du livre numérique et le maintenir à un prix élevé, le législateur et le Gouvernement ne prendront jamais des décisions en ce sens.

Il faut cependant que l’on ait les yeux ouverts pour rester solidaires. Avec les yeux fermés, on laisse parfois mourir des secteurs dans l’indifférence générale : c’est ce qu’il peut y avoir de pire !

Tout le monde doit pouvoir dire : « Vive le livre numérique ! ». Personne ne doit penser que le livre numérique est un malheur qui le frappe.

Au moment où l’on se dirige franchement vers le livre numérique, je voudrais que l’on garde les yeux ouverts sur l’ensemble de la chaîne et que l’on manifeste cette exigence dans la loi.

Je vais retirer cet amendement, non pas en raison des explications de M. le ministre mais parce que, si Mme le rapporteur intègre dans son propre amendement cette préoccupation, en faisant porter le rapport qu’elle demande sur l’ensemble de la chaîne – imprimeurs compris –je serai satisfait et je le voterai.

Je retire donc cet amendement, en attendant celui de Mme le rapporteur, monsieur le président.

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État détermine les peines d’amendes contraventionnelles applicables en cas d’infraction aux dispositions de la présente loi. –

Adopté.

Le Gouvernement présente au Parlement un rapport annuel sur l’application de la présente loi au vu de l’évolution du marché du livre numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 12, présenté par Mme Mélot, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

, comportant une étude d'impact économique sur l'ensemble de la filière

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Cet amendement tend à préciser que le rapport devra comporter une étude d'impact économique, afin que soient évaluées les conséquences de la loi sur l'ensemble des acteurs – auteurs, éditeurs, libraires, imprimeurs, industrie du papier, mais il peut y en avoir beaucoup d’autres –, et pourra donner lieu, le cas échéant, à des préconisations.

Nous aurons ainsi couvert l’ensemble de la filière.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Madame le rapporteur, voici donc la réponse à la question qui nous occupe : je suis favorable à votre proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je souhaite rapidement rétablir la genèse de cet amendement, pour éviter toute contradiction.

Le groupe socialiste est en quelque sorte à l’initiative de cette mesure, mais, comme nous ne pouvions pas déposer nous-mêmes d’amendement sur un article adopté par la commission – seul le rapporteur en avait la possibilité -, Mme le rapporteur a bien voulu intégrer les éléments de notre amendement dans le sien, qui répond ainsi à nos préoccupations.

L'amendement est adopté.

L'article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Assouline et Lagauche, Mme Bourzai, MM. Dauge, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au dernier alinéa () de l'article 278 bis du code général des impôts, après le mot : « Livres », sont insérés les mots : « sur tout type de support physique ».

II. - La perte de recettes pour l'État résultant de l'application du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement tend à étendre le taux réduit de TVA aujourd’hui applicable aux seuls livres imprimés, en vertu de l’article 278 bis du code général des impôts, à l’ensemble des livres disponibles par le biais d’un support physique.

Ainsi pourront être concernés des livres accessibles par le biais d’un CD-ROM, des livres téléchargeables sur une clé USB ou sur un ordinateur, ces différents vecteurs de communication étant considérés comme des supports physiques.

Le livre numérique se verrait alors appliquer un taux de TVA réduit.

Je rappelle que la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 a étendu la possibilité de faire bénéficier du taux de TVA réduit aux livres téléchargés sur un support physique, ce qui a déjà permis d’appliquer ce taux réduit aux livres audio en France.

Certes, cette dernière directive entre en contradiction avec une directive plus ancienne, 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de la TVA. Je rappelle cependant que la France a très souvent joué, au sein de l’Europe, un rôle moteur et incitatif dans le domaine culturel. L’exception culturelle à la française en constitue la meilleure preuve. Je vous renvoie au débat précédent, qui nous a rassemblés.

Rien n’empêche la France, de concert avec l’Espagne, qui souhaite également mettre en place un taux de TVA réduit sur la vente des livres numériques, d’inciter les autres États européens à agir de la sorte.

Il est, pour l’heure, difficile d’estimer quel sera le succès du livre numérique en France, et dans quels délais il interviendra. Ce secteur balbutiant ne représente actuellement que 0, 1 % du marché, selon les chiffres du rapport Zelnik.

Si l’on veut favoriser l’essor de ce type de livres et éviter de reproduire les erreurs passées, constatées par les industries musicale et cinématographique notamment avec les pratiques de piratage, il convient de favoriser la vente du livre numérique à un prix attractif.

Or un différentiel de quatorze points de TVA avec le livre papier ne permettra pas aux éditeurs de livres numériques de vendre à un prix attractif.

