Intervention de Thierry Breton

Réunion du 2 mai 2005 à 15h00
Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers — Discussion d'un projet de loi

Thierry Breton, ministre :

Je voudrais tout d'abord remercier les différents orateurs de leurs interventions, qui illustrent l'importance du projet de loi aujourd'hui soumis au Sénat, visant à la régulation des marchés financiers et à la protection des épargnants.

Je suis en effet sensible à l'attention prêtée sur toutes les travées de cet hémicycle à un texte certes technique - cela a été rappelé à de nombreuses reprises -, mais dont chaque intervenant a clairement compris la portée économique, liée à l'influence qu'aura son application sur le fonctionnement des marchés, et surtout la complexité juridique, le projet de loi se situant aux confins du droit boursier, du droit des sociétés et des règles d'ordre public.

Cette compréhension de la portée des enjeux reflète l'expérience des membres de cette assemblée, en particulier de M. Arthuis, président de la commission des finances, de M. Marini, rapporteur, et de M. Jégou, dont le rôle dans l'élaboration de la loi de modernisation des activités financières a été souligné à juste titre. Elle est évidemment le fruit du caractère pédagogique, de la clarté, de la rigueur des travaux de M. le rapporteur, dont l'intervention liminaire a d'ailleurs constitué une synthèse particulièrement brillante.

Je souhaiterais maintenant répondre sur certains points qui ont été abordés par les orateurs.

Comme cela a été relevé, la finalité première de ce texte est de renforcer l'efficacité de la régulation des marchés financiers, notamment pour mieux prévenir et, en tant que de besoin, punir les opérations d'initiés qui s'effectuent au détriment de l'ensemble des actionnaires.

Cela étant dit, je crois, monsieur Marc, qu'il ne faut pas aller trop loin.

Ainsi, je pense que vous commettez une erreur d'appréciation sur le champ d'application du présent projet de loi. Ce dernier concerne en effet les opérations sur les titres cotés, qu'ils soient négociés sur le marché réglementé ou en dehors de celui-ci. Tout mécanisme qui tendrait à donner à un actionnaire la possibilité de poursuivre en son nom propre et non pas au nom de la société les dirigeants de celle-ci pour un préjudice indirect tel que la baisse du cours de l'action contreviendrait au principe de base du contrat d'entreprise faisant des différentes composantes d'une société - actionnaires, administrateurs, mandataires sociaux - réunies autour d'un objet social un ensemble unique et cohérent. Cela serait contraire, du reste, à notre tradition juridique, à notre vision de l'économie, et ferait de l'actionnaire non plus un associé mais, comme l'a suggéré l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un « créancier-consommateur ».

En ce qui concerne le champ d'exercice du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, je rappelle que nous serons amenés à débattre de ce sujet ultérieurement, en particulier lors de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Notre intention est bien de prendre en compte les évolutions que va entraîner la directive européenne concernant les marchés d'instruments financiers, afin naturellement de donner toute son efficacité à l'AMF.

S'agissant de la transposition en droit interne de cette directive, je souhaiterais ajouter quelques précisions, après avoir entendu s'exprimer les différents intervenants.

Je voudrais rappeler que le Gouvernement s'est attaché, lors de la négociation de la nouvelle directive, à ce que l'abrogation de la règle de centralisation des ordres soit accompagnée de mesures permettant de garantir que les investisseurs bénéficient de cette réforme, grâce à une transparence accrue des marchés, au maintien de la liquidité des transactions par l'interaction entre les plates-formes de négociation et à l'amélioration des règles de conduite applicables aux intermédiaires. Si nous n'avions pas réussi dans cette démarche, monsieur Marc, si cette directive était aussi sous-tendue par une logique anglo-saxonne que vous le dites, le Royaume-Uni n'aurait pas voté contre et n'aurait pas été mis en minorité par les autres Etats membres, dont la France.

Ces dispositions restent à compléter par des mesures dites de niveau 2, qui sont en cours d'élaboration par les instances européennes. Je suis comme vous convaincu de l'importance de ces mesures d'accompagnement, et je veillerai à ce qu'elles soient correctement transposées.

Par ailleurs, plusieurs orateurs se sont déclarés défavorables à ce que cette directive soit transposée en droit interne par voie d'ordonnance. Je comprends la vigilance des parlementaires quant au recours à la procédure législative exceptionnelle prévue à l'article 38 de notre Constitution.

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