Séance en hémicycle du 2 mai 2005 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • AMF
  • abus
  • actionnaire
  • dirigeant
  • instruments
  • réglementé
  • transaction
  • transposition
  • émetteur

La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le procès-verbal de la séance du jeudi 14 avril 2005 a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'ai le regret de vous rappeler le décès de notre ancien collègue Guy Millot, qui fut sénateur de Seine-et-Marne de 1976 à 1977.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 22 avril 2005, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 28 avril 2005, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi relative à la création du registre international français.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Conférence permanente « habitat-construction-développement durable ».

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose de renouveler M. Francis Grignon au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le Président du Sénat a reçu :

- de M. Pierre Truche, président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le rapport annuel de cette commission établi en application de l'article 12 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une commission nationale de déontologie de la sécurité ;

- de M. le Premier ministre le rapport de la commission d'examen des pratiques commerciales pour la période 2004-2005, établi en application de l'article L. 440-1 du code de commerce ;

- de M. Yves Mansillon, président de la commission nationale du débat public, le rapport d'activité 2004 de cette commission, établi en application de l'article L. 121-7 du code de l'environnement.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (nos 267, 309).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant la Haute Assemblée se situe à la charnière de l'action du Gouvernement en matière de protection des investisseurs sur les marchés financiers.

Il complète ainsi l'action entreprise au travers de la loi de sécurité financière à laquelle la Haute Assemblée et M. Marini ont particulièrement contribué, et il prépare le terrain au projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Par ce texte ; il vous sera proposé, sur un socle ainsi renforcé de protection de l'investisseur, de faciliter l'accès des entreprises aux marchés financiers en réfléchissant à la cohérence des obligations imposées aux entreprises en fonction du marché sur lequel elles entrent et des investisseurs auxquels elles s'adressent.

Au moment où nous renforçons encore la protection du marché mâture, auquel s'adresse le grand public, nous devons en effet nous soucier de ne pas entraver l'initiative et la croissance en créant des effets de seuils infranchissables, et c'est la raison pour laquelle je vous proposerai de rendre possible une véritable stratégie de croissance sur les marchés financiers.

Quoi qu'il en soit, la logique qui anime ces deux textes est unique : développer l'accès aux marchés dans la transparence, élargir le nombre d'investisseurs en renforçant la confiance.

Aujourd'hui, il s'agit d'y procéder en assurant la transposition de directives européennes.

Le projet de loi qui vous est soumis transpose en effet dans notre droit des dispositions de la directive « Abus de marché » et habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive sur les marchés d'instruments financiers.

Ces deux directives ont été adoptées dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers, lancé par la Commission européenne en 1999 avec - je tiens à le souligner - un fort soutien de la France.

L'objectif de ce plan d'action convenait parfaitement à l'idée que la France se fait de l'Europe, puisqu'il s'agissait alors d'assurer l'intégration des marchés financiers européens en garantissant un haut degré d'harmonisation du droit boursier.

Les discussions européennes ont été fructueuses et cette harmonisation ne s'est pas faite au rabais, bien au contraire : le processus a abouti à un socle de règles exigeantes, permettant d'assurer non seulement un fonctionnement efficace des marchés mais également la transparence de l'information, la protection des investisseurs et l'efficacité de la coopération entre les autorités de contrôle nationales.

En offrant les mêmes règles à tous les acteurs, on contribue en effet à faciliter l'accès à un marché profond et à des ressources financières abondantes. Le financement des entreprises françaises et européennes sera indéniablement renforcé.

Or le financement des entreprises, c'est le « carburant » de notre croissance. Permettez-moi d'insister particulièrement sur ce point. Dans une compétition mondiale acharnée et élargie, nous devons mobiliser cet atout considérable qu'est la capacité d'épargne de nos concitoyens - je rappelle qu'elle est plus importante que celle de nombreux pays - et veiller à son orientation vers les marchés d'actions européens en toute transparence et avec le maximum de sécurité.

La création de richesses dans les entreprises passe par un financement peu coûteux, abondant et adapté. Ce sont autant d'impératifs auxquels les efforts conjugués des pays de l'Union ont permis de répondre.

Après plus de cinq ans de travaux avec nos partenaires européens, nous pouvons faire un premier bilan de ce plan d'action.

L'essentiel du droit boursier européen a été entièrement refondu. C'est un travail considérable, qui permet d'inscrire dans la réalité l'idée d'un marché financier européen, si nous sommes ponctuels dans la transposition, et c'est l'enjeu de notre rendez-vous d'aujourd'hui.

De fait, comme l'a souligné dans son rapport M. Marini, la France avait déjà un socle important de règles de protection, de telle sorte que le chemin qui nous reste à parcourir n'est pas long. Certes, il ne faut pas tarder. Je suis heureux que la présente discussion nous permette, si vous adoptez ce projet de loi, de résorber le retard de transposition de l'une des directives et nous conduise à éviter le risque d'un scénario identique pour la deuxième.

Ce texte comporte deux volets, que je détaillerai brièvement en vous indiquant l'esprit dans lequel le Gouvernement a négocié, a proposé de transposer et entend appliquer ces dispositions européennes.

Le premier volet est la transposition d'un certain nombre de dispositions de la directive « Abus de marché ».

Cette directive harmonise le régime européen de la prévention, de la détection et de la sanction des infractions boursières. Déjà très largement transposée en droit français à l'occasion de la création de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, pour ce qui relève de l'échelon infra-législatif, cette directive crée de nouveaux outils à la disposition de cette autorité et de ses homologues, que nous devons à notre tour intégrer à l'échelon législatif.

De quoi s'agit-il ? Principalement de garantir la traçabilité des opérations, afin de renforcer la prévention en amont et d'assurer la crédibilité de la sanction en aval.

Les dispositifs que nous mettons en place ont tous pour objet de permettre à l'AMF d'être plus rapidement et mieux informée sur les opérations qu'un intermédiaire pourrait juger suspectes, sur les transactions effectuées sur les titres de leur société par les dirigeants, et sur les personnes qui, au sein d'une société cotée, ont accès à des informations privilégiées.

L'AMF sera ainsi plus facilement en mesure, dans le cours de ses investigations par exemple, de remonter la trace d'une information privilégiée jusqu'à la source de la fuite. Le cas échéant, elle sera également alertée par les intermédiaires financiers des ordres qui leur semblent suspects et pourra ainsi plus rapidement engager ses enquêtes.

En ces matières, il ne s'agit ni d'interdire ni de stigmatiser des pratiques naturelles d'achat ou de vente de titres, il s'agit de responsabiliser et de sécuriser leurs auteurs en créant les instruments de contrôle a posteriori de leurs opérations. C'est pourquoi nos solutions juridiques doivent, je me permets de le rappeler, rester le plus raisonnable possible et limiter les effets pervers qui découleraient d'un excès de formalisme.

L'article 1er et l'article 2 portent sur la création d'une obligation de déclaration des transactions suspectes à l'Autorité des marchés financiers pour les intermédiaires financiers. Cette procédure s'inspire, avec les adaptations nécessaires, de ce qui existe déjà en matière de lutte contre le blanchiment d'argent. Le texte qui vous est proposé garantit, en contrepartie, la confidentialité des déclarations et la limitation de responsabilité, éléments indispensables si l'on ne veut pénaliser ni le déclarant ni le désigné, en cas d'erreur de jugement par exemple.

L'article 3 précise le dispositif créé par la loi de sécurité financière qui prévoit que les émetteurs informent l'AMF lorsque leurs dirigeants, ou des personnes qui leur sont proches, achètent ou vendent leurs titres.

Les ajouts apportés au texte complètent, au vu des textes européens les plus récents, le champ des personnes et des titres concernés. Ils permettent également de renforcer la cohérence juridique en prévoyant que les personnes physiques concernées sont tenues de communiquer lesdites transactions à l'émetteur, afin que celui-ci soit en mesure d'accomplir ses obligations.