C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement, qui tend à abaisser le taux de TVA applicable au livre numérique à 5, 5 %.

Je crois avoir décelé dans l’intervention de M. le ministre une certaine sympathie pour cette idée. Depuis le début des débats, malgré, parfois, des incertitudes quant à la réaction de la Commission européenne, nous avons choisi de prendre les devants pour poser les problèmes et dire ce que nous pensons. Je demande que l’on adopte la même attitude sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Toutes les interventions, ce soir, ont mentionné le sujet de la TVA sur le livre numérique.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Nous sommes tous du même avis. Mais, comme je l’ai indiqué, notre commission s’en préoccupera à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, seul texte pouvant accueillir ce type d’amendement.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Nous sommes tous d’accord, mais ce n’est pas l’objet de ce texte, monsieur Assouline.

Cet amendement n’a pas à figurer dans la proposition de loi discutée aujourd’hui. Il relève de la discussion du projet de loi de finances.

En conséquence, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je veux bien prendre des risques, mais je ne veux pas être téméraire…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

Cher collègue, je vous prie d’être bref, car le personnel, je vous le rappelle, vient de suivre plus de cent quarante heures de débats.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je répondrai à votre remarque, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Je suis attristé par la déclaration de notre rapporteur et du ministre.

Nous voterons, pour notre part, cet amendement, qui est une sorte de pétition de principe qu’il faut affirmer.

Cet amendement vise à étendre au livre numérique le taux de TVA réduit appliqué aujourd’hui au livre papier.

En effet, ce taux de TVA réduit résulte de la reconnaissance de l’œuvre de l’esprit, quel que soit son support.

Le livre numérique est, avant d’être numérique, un livre, une création. La question de son support et de sa forme est certes importante, mais elle ne le définit pas à elle seule. Elle définit son mode de circulation, son commerce, sa circulation, mais pas son contenu.

Si des spécificités peuvent et pourront être développées, via le mode numérique, le livre ne devient pas pour autant un simple logiciel électronique ou un simple service numérique. Il conserve toutes ses spécificités en tant qu’œuvre et cela même justifie que le livre numérique bénéficie d’un taux de TVA à 5, 5 %.

Cela est d’autant plus important que ce taux de TVA conditionne le prix de vente au public, un prix que les consommateurs estiment actuellement trop élevé par rapport au prix du livre papier.

On sait en effet, même si l’on peut le déplorer, que le consentement à payer est bien inférieur quand il s’agit d’un format numérique et que les prix actuels, de 15 % à 20 % moins élevés que ceux du livre papier, ne sont pas jugés assez attractifs.

Ainsi, un taux de TVA réduit impliquerait, outre la reconnaissance d’une exception culturelle, une diminution du prix de vente et permettrait aux éditeurs de pratiquer une politique de prix incitant au développement de l’achat de livres numériques.

C’est à la seule condition de l’application d’un taux de TVA réduit que la circulation de ces œuvres de l’esprit, que l’État souhaite favoriser, sera rendue possible et que le secteur du livre numérique pourra constituer une offre légale suffisamment attractive pour se développer.

Il ne faut pas, là encore, prendre le prétexte européen pour ne pas aller jusqu’au bout des intentions que se donnent les promoteurs de cette proposition de loi.

Nous voterons cet amendement parce que nous pensons que la France doit être à l’initiative de ce taux de TVA réduit en Europe, comme elle a su être force d’impulsion, pour beaucoup de pays européens, avec la loi Lang de 1981 relative au prix du livre, qui nous inspire toujours.

Il s’agit d’une pétition de principe. C’est pourquoi il serait intéressant de l’inscrire dans la loi, sous réserve d’une traduction, ensuite, dans le projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Même si cela nous fait perdre quelques minutes de plus, je tiens à ajouter une précision.

Monsieur le président, vous êtes dans la même situation que moi, qui ai passé trois semaines, nuit et jour, dans cet hémicycle.

Je ne voulais vraiment pas passer une nuit de plus ici, même pour examiner cette proposition de loi sur le prix du livre numérique, mais je fais mon travail de sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Monsieur le sénateur, je fais, quant à moi, mon travail de président. Je vous ai laissé dépasser votre temps de parole de deux minutes dans la discussion générale.

Comme je l’ai dit, nous devons tenir compte de la fatigue, non pas des sénateurs – nous n’avons pas le droit d’être fatigués –, mais au moins du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est ainsi que j’ai reçu vos propos, monsieur le président.

Je pense, moi aussi, au personnel. Ce n’est pas moi qui organise les débats ainsi, et ce n’est pas, à mon sens, de cette manière que l’on doit procéder.