Il est apparu au Gouvernement à la fois plus efficace et plus protecteur des personnes physiques concernées, notamment dans la mesure où la directive inclut les « personnes proches », qui ne sont pas forcément des professionnels, de se reposer sur un système de double déclaration des personnes physiques et des personnes morales. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point dans le cours de nos débats.

Je crois, en outre, qu'il est important, si l'on veut encourager l'actionnariat salarié, d'éviter une définition floue qui laisserait s'étendre le système de déclaration au-delà du premier cercle des mandataires sociaux et des cadres dirigeants et de leurs proches au sens strict. Je pourrai donc vous indiquer, dans le cours de la discussion, le champ précis que le Gouvernement compte retenir dans les normes réglementaires d'application.

Enfin, l'article 4 consacre et rend obligatoire la pratique des listes d'initiés qui recensent les personnes ayant accès, au sein d'un émetteur ou des personnes avec lesquelles celui-ci a l'habitude de travailler - banques conseils, avocats, agences de communication financière, etc -, à des informations privilégiées dans le cadre de leurs missions. Cette disposition renforcera la capacité de sanction de ces délits, mais elle aura aussi, et c'est à mes yeux le plus important, une véritable vertu pédagogique, pour prévenir des opérations d'initiés par ignorance, comme on en voit encore trop souvent.

Dans le second volet de ce texte de transposition, le Gouvernement sollicite une habilitation à transposer par ordonnance la directive sur les marchés d'instruments financiers.

Cette directive abroge et remplace la directive du 10 mai 1993 concernant les services d'investissement. Elle refond, en le modernisant, le cadre législatif applicable aux marchés d'instruments financiers et aux entreprises d'investissement. En particulier, elle introduit une concurrence accrue entre les plates-formes de négociation, en ne permettant plus aux Etats membres d'adopter une règle de centralisation des ordres sur les marchés réglementés. La France avait retenu ce système, qui était conforme à une option de la directive de 1993 sous réserve que des exceptions soient prévues, par exemple pour la négociation de blocs.

Même si notre système avait ses avantages, il faut admettre que cette préférence donnée aux marchés réglementés a fini par introduire un certain décalage avec le développement croissant de plates-formes de négociation alternatives, en particulier dans les Etats membres n'ayant pas adopté le principe de centralisation des ordres. Par ailleurs, le système d'exceptions en vigueur permettait déjà largement aux investisseurs importants de procéder à des négociations parallèles, du reste sans toujours garantir toute la transparence à l'égard des tiers.

Dans le cadre de la nouvelle directive, les marchés réglementés français seront désormais en concurrence avec des plates-formes de négociation alternatives gérées par des entreprises d'investissement. Les marchés réglementés pourront au demeurant en gérer eux-mêmes, à l'instar d'Euronext - qui gère le marché libre - ou d'Alternext, à Paris. Enfin, ils devront également laisser la place à des systèmes purement internes, dont l'opérateur - banque ou entreprise d'investissement - se portera contrepartie de ses clients.

En contrepartie de l'abrogation de la règle de centralisation des ordres, la protection des investisseurs a été sensiblement renforcée à travers quatre types de dispositions : un élargissement des règles relatives à la transparence des ordres et des transactions, notamment sur les volumes et les prix ; une plus grande précision des règles de conduite applicables aux entreprises d'investissement ; l'harmonisation des règles applicables aux marchés réglementés ; enfin, un renforcement de la coopération entre les autorités de contrôle européennes.

La France a joué un rôle important dans la négociation de ces dispositions qui sont essentielles pour la protection des petits investisseurs qui n'auront pas accès à l'internalisation des ordres. Il n'a pas été facile de l'imposer aux pays qui pratiquaient jusqu'à présent l'internalisation des ordres sans contrainte, mais la dynamique européenne a joué, grâce à la majorité qualifiée. C'est cette Europe que nous pouvons être fiers de renforcer au travers de la Constitution qui sera bientôt soumise au vote des Français.

La longueur et la complexité de cette directive, qui comporte 73 articles et 2 annexes ainsi qu'une cinquantaine de renvois à des mesures à négocier en « comitologie » européenne, conduit le Gouvernement à demander au Parlement une habilitation à légiférer par ordonnance. Pour les mêmes raisons, et compte tenu des délais de la comitologie - la directive devrait in fine être applicable dans les Etats membres le 30 avril 2007- et des consultations de place indispensables, un délai de dix-huit mois paraît nécessaire pour élaborer ce texte.

Néanmoins, le Gouvernement vous demande dès à présent une habilitation afin d'engager activement la préparation des textes en mobilisant tous les acteurs concernés, et, surtout, afin d'assurer la compétitivité de notre droit. En effet, la transposition de la directive « au bon moment » revêt de forts enjeux pour la compétitivité de notre industrie, qui devra, le jour où l'internalisation des ordres sera admise, entrer en compétition immédiatement à armes égales.

Le Gouvernement a pris soin de mettre en évidence, dans la rédaction du projet d'habilitation, les dispositions tendant à la protection des investisseurs. Dans un souci de cohérence du dispositif, il propose que l'ordonnance entre en vigueur en même temps que ses mesures d'application, dont relève principalement la sécurisation de ces mesures de transparence.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer dans cet hémicycle, pour la première fois dans le cadre de la discussion d'un texte législatif, M. Thierry Breton. C'est avec grand plaisir, monsieur le ministre, que la commission des finances entame avec vous l'examen de ce projet de loi.

C'est un texte apparemment technique. S'il a le mérite d'être bref - 6 articles -, pour autant, il est loin d'être négligeable.

D'une part, il s'inscrit - et il faut s'en réjouir - dans un processus de résorption de notre retard en matière de transposition de textes communautaires. D'autre part - et surtout -, il met l'accent sur l'industrie financière. C'est volontairement, monsieur le ministre, que j'associe ces deux termes. Il s'agit bien d'un enjeu d'attractivité et de compétitivité : notre pays doit se doter des industries financières indispensables à son rayonnement économique en Europe. A cet égard, le droit des marchés financiers est un élément très important et très observé dans ce combat pour plus de compétitivité.

Mes chers collègues, il faut toujours viser à l'équilibre le plus judicieux entre, d'une part, la sécurité, qui requiert une régulation très précise et très étoffée, et, d'autre part, la souplesse, qui permet de s'adapter aux évolutions de la vie économique et financière.

Ainsi que l'a rappelé M. le ministre, le présent texte pose un jalon par rapport aux étapes passées et futures de la modernisation des législations financières en Europe et, plus précisément, dans notre pays.

A la vérité, nous avons lancé ce mouvement dans la foulée de la directive européenne de 1993 sur les services d'investissement, qui avait donné lieu en France à un véritable texte fondateur, à savoir la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. A l'époque, Jean Arthuis était à votre place, monsieur le ministre, et j'avais le plaisir d'être le rapporteur de ce texte au nom de la commission des finances du Sénat.

Bien sûr, beaucoup de nouveautés sont apparues depuis lors, qui nous ont conduits à intervenir à de nombreuses reprises sur les mêmes matières, par exemple au moyen de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, mais bien davantage encore au moyen de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière. Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé de nouvelles avancées législatives, en l'occurrence un texte qui portera votre nom et qui s'intitule actuellement « projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie ». Nous aurons alors l'occasion de revenir sur différents sujets de droit financier et boursier.

Le présent texte comporte deux volets. Le premier vise classiquement à transposer le dispositif dit « abus de marché ». Le second est une demande d'habilitation du Gouvernement pour procéder par ordonnance à la transposition d'une directive sur les marchés d'instruments financiers.

Concernant le premier volet, il faut évoquer les différents textes européens dont il est question.

Ce dispositif comprend en premier lieu une directive-cadre du 28 janvier 2003 et, en second lieu, quatre textes d'application, adoptés entre la fin de 2003 et avril 2004. Mes chers collègues, je souhaite insister sur ce dispositif, spécifique à certains domaines du droit communautaire. Il s'agit d'un processus en deux temps : directive-cadre puis textes d'application -, appelé « processus Lamfalussy », qui conduit à intégrer les avis des milieux professionnels dans la définition des textes d'application, avec la participation active de la Commission, des régulateurs européens et des experts, réunis au sein de comités. De là vient cette expression un peu étrange de « comitologie », qui, dans le cadre dudit processus, rappelle que les textes d'application doivent être élaborés au plus près des préoccupations des professionnels et du marché.

En ce qui concerne le dispositif « abus de marché », le bloc communautaire est complet et il s'agit simplement d'une transposition.

S'agissant des marchés d'instruments financiers, nous ne disposons encore que de la directive-cadre du 21 avril 2004. Nous nous trouvons donc à une phase différente du processus de normalisation communautaire. Pour autant, la commission des finances vous suit, monsieur le ministre, dans votre demande d'habilitation, mais en souhaitant accompagner le Gouvernement - tant les enjeux sont encore substantiels - pour mettre au point les textes d'application.

Je reviens à la question de l'abus de marché. Chacun est bien conscient qu'il est important, sur le plan tant moral qu'économique, de pouvoir disposer d'un système juridique clair et précis pour réprimer les abus de marché. Il en va bien sûr de la défense de l'ordre public général - c'est ce que recouvre, dans mon esprit, le terme de moralité. Il en va également de l'efficacité des marchés et de celle de l'économie de marché elle-même. Cette dernière requiert des systèmes de régulation qui doivent être suffisamment précis, transparents et indépendants pour que la confiance des différents acteurs du marché soit au rendez-vous.

Le système juridique français a depuis longtemps - il faut en convenir - pris en compte ces impératifs essentiels. Cela nous a par exemple permis de mettre en place un double registre de sanctions des abus de marché : les sanctions administratives et les sanctions pénales. A notre satisfaction, ces textes communautaires s'avèrent très respectueux de l'architecture juridique et judiciaire française en la matière - ce qui n'était sans doute pas si évident au départ -, faisant une juste part aux sanctions administratives et une non moins juste part aux sanctions pénales.

Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les textes communautaires dont il s'agit s'inscrivent dans le Plan d'action pour les services financiers lancé en 1999.

Cette directive-cadre enrichit et précise la notion centrale d'information privilégiée, dont la détention implique des interdictions de comportements, des abstentions de réalisation d'opérations ou de communication. Par ailleurs, la directive-cadre définit la notion de manipulation de marché, qui recouvre les éléments suivants : donner des indications fausses ou trompeuses, fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel, recourir à des procédés fictifs ou à toute forme de tromperie ou d'artifice. Il faut cependant rappeler qu'il peut y avoir exemption lorsque certaines opérations sont conformes aux « pratiques de marché admises », telles que les régulateurs nationaux peuvent les reconnaître.

En outre, la directive-cadre prévoit les conditions de gestion des informations privilégiées par les émetteurs et les intermédiaires ainsi que la mise en place par chaque Etat membre d'une autorité unique de régulation, dotée de pouvoirs suffisants.

Elle prévoit, enfin, les mesures nécessaires de coopération et d'échange d'informations entre autorités nationales.

Cette énumération atteste clairement que notre pays a déjà largement anticipé sur ces impératifs et que l'autorité administrative unique, l'AMF, est en place. D'ailleurs, si l'on avait écouté le Sénat, elle eût été mise en place un certain nombre d'années auparavant.

Par ailleurs, il existe une procédure de déclaration des opérations réalisées par certaines personnes physiques sur les titres d'un émetteur.

De nouvelles garanties organisationnelles et procédurales en matière d'enquête et de sanction des manquements boursiers sont également prévues.

En outre, le règlement général de l'AMF a déjà transposé, en ses Livres II et VI - selon la nomenclature AMF-, certaines mesures d'ordre réglementaire figurant dans le nouveau dispositif communautaire.

On relèvera plus particulièrement les dispositions ayant trait à la définition des pratiques de marché admises, à la définition de l'information privilégiée et aux obligations d'abstention que la détention d'une telle information emporte, et à la définition des manipulations de cours.

Le règlement général de l'AMF contient également certaines précisions ayant trait à la diffusion d'une fausse information et au régime des opérations des émetteurs sur leurs propres titres. Nous reviendrons ultérieurement sur ce dernier élément.

Je ne reprendrai donc pas la description du premier volet du projet de loi, me bornant à vous renvoyer, mes chers collègues, aux discussions sur les quelques amendements que la commission des finances a adoptés et qui sont, pour l'essentiel, des amendements de précision ou visant à des améliorations rédactionnelles.

J'en viens au second volet de ce texte, qui est à la fois le plus intéressant conceptuellement et le plus novateur mais sans doute le plus controversé. Il s'agit de la directive-cadre sur les marchés d'instruments financiers.

Jusqu' à présent, en droit financier classique, notamment dans notre pays, un principe de base a prévalu : le principe de concentration des ordres boursiers sur les marchés réglementés. Ce principe a été commun à toute l'Europe continentale.

Nos collègues anglo-saxons et les professionnels des pays de cette mouvance ont conçu des systèmes d'essence différente : plates-formes multilatérales non réglementées et systèmes internalisés bilatéraux gérés par des prestataires de services d'investissement. Vous avez évoqué ce point, monsieur le ministre : c'est le cas, par exemple, d'une banque internationale d'investissement globale qui se porte contrepartie des ordres du marché ou de certaines catégories d'ordres du marché pour définir des prix de transaction. En quelque sorte, dans ce cas de figure, le marché est dans le bilan du prestataire de service d'investissement, dans le bilan de la banque d'investissement que j'évoquais.

Il faut bien distinguer, à ce stade, deux notions : d'une part, la cotation d'un titre, c'est-à-dire son inscription sur la liste d'un marché réglementé, et, d'autre part, les conditions d'exécution des transactions sur ce titre. Ces transactions pourront continuer à avoir lieu, soit sur le marché réglementé - qui a défini une liste de titres sur laquelle figure celui qui nous préoccupe -, soit ailleurs, c'est-à-dire sur un marché de gré à gré ou à l'intérieur du bilan d'un prestataire de services d'investissement.

Cette directive sur les marchés d'instruments financiers est donc un texte significatif et tout à fait sensible, car il n'y avait pas consensus au départ sur le saut intellectuel qu'il nous est ainsi proposé d'accomplir. Ainsi que l'a rappelé M. le ministre, au cours de la discussion du texte, un compromis a été trouvé : l'acceptation de la dualité « marché réglementé- transactions hors marché réglementé » contre la mise en place d'un dispositif de nature à favoriser une meilleure transparence « pré-négociation ».

Ce compromis est délicat ; dans son principe, il figure dans la directive-cadre mais devra être concrètement élaboré jusqu'aux mesures d'application dans le cadre de la comitologie.

Ce nouveau cadre répond à un objectif de concurrence entre mode d'exécution des ordres et meilleur traitement des ordres. Des aménagements devront encore être prévus de façon que la transparence puisse prévaloir. Cette transparence de l'information sur les prix est évidemment un enjeu essentiel et il conviendra d'être particulièrement vigilant à cet égard.

C'est pourquoi, mes chers collègues, la transposition par ordonnance, pour acceptable qu'elle soit, suppose d'être encadrée. La commission des finances vous proposera donc un amendement de nature à définir les principes auxquels il convient de se référer en cette matière. En effet, on ne doit pas éluder le fait que la nouvelle architecture des marchés peut comporter des risques : risque de fractionnement de la liquidité, risque d'éviction de certains investisseurs, notamment individuels, des canaux hors marchés réglementés, qui seraient appelés à traiter un volume considérable d'opérations, difficulté d'apprécier et de comparer la qualité d'exécution des ordres.

On se réfère au principe de meilleure exécution. Il doit permettre d'apporter les garanties nécessaires. Encore convient-il d'y veiller dans le détail, car la transposition est bien, elle aussi, un art d'exécution et, en ce qui concerne l'amendement que j'aurai l'honneur de défendre tout à l'heure, la formulation explicite des principes a pour objet d'inciter le Gouvernement à la vigilance au niveau des mesures d'application.