Caser ce débat après le dîner en nous disant d’aller vite parce qu’il faut avoir fini à minuit, ce n’est pas respecter le travail du personnel, du rapporteur, de ceux qui ont déposé des amendements et qui souhaitent les défendre.

En d’autres termes, nous sommes dans la même galère !

J’en reviens maintenant à l’amendement.

Monsieur le ministre, nous sommes tous d’accord, dites-vous. Je vous prends au mot et je vais jusqu’au bout du raisonnement : si cet amendement doit être discuté à l’occasion de l’examen non pas de cette proposition de loi mais du projet de loi de finances, cela signifie que l’ensemble des groupes politiques et le Gouvernement proposeront cette mesure dans le projet de loi de finances…Dans ce cas, je retire tout de suite mon amendement !

En revanche, si, demain, lors de la discussion du projet de loi de finances, nous sommes les seuls à défendre cette proposition et si le Gouvernement prétend encore que ce n’est pas le moment, alors, cela signifiera que nous ne sommes pas d’accord !

Monsieur le ministre, je pense que, sincèrement, vous êtes d’accord, mais je vous pose la question : puisque l’examen du projet de loi de finances commence dans quelques jours, le Gouvernement s’engage-t-il à y inscrire cette proposition ?

Si ce n’est pas le cas, votre argument ne sert qu’à faire diversion. Certes, vous ne voulez pas être téméraire, mais dites-nous au moins ce qu’il adviendra de cette question dans le projet de loi de finances !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Les débats éclairent toujours la loi. L’intention est présente et a été exprimée lors de la discussion générale pratiquement par l’ensemble des groupes politiques.

Nous sommes favorables à la mise en adéquation de la TVA, pour le livre papier comme pour le livre numérique. L’intention a été affirmée et réaffirmée. Le président de notre commission l’a lui-même évoquée dans la discussion générale.

Prenons le rendez-vous qui convient, celui de la discussion du projet de loi de finances, et nous pourrons dans quelques jours déposer cet amendement qui revient pour l’heure aux sénateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yann Gaillard

Je regrette, monsieur Assouline, mais ce n’est pas le lieu de prendre une disposition fiscale ! Je suis membre de la commission des finances, et je ne peux pas laisser passer cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je souhaiterais faire deux remarques de nature différente.

Sur la forme, la conférence des présidents avait prévu que l’examen de cette proposition de loi débuterait aujourd’hui à la fin de l’après-midi. Ce n’est ni la faute de la conférence des présidents, ni celle du ministre ou de cette commission, si nous avons entamé cette discussion à vingt-deux heures cinquante !

Cela dit, je regrette moi aussi que, du fait des débats précédents, qui ont largement dépassé le temps imparti, la discussion d’un texte important commence à cette heure avancée.

Le cœur de métier du Sénat, c’est le débat de textes de loi. Je crois qu’il faudra peut-être le rappeler à la conférence des présidents, pour que priorité soit donnée dans notre ordre du jour à l’examen des textes législatifs plutôt qu’à des séances de questions cribles ou autres qui n’aboutissent pas à grand-chose, je le dis comme je le pense. Si j’en ai l’occasion, je poserai cette question-là où il faut la poser : à la conférence des présidents !

Sur le fond, je voudrais à mon tour dire très simplement, en cette fin de débat, que nous sommes tous demandeurs d’une TVA à 5, 5 %, comme nous l’avons dit dans nos interventions. Nous savons bien cependant que ce n’est pas dans le cadre de la discussion de cette proposition de loi que nous pourrons en décider. Alors, que les choses soient actées et restent à l’esprit de tous : chacun d’entre nous fera tout son possible pour se faire entendre, avec les moyens qui sont ceux du Parlement, lors de l’examen du projet de loi de finances, voilà tout.

Nous nous accordons tous pour souhaiter que le livre papier et le livre numérique soient assujettis à la même fiscalité, et que cette fiscalité permette à un maximum de personnes d’accéder à ces sources de culture. Je n’allongerai pas le débat, car les choses sont claires : ce n’est pas le monopole d’un groupe, c’est un vœu général !

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, c’est comme en amour : on est tous d’accord, mais pas pour conclure au même moment !

Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

L'amendement n'est pas adopté.

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 27 octobre 2010, à quatorze heures trente :

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (223, 2009-2010) et proposition de loi relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance (291, 2009-2010).

Rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, fait au nom de la commission des lois (38, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 39, 2010-2011).

Rapport d’information de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (45, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 27 octobre 2010, à une heure trente-cinq.