Enfin, votre commission vous proposera, mes chers collègues, deux initiatives complémentaires.

Elle vous proposera d'abord de ratifier expressément, par un article additionnel, deux ordonnances récentes, visant, l'une, à transposer la directive européenne sur les conglomérats financiers et, l'autre, à réformer le régime du transfert de propriété des instruments financiers.

Par ailleurs, nous estimons, monsieur le ministre, devoir mettre l'accent sur un enjeu bien spécifique qui est relatif à la pratique par les entreprises du rachat de leurs propres actions.

Il est bien compréhensible - cela a toujours été pratiqué et admis - que les entreprises puissent, dans un cadre bien délimité, régulariser le cours de leurs titres. Il est également compréhensible qu'une assemblée générale, en toute lucidité, puisse décider, si tel lui semble être l'intérêt de l'entreprise, de réduire le montant du capital en annulant des titres. Il est, par ailleurs, indispensable que puisse exister un système de rachat pour alimenter le dénouement d'options données sur le capital.

Il existe une dernière pratique, qualifiée par l'Autorité des marchés financiers, le 22 mars dernier, de « pratique de marché admise », qui consiste pour une société à racheter une certaine quantité de ses propres titres afin d'alimenter ultérieurement des opérations d'échange et de contribuer ainsi à des opérations de croissance externe, les titres rachetés pouvant être remis à l'échange et concourir au financement de telles opérations.

La presse financière s'est notamment fait l'écho de quelques controverses en la matière, en particulier à partir de pratiques de la société Vivendi Universal à la fin de l'année 2001, ce qui a conduit à réexaminer ce sujet. Monsieur le ministre, la commission des finances a souhaité, par le biais d'un amendement qu'elle a adopté en début d'après-midi, vous interroger afin que vous acceptiez de réfléchir avec elle à ce délicat sujet.

La commission considère que les pratiques actuelles sont légitimes dans leur principe mais qu'elles nécessitent d'être encadrées. En d'autres termes, le marché, les actionnaires doivent être correctement informés. Si l'on souhaite racheter des titres pour les annuler, il faut le dire. Si l'on souhaite racheter des titres pour les conserver et les remettre à l'échange, il faut également le dire. Passer d'une logique à une autre est critiquable si l'assemblée générale ne peut plus s'y retrouver dans le suivi des résolutions, comme tel était au demeurant le cas des actionnaires de Vivendi Universal en reprenant la série des décisions d'assemblée générale auxquelles ils avaient été amenés à souscrire.

Monsieur le ministre, tels sont, en substance, les principaux éléments qui se dégagent de l'examen par notre commission des finances de ce texte fort intéressant et assurément novateur. Nous formons le voeu que les avantages qu'il comporte soient nettement plus importants que les risques qui peuvent résulter de son application.

C'est dans cet esprit, résumant donc une approche globalement favorable, mais sollicitant quelques précisions et garanties, que la commission des finances a préconisé l'adoption d'une série d'amendements et, bien entendu, un vote positif sur l'ensemble du texte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers qui est soumis à notre examen aujourd'hui a pour objet la transposition de deux directives européennes : la directive « Abus de marché » et la directive « Marchés d'instruments financiers ».

Après la vague de scandales boursiers de l'année 2002, il fallait redonner confiance aux investisseurs afin de stabiliser les marchés financiers. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'adoption de la directive « Abus de marché » et c'est également dans cette perspective que doit s'inscrire la loi de transposition.

Or, à l'analyse de ce projet de loi, force est de constater que les modalités de transposition de cette directive ne permettent pas d'atteindre pleinement les objectifs visés, à savoir renforcer l'intégrité des marchés financiers européens.

L'intégrité des marchés financiers, qui suppose le respect de la transparence, est l'une des conditions indispensables à la restauration de la confiance sur les marchés financiers, ce qui suppose que soient évitées les opérations boursières susceptibles de tromper le marché.

Nous avons, à cet égard, le sentiment que le Gouvernement a transposé ce texte a minima.

Afin d'illustrer mon propos, j'évoquerai ici deux des modalités de transposition de la directive « Abus de marché », telles qu'elles sont prévues par ce projet de loi, chacune des deux étant d'ailleurs hautement significative du faible degré d'exigence de ce texte.

En premier lieu, le texte prévoit de soumettre les établissements de crédit et les entreprises d'investissement à une « obligation de déclaration de soupçon à l'AMF, dès lors qu'ils ont des raisons de suspecter une opération délictueuse. En second lieu, le projet de loi prévoit de soumettre les émetteurs d'instruments financiers admis aux négociations sur les marchés réglementés à une obligation d'information plus générale.

On aura remarqué le point commun entre ces deux obligations d'information de l'AMF : elles ne s'appliquent qu'aux « opérations sur des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé ». Or le fait de restreindre la portée de l'obligation générale d'information de l'AMF aux émetteurs de titres inscrits à la cote sur les marchés réglementés constitue une double erreur.

Premièrement, la directive « Abus de marché » porte sur tous les titres, qu'ils soient admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non. A cet égard, je citerai le texte de la directive du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive « Abus de marché ». Son deuxième considérant prévoit que les pratiques observées sur les marchés non réglementés doivent faire l'objet d'une surveillance accrue, car « il se peut, pour des raisons structurelles, que des pratiques observées sur des marchés non réglementés soient moins transparentes que des pratiques similaires sur des marchés réglementés ».

Le troisième considérant de la directive dispose que « les pratiques de marché propres à un marché donné ne doivent pas compromettre l'intégrité d'autres marchés de l'Union européenne qui lui seraient liés, directement ou indirectement, que ces marchés soient ou non réglementés. En conséquence, plus fort sera le risque d'atteinte à l'intégrité d'un tel marché lié de l'Union, plus faible sera la probabilité que ces pratiques soient acceptées par les autorités compétentes. »

Ce projet de loi doit donc prendre acte de l'extension du champ d'application de la directive « Abus de marché » aux marchés non réglementés.

De surcroît, la transposition de la directive relative aux marchés d'instruments financiers, dite directive MIF, supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, une grande quantité d'opérations financières se déroulera en dehors des marchés réglementés, dans la zone dite « hors marché ».

Pour garantir l'intégrité des transactions financières, on ne peut pas limiter le champ d'application de cette directive aux seules transactions - et celles-ci seront de moins en moins nombreuses - portant sur des titres admis aux négociations sur les marchés réglementés.

A cet égard, la notion d' « admission à la négociation sur un marché réglementé », qui irrigue tout le droit boursier, demeure en effet, comme l'a indiqué M. le rapporteur, « un pivot de la nouvelle législation, quel que soit le mode d'exécution des ordres, et contribue à conférer aux marchés réglementés un rôle de référence juridique, notamment dans le cadre de la prévention et de la répression de l'abus de marché. »

Cela signifie-t-il que la répression de l'abus de marché devrait s'arrêter aux portes des marchés réglementés ? Non, justement pas !

M. le rapporteur n'a pas su - ou n'a pas voulu - tirer les conclusions de ses propres constatations. La sanction de l'abus de marché doit pouvoir être mise en oeuvre sur toutes les sortes de titres, qu'ils soient admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non.

Aussi importe-t-il, pour que soit garantie l'intégrité des marchés financiers, de prévoir l'encadrement juridique des abus de marché sur tous les types de marchés, qu'ils soient réglementés ou non.

Il n'y a donc aucune raison de limiter le champ d'application de cet article. Je ne peux pas croire que l'objectif du Gouvernement soit de restreindre l'efficacité d'une loi qui devrait favoriser l'intégrité des marchés financiers, renforcer la transparence et donc la confiance. Je préfère penser qu'il s'agit d'un oubli et que nous aurons la possibilité, en tant que parlementaires soucieux de garantir la transparence, de réparer cette erreur.

Je ne saurais trop faire appel à la vigilance en cette matière : les récents scandales boursiers et les affaires trop fréquentes qui occupent la scène médiatique nous y obligent. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que soit garantie la transparence des marchés financiers.

On sait à quel point la présentation de comptes fictifs - je pense aux cas de Vivendi ou de Rhodia - nuit à l'entreprise, qui en est la victime, et à ses salariés, qui en subissent les conséquences. La présentation de comptes fictifs pourrait être qualifiée d'abus de marché, car c'est un moyen de mentir aux salariés, de tromper le marché, de duper les investisseurs et d'abuser les autorités boursières.

Mes chers collègues, il nous appartient d'encadrer ce type de pratiques et de tout mettre en oeuvre afin qu'aucune transaction ne puisse avoir lieu sur un marché échappant à la sanction de l'abus de marché. Vous l'aurez compris, les socialistes se battent pour étendre au maximum l'applicabilité de cette sanction. J'espère que nous serons entendus.

Néanmoins, j'ai de sérieuses raisons de penser qu'il nous faudra redoubler d'efforts, tant il est vrai que ce projet de loi n'atteint pas les objectifs fixés par la directive dont il prétend assurer la transposition. En effet, la portée de ce texte est très faible dans la mesure où celui-ci n'envisage pas de réel mode de sanction en cas de violation de ses dispositions.

Le projet de loi prévoit un régime de sanction faiblement efficace au regard de ses objectifs puisque, aux termes de celui-ci, aucune procédure de sanction civile ni pénale ne pourra être intentée contre les débiteurs de l'obligation de déclaration de soupçon, dès lors qu'ils auront réalisé cette déclaration de « bonne foi ». Or nous savons à quel point la notion de bonne foi est variable. Pour les juristes, elle fait partie des grandes notions aux contours flous.

L'effectivité de la législation boursière en matière de transparence requiert de la précision. Comment garantir le respect de l'obligation de déclaration de soupçon en l'absence de sanction ? La sanction pénale n'est sans doute pas la plus adéquate, mais la sanction civile s'impose.

Depuis la loi de sécurité financière, on s'interroge sur les moyens d'élargir le champ d'application de l'action en responsabilité civile contre les dirigeants. Cette exonération de responsabilité n'est donc pas la bienvenue. Elle affaiblit encore l'efficacité du régime de la responsabilité des dirigeants, allant ainsi à l'encontre de la tendance américaine au renforcement de la transparence dans la gestion de l'entreprise.

Il s'agit là d'un choix politique majeur : comment rétablir la confiance dans le marché si l'on ne prévoit pas les moyens de restaurer la confiance dans l'entreprise ?

Il en va ici de l'efficacité de ce projet de loi : comment garantir l'effectivité du nouvel article L. 621-18-2 du code monétaire et financier si les dirigeants ne risquent aucune sanction ou seulement une sanction faible en cas de violation de l'obligation de communication qui leur est faite ?

A ce jour, et malgré la loi dite de sécurité financière, le vrai levier de la corporate governance, la responsabilité des dirigeants, n'a pas fait l'objet d'une vraie réforme, indispensable à son efficacité.

Ne manquons pas à nouveau l'occasion qui nous est offerte d'améliorer l'efficacité de la gouvernance d'entreprise. Saisissons-nous de ce projet de loi pour rendre plus effectif le régime de mise en cause de la responsabilité des dirigeants.

Je conclurai mon propos par une critique du très contestable article 5 de ce projet de loi. Cet article ne porte pas sur les modalités de transposition de la directive « Abus de marché » mais prévoit les modalités de transposition de la directive « Marchés d'instruments financiers ». Celle-ci bouleverse le paysage boursier et affecte la transparence et le mode de formation des prix.

Depuis le XVè siècle, la bourse est organisée en France selon le système de la centralisation des ordres : tous les ordres d'achat et tous les ordres de vente parviennent au même endroit, participant ainsi à la détermination d'un prix qui résulte de la libre confrontation de l'offre et de la demande.

Tous les acteurs du marché, qu'il s'agisse de la veuve de Carpentras ou du gros investisseur institutionnel, ont donc accès à la même information. Le mode de formation du prix sur un marché réglementé français protège ainsi les droits de l'investisseur individuel, consommateur de produits financiers et souvent profane, car ce système garantit un juste prix pour tous les investisseurs, quels que soient leur taille ou le volume des titres qu'ils achètent.

Mais, avec la directive MIF, cette organisation est en voie de disparition, au profit des gros investisseurs et au détriment des petits porteurs. L'approche anglo-saxonne a triomphé. En mettant fin au monopole des marchés réglementés, cette directive augmente en effet l'opacité des marchés financiers et introduit incontestablement une rupture, comme les députés français l'avaient indiqué lors des débats au Parlement européen.

La France a défendu sa conception centralisée de l'organisation des marchés financiers et a insisté pour que la nouvelle architecture des marchés n'altère pas la transparence et la qualité du processus de formation des prix, dont le respect est indispensable au bon fonctionnement du marché.

Aussi la transposition de la directive MIF, qui incarne une rupture dans la tradition boursière française, doit-elle être accompagnée de mesures garantissant la transparence pour tous et le respect de l'égalité de traitement des actionnaires.

L'adoption et la teneur de ces mesures doivent faire l'objet d'un débat au Parlement. Or le présent projet de loi autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive MIF. Rien ne justifie cette transposition par la voie réglementaire.

Sur un sujet aussi fondamental pour l'organisation générale de la bourse, et notamment pour les petits porteurs, il importe de faire délibérer le Parlement. Et ce n'est pas la technicité de ce texte qui devrait empêcher l'adoption de celui-ci par la voie législative.

La directive MIF fait courir aux investisseurs, et plus particulièrement aux petits porteurs, des risques : la fragmentation de la liquidité, la difficulté d'appréciation de la qualité d'exécution des ordres, l'accroissement des risques de conflit d'intérêts chez les intermédiaires financiers, ou encore la difficulté croissante pour les autorités boursières de surveiller le marché.

Face à ces risques, il importe de trouver des garde-fous non pas réglementaires mais législatifs, comme le renforcement des règles de transparence ou de meilleure exécution des ordres. Il convient donc de mettre en place un système juridique plus protecteur de l'information fournie. On ne peut pas en effet laisser le Gouvernement assurer à lui seul l'encadrement de la transparence et le contrôle de l'intégrité de l'information fournie sur les marchés financiers.

Je citerai quelques-unes des questions qui inquiètent les acteurs du marché.

Qui assurera la communication de l'information sur un marché décentralisé ?

Quelles seront les conditions d'accès de tous à cette information ? Il se peut en effet que celle-ci ne soit plus gratuite, ce qui va à l'encontre du principe d'égalité de traitement des investisseurs.

Comment donner à nouveau confiance dans le marché si chacun peut obtenir, comme cela est envisagé, un prix particulier ou une bonification de prix en fonction de sa seule situation personnelle et de son seul pouvoir de négociation ?

Les réponses à ces questions difficiles ne peuvent pas être fournies en dehors du champ de compétence de la représentation nationale. Sur ces interrogations fondamentales, mes chers collègues, le Parlement ne peut pas se dessaisir de son pouvoir de légiférer.

Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais formuler au nom de mon groupe. Nous sommes d'accord sur les objectifs que vous avez rappelés dans votre intervention. Mais nous émettons le souhait que soient fortement renforcés les quatre premiers articles de ce projet de loi. Nous déposerons des amendements en ce sens. Par ailleurs, nous souhaitons une saisine directe du Parlement s'agissant de la directive MIF, et donc le retrait de l'article 5. Si ces demandes ne recevaient pas un accueil favorable de votre part, monsieur le ministre, il va de soi que nous ne saurions adopter ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'excellent exposé de M. le rapporteur, je ne reviendrai pas sur la transposition du droit communautaire des marchés financiers.

Malgré les réticences qui viennent d'être exprimées et quelques semaines avant le référendum pour la ratification du traité instituant une constitution pour l'Europe, le texte que nous sommes appelés à examiner constitue un exemple concret et, à mon sens, réussi de l'intégration européenne, du moins en matière financière.

Monsieur le ministre, à quelques semaines de ce référendum, c'est non sans plaisir que je rappelle vos propos. Vous avez dit que le financement des entreprises était le carburant de la croissance et que la création de richesses passait par un financement peu coûteux des entreprises.

Tout cela nous conduit à nous féliciter du fait que l'Europe, en matière financière, souhaite aller de l'avant.

Il fallait tenir compte des évolutions techniques qui étaient survenues depuis 1993 et M. le rapporteur général a rappelé ce bloc que constituait alors la DSI...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Que vous rapportiez, cher collègue, à l'Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

M. Jean-Jacques Jégou. Effectivement, et cela nous rajeunit !

Sourires

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Les différentes directives que ce projet de loi transpose dans notre droit national font partie du Plan d'action pour les services financiers, le PASF, adopté par la Commission européenne pour la période 1999-2005, permettant d'harmoniser le droit boursier européen et facilitant ainsi l'émergence d'un marché financier intégré.

Ces directives sont l'aboutissement de plus de dix ans de législation européenne, de la création du marché unique bancaire en 1993 jusqu'à l'achèvement du PASF. Celui-ci a été l'un des moteurs du développement du marché des capitaux européens, contribuant ainsi à améliorer les perspectives de croissance durable tirées par les investissements et les perspectives d'emploi.

A l'heure où nous sommes tétanisés par les problèmes de l'emploi, en particulier du fait du commerce textile avec la Chine, l'Inde ou le Bangladesh - et, sur ce point, je sais que ce n'est pas M. le président de la commission des finances qui me contredira -, il n'est pas indifférent de penser que le secteur financier, notamment la place de Paris, représente plusieurs dizaines de milliers, voire plusieurs centaines de milliers d'emplois dans l'ensemble du pays. Il est donc important d'être à la pointe de l'innovation.

La poursuite de l'intégration des services financiers dans l'Union européenne est essentielle. A l'heure où l'Europe va se doter d'une Constitution clarifiant ses prérogatives, d'une politique étrangère et de défense commune rationalisant sa position sur la scène internationale et d'une coopération judiciaire accrue, une telle intégration doit permettre de renforcer la stabilité financière et l'intégrité du marché. Elle fait aussi partie de la volonté européenne d'achèvement du marché intérieur.

Le Conseil européen de Lisbonne du 24 mars 2000 ne s'était d'ailleurs pas trompé sur cette nécessité en fixant 2005 comme année butoir pour réaliser l'intégration des marchés financiers européens.

La mise en oeuvre d'une législation européenne commune en matière financière nécessite une harmonisation de son contrôle et, donc, de ses modes de répression. Celle-ci est rendue encore plus urgente par la persistance de scandales financiers. On ne peut donc que se féliciter du fait que le projet de loi transpose la directive « Abus de marché » du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché.

Cette transposition vient compléter plusieurs mesures déjà prises sur les marchés financiers français, en particulier celle qui a vu la création de l'AMF, l'Autorité des marchés français, le 1er août 2003. La fusion des trois anciens organes - la COB, le Conseil des marchés financiers et le Conseil de discipline de la gestion financière - a ainsi permis de renforcer l'efficacité et la visibilité de la régulation de la place financière française. Dans cette perspective, les mesures proposées par le présent projet de loi visent à améliorer le fonctionnement de l'AMF, ainsi que la transparence des opérations.

Ces mesures sont dans la droite ligne des propositions dégagées par le comité « Lamfalussy », qui doit son nom au président du comité des sages.

Il s'agissait, tout d'abord, de fixer des normes européennes communes contre l'abus de marché - délit d'initié et manipulation de marché. Ces normes sont indispensables pour préserver la confiance des consommateurs, seule à même de garantir que les marchés européens soient stables et transparents. En effet, pour que l'Union européenne puisse réaliser l'intégration de ses marchés financiers, il faut qu'il y ait convergence des méthodes de mise en oeuvre et de contrôle de l'application de la législation dans les Etats membres.

Le projet de loi vise maintenant à accroître l'efficacité et à développer les moyens d'action et de sanction des autorités de contrôle, en renforçant la qualité de l'information financière, la prévention et la lutte contre les opérations d'initiés, ainsi que la répression des manipulations de cours. De plus, il élargit le champ des transactions contrôlées.

Enfin, le projet de loi transpose la directive MIF du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, qui ouvre la concurrence entre les marchés réglementés et les systèmes alternatifs de négociation.

On pouvait s'interroger, monsieur le ministre, sur la demande d'habilitation par ordonnance qui nous est faite par le Gouvernement. En effet, les parlementaires sont, bien entendu, toujours réticents par principe à l'utilisation de cette méthode. Il est vrai qu'il s'agit, en l'occurrence, d'une transposition particulièrement technique. Mais cet aspect n'aurait peut-être pas suffi si M. le rapporteur ne nous avait proposé un amendement, adopté par la commission des finances, encadrant mieux le dispositif et qui permet de dissiper nos craintes.

Pour toutes ces raisons, ce texte va dans le bon sens, celui de la construction d'une Europe financière intégrée. C'est pourquoi le groupe UC-UDF le votera.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, peu de temps finalement après l'adoption de la loi du 1er août 2003 dite « loi de sécurité financière », nous voici amenés à discuter de la transposition de directives communautaires relatives à l'organisation des marchés financiers, et plus spécifiquement à la prévention de la délinquance financière, l'essentiel des dispositions concernant, en effet, les manipulations de marché et la définition du délit d'initié.

A bien y regarder, la question qui nous est posée à travers ce texte peut être appréhendée selon plusieurs entrées.

On peut partager le souci du législateur européen de faciliter la transparence des opérations menées sur les marchés financiers de l'Union, d'autant plus que la place boursière de Paris, associée dans Euronext avec d'autres places étrangères, a vocation, selon certains, à jouer sur le marché des capitaux un rôle pivot dans les années à venir.

Les investisseurs, notamment les investisseurs individuels, les personnes physiques, ayant sans doute besoin d'être rassurés, il importe de leur présenter un marché en « bon ordre de marche », transparent, aux règles claires et vertueusement régulé.

Il est vrai qu'au moment où l'on propose au public de souscrire des plans de retraite par capitalisation, où l'on offre en pâture aux marchés certains des joyaux de la propriété publique, on peut vouloir s'assurer de la qualité du fonctionnement du marché boursier.

Mais cette volonté de transparence, en tout cas affichée, est également le produit de la mise en oeuvre de la conception toute particulière de la construction européenne qui fait aujourd'hui l'objet de la controverse publique.

Prenons quelques exemples, cueillis de-ci de-là dans le texte du traité constitutionnel européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ce n'est pas le traité qui est en débat, cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Certes, mais vous allez comprendre pourquoi j'y fais allusion.

Ainsi, l'article I-4 de ce texte précise : « La libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux, ainsi que la liberté d'établissement, sont garanties par l'Union et à l'intérieur de celle-ci, conformément à la Constitution. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mais c'est évidemment dans le cadre de la partie III du traité que se trouvent les dispositions essentielles concernant le fonctionnement des marchés de capitaux. Ainsi, l'article III-156 stipule : « Dans le cadre de la présente section, les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu'aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cependant, le fondement de la théorie européenne en matière de fonctionnement des marchés est plus précisément fixé par l'article III-158, dont je vous épargne la lecture.

Cela peut d'ailleurs légitimement nous faire penser que la mise en oeuvre de l'objectif général, la libre circulation des capitaux, n'ira pas sans poser quelques légers problèmes d'application, en raison de son caractère pour le moins contradictoire avec la lettre de l'article III-158.

On doit également penser que la question de la mise en oeuvre des principes de libre établissement comme de libre prestation de services ne va pas sans poser d'autres problèmes.

En effet, soulignons les termes de l'article III-144 - fondement, ne l'oublions pas, mes chers collègues, de la directive Bolkestein. Cet article précise : « Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un Etat membre autre que celui du destinataire de la prestation. La loi ou loi-cadre européenne peut étendre le bénéfice de la présente sous-section aux prestataires de services ressortissants d'un Etat tiers et établis à l'intérieur de l'Union. »

Quant à l'article III-145, il stipule, pour sa part : « Aux fins de la Constitution, sont considérées comme services, les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux.

Les services comprennent notamment :

a) des activités à caractère industriel ;

b) des activités à caractère commercial ;

c) des activités artisanales ;

d) les activités des professions libérales.

Sans préjudice de la sous-section 2 relative à la liberté d'établissement, le prestataire peut, pour l'exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l'Etat membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet Etat impose à ses propres ressortissants. »

C'est donc avec cet arrière-plan que doit être examiné le présent texte.

Les marchés financiers européens, et le nôtre pour ce qui concerne le présent texte, sont, en effet, appelés à connaître des évolutions sensibles dans les années à venir, avec l'introduction de nouveaux intervenants, l'entrée en lice de certains opérateurs venus de pays tiers - on pense évidemment de plus en plus nettement aux fonds américains, qui seront sans doute encore plus présents qu'auparavant - et la poursuite de la mise en oeuvre des grandes manoeuvres capitalistiques en de nombreux secteurs d'activité dont certaines batailles boursières récentes sont la meilleure démonstration.

Comment, par exemple, ne pas rappeler que la dernière année a été marquée par la fusion Aventis-Sanofi, constituant une entité particulièrement forte sur le segment de l'industrie pharmaceutique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Comment ne pas souligner que certains dossiers récents, comme celui de Gecina dans l'immobilier ou celui de Rhodia dans le secteur de la chimie, posent d'incontestables problèmes de transparence ?

Le texte qui nous est proposé permet-il de répondre à cette volonté affichée de transparence ?

On peut, de ce point de vue, éprouver quelques doutes - avant d'émettre des ordres de vente ou d'achat -, voire se demander s'il n'est pas de la nature même des marchés financiers de n'être guidés que par une compétition permanente entre celui qui dispose de l'information la plus fiable et la plus précoce et celui qui ne la détient pas.

De plus, le présent texte entérine, qu'on le veuille ou non, le principe d'une forme d'autorégulation des marchés financiers par eux-mêmes, au travers des prérogatives de l'Autorité des marchés financiers, qui pose, de manière d'ailleurs assez récurrente, la question de la place de l'intervention publique en matière de sécurité des marchés.

En tout état de cause, vous l'aurez compris, nous ne pouvons évidemment voter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Je voudrais tout d'abord remercier les différents orateurs de leurs interventions, qui illustrent l'importance du projet de loi aujourd'hui soumis au Sénat, visant à la régulation des marchés financiers et à la protection des épargnants.

Je suis en effet sensible à l'attention prêtée sur toutes les travées de cet hémicycle à un texte certes technique - cela a été rappelé à de nombreuses reprises -, mais dont chaque intervenant a clairement compris la portée économique, liée à l'influence qu'aura son application sur le fonctionnement des marchés, et surtout la complexité juridique, le projet de loi se situant aux confins du droit boursier, du droit des sociétés et des règles d'ordre public.

Cette compréhension de la portée des enjeux reflète l'expérience des membres de cette assemblée, en particulier de M. Arthuis, président de la commission des finances, de M. Marini, rapporteur, et de M. Jégou, dont le rôle dans l'élaboration de la loi de modernisation des activités financières a été souligné à juste titre. Elle est évidemment le fruit du caractère pédagogique, de la clarté, de la rigueur des travaux de M. le rapporteur, dont l'intervention liminaire a d'ailleurs constitué une synthèse particulièrement brillante.

Je souhaiterais maintenant répondre sur certains points qui ont été abordés par les orateurs.

Comme cela a été relevé, la finalité première de ce texte est de renforcer l'efficacité de la régulation des marchés financiers, notamment pour mieux prévenir et, en tant que de besoin, punir les opérations d'initiés qui s'effectuent au détriment de l'ensemble des actionnaires.

Cela étant dit, je crois, monsieur Marc, qu'il ne faut pas aller trop loin.

Ainsi, je pense que vous commettez une erreur d'appréciation sur le champ d'application du présent projet de loi. Ce dernier concerne en effet les opérations sur les titres cotés, qu'ils soient négociés sur le marché réglementé ou en dehors de celui-ci. Tout mécanisme qui tendrait à donner à un actionnaire la possibilité de poursuivre en son nom propre et non pas au nom de la société les dirigeants de celle-ci pour un préjudice indirect tel que la baisse du cours de l'action contreviendrait au principe de base du contrat d'entreprise faisant des différentes composantes d'une société - actionnaires, administrateurs, mandataires sociaux - réunies autour d'un objet social un ensemble unique et cohérent. Cela serait contraire, du reste, à notre tradition juridique, à notre vision de l'économie, et ferait de l'actionnaire non plus un associé mais, comme l'a suggéré l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, un « créancier-consommateur ».

En ce qui concerne le champ d'exercice du pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, je rappelle que nous serons amenés à débattre de ce sujet ultérieurement, en particulier lors de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Notre intention est bien de prendre en compte les évolutions que va entraîner la directive européenne concernant les marchés d'instruments financiers, afin naturellement de donner toute son efficacité à l'AMF.

S'agissant de la transposition en droit interne de cette directive, je souhaiterais ajouter quelques précisions, après avoir entendu s'exprimer les différents intervenants.

Je voudrais rappeler que le Gouvernement s'est attaché, lors de la négociation de la nouvelle directive, à ce que l'abrogation de la règle de centralisation des ordres soit accompagnée de mesures permettant de garantir que les investisseurs bénéficient de cette réforme, grâce à une transparence accrue des marchés, au maintien de la liquidité des transactions par l'interaction entre les plates-formes de négociation et à l'amélioration des règles de conduite applicables aux intermédiaires. Si nous n'avions pas réussi dans cette démarche, monsieur Marc, si cette directive était aussi sous-tendue par une logique anglo-saxonne que vous le dites, le Royaume-Uni n'aurait pas voté contre et n'aurait pas été mis en minorité par les autres Etats membres, dont la France.

Ces dispositions restent à compléter par des mesures dites de niveau 2, qui sont en cours d'élaboration par les instances européennes. Je suis comme vous convaincu de l'importance de ces mesures d'accompagnement, et je veillerai à ce qu'elles soient correctement transposées.

Par ailleurs, plusieurs orateurs se sont déclarés défavorables à ce que cette directive soit transposée en droit interne par voie d'ordonnance. Je comprends la vigilance des parlementaires quant au recours à la procédure législative exceptionnelle prévue à l'article 38 de notre Constitution.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Il me semble, à cet égard, que le champ de l'habilitation est bien délimité. M. le rapporteur propose d'ailleurs, sur ce plan, des modifications tout à fait pertinentes. Le recours à l'ordonnance permet en fait au Parlement de se concentrer sur l'essentiel et de ne pas être confronté à un texte long et peut-être, comme cela a été souligné, exagérément technique, en tout cas très lourd.

En outre, à l'échelon national, la modification du cadre législatif devra être complétée par d'importantes mesures de niveau réglementaire. Il conviendra de procéder à d'étroites consultations sur l'ensemble de ce dispositif, qui devra entrer en vigueur de manière bien coordonnée.

Dans ce contexte, seule la procédure de l'ordonnance me paraît réellement à même de permettre une transposition des textes européens dans les délais.

Enfin, s'agissant de la réglementation des rachats de leurs propres actions par les entreprises, j'ai le sentiment que la loi doit fixer les principes s'appliquant à la conduite de ces opérations. C'est aujourd'hui plus ou moins le cas, les modalités de réalisation relevant prioritairement de la pratique des marchés. C'est pourquoi j'aborderai ce sujet avec le président de l'AMF, monsieur le rapporteur, afin de voir en effet dans quelle mesure cette instance pourrait apporter, à son échelon, une réponse précise à vos préoccupations, que je partage. Je vous tiendrai bien entendu précisément informé du déroulement de cette démarche.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement du Sénat.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Francis Grignon membre de la Conférence permanente « habitat-construction-développement durable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 1, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

a) le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le collège est composé de dix-huit membres : »

b) les dixième et onzième alinéas sont ainsi rédigés :

« 9° Trois représentants des salariés actionnaires désignés par le ministre chargé de l'économie après consultation des organisations syndicales et des associations représentatives.

« Le président de l'Autorité des marchés financiers a qualité pour agir au nom de celle-ci. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La loi de sécurité financière du 1er août 2003 a fixé, dans les faits, les règles de composition du collège de l'Autorité des marchés financiers, dont les membres sont, pour l'essentiel, des « professionnels de la profession » et des personnalités qualifiées, désignées, soit dit en passant, par le ministre chargé de l'économie.

Autorité indépendante, l'AMF apparaît donc clairement, selon les dispositions de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier, comme l'outil fondamental de l'autorégulation des marchés financiers, destiné à assurer la mise en oeuvre des bonnes pratiques et la transparence des activités.

Je voudrais rappeler, à cet instant, les termes de l'article L. 621-1 du même code : « L'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. Elle apporte son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international. »

En pratique, l'AMF est donc clairement l'outil de la régulation des marchés. Elle s'autosaisit, en quelque sorte, des troubles et manquements éventuels aux règles de fonctionnement des marchés, mais comme ses enquêteurs et agents sont soumis au secret professionnel, tout se traite dans le monde plus ou moins clos des marchés, entre professionnels, quoi qu'on en dise, et les débats ne franchissent les portes du palais Brongniart qu'en cas d'audience publique devant les juridictions compétentes.

Cette question de la publicité de l'activité de l'AMF est assez récurrente, et se pose de fait depuis la mise en place de cette instance. Elle renvoie naturellement à la question de la composition de celle-ci.

Notre amendement vise donc, tout simplement, à renforcer la place spécifique des représentants des salariés au sein du collège de l'AMF, en portant leur nombre à trois, afin que puisse être mieux respectée la diversité du mouvement syndical dans notre pays.

Sous le bénéfice de ces observations, nous invitons le Sénat à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission n'est pas favorable à cet amendement, pour deux raisons.

D'une part, la création de l'AMF est récente. Le Parlement a bien veillé à équilibrer sa composition, et il nous semble donc pour le moins prématuré de vouloir remettre en cause cette dernière.

D'autre part, siège actuellement au sein du collège de l'AMF un représentant des salariés actionnaires, à savoir M. Jean-Claude Mothié, qui s'investit pleinement dans la très grande activité de cette instance. Il devrait d'ailleurs, me dit-on, soumettre très prochainement au collège un rapport sur l'éducation et la formation continue des épargnants.

Je crois donc, mon cher collègue, que la loi de sécurité financière a déjà très largement donné une réponse satisfaisante à vos préoccupations.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Je n'ai rien à retrancher à ce que vient de dire M. le rapporteur. Il s'agit en effet d'une institution jeune, qui maintenant fonctionne bien et compte au sein de son collège, comme l'a rappelé M. Marini, un représentant des salariés actionnaires. Je pense que les choses doivent rester en l'état. C'est la raison pour laquelle je préconise le rejet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Les propos que viennent de tenir M. le rapporteur et M. le ministre sont significatifs. On veut bien que les salariés soient actionnaires - c'est ce que l'on demande souvent sur les travées de la majorité sénatoriale -, mais il ne faut pas qu'ils soient trop bien représentés. Que les salariés actionnaires ne comptent qu'un seul représentant au sein du collège de l'AMF satisfait donc complètement M. le rapporteur. Pour notre part, porter cette représentation à trois membres ne nous paraîtrait pourtant nullement excessif !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 2, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 621-7 du code monétaire et financier est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les conditions selon lesquelles toute personne physique ou morale peut saisir l'Autorité de toute situation lui paraissant contraire aux missions prévues à l'article L. 621-1 et peut être informée par l'Autorité des suites y étant données. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Comme nous l'avons déjà souligné, l'Autorité des marchés financiers applique, pour l'essentiel de ses activités, le principe du secret professionnel. Néanmoins, sa revue mensuelle et certaines de ses autres publications font état des procédures disciplinaires menées à l'encontre de certains intervenants indélicats sur les marchés financiers.

Quoi qu'il en soit, il semble bien que nous devions donner au règlement général de l'AMF un contenu plus précis en matière d'information du public, au-delà naturellement des seuls initiés, passez-moi l'expression, qui, notamment pour des raisons professionnelles, s'intéressent aux activités de cette autorité.

Notre amendement tend donc à créer le socle d'une modification du règlement général de l'AMF, afin de permettre la saisine de celle-ci par toute personne morale ou physique, et l'information ultérieure de cette personne par ladite autorité.

Sont notamment visées les associations de défense des investisseurs telles que définies aux articles L. 452-1 à L. 452-4 du code monétaire et financier, comme les organisations de consommateurs agréées en vertu du code de la consommation ou encore les organisations syndicales représentatives de salariés, qui doivent pouvoir solliciter l'AMF pour toute affaire concernant, par exemple, le devenir de l'emploi dans les entreprises placées au centre de certaines opérations boursières.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission n'est pas favorable à cet amendement, car elle le juge redondant.

D'une part, il existe un médiateur de l'AMF, qui est directement accessible, notamment par le biais du site Internet de cette autorité.

D'autre part, l'article 1er et l'article 4 du présent projet de loi visent l'établissement de listes d'opérations suspectes et de listes d'initiés, qui participe pleinement de l'association des émetteurs et de certains tiers à l'exercice de la mission de régulation de l'AMF.

Ainsi, et sous réserve des appréciations complémentaires que le Gouvernement pourrait être amené à porter, la commission n'a pas été convaincue du bien-fondé de cet amendement et appelle à son rejet.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Je voudrais rappeler au Sénat que l'article L. 621-19 du code monétaire et financier comporte déjà des dispositions tout à fait équivalentes à celles qui sont présentées au travers de cet amendement, lequel me semble donc inutile.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de l'amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 10, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :

L'article L. 225-252 du code de commerce est rédigé comme suit :

« Art. L. 225-252. - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce projet de loi instaure une obligation de déclaration de soupçon et une obligation d'information, qui incombent aux dirigeants de sociétés visées par le texte. Ces nouvelles obligations auront un effet juridique contraignant, à condition que leur violation soit sanctionnée par une action en responsabilité civile.

Actuellement, le régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel que prévu par le code de commerce, n'est que très faiblement efficace. Le droit des sociétés est organisé de telle façon qu'il est rarissime que les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants intentent directement une action en responsabilité contre eux. En effet, la loi et la jurisprudence ne permettent pas de reconnaître le préjudice propre à l'actionnaire.

Lorsque la société est également victime des agissements de ses dirigeants - lorsque l'intérêt social a été méconnu -, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale afin de mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Pour les actionnaires demandeurs, le mécanisme de l'action sociale écarte toute perspective de réparation directe, puisque les dommages et intérêts ne seront perçus que par la société considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants. Les actionnaires n'ont donc aucun intérêt, ou presque, à engager une procédure coûteuse.

C'est la raison pour laquelle il importe, à nos yeux, de prévoir l'hypothèse du cumul des actions sociales et individuelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission n'a pas été convaincue par cet amendement. D'ailleurs, la question que soulève notre collègue François Marc est bien connue et elle a déjà donné lieu à débat au Parlement lors de l'examen de textes concernant le droit des sociétés. Au cours de l'examen du projet de loi de sécurité financière, notre collègue député Philippe Houillon, bien que n'adhérant pas à la même philosophie politique que M. Marc, ...

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

...avait ainsi poursuivi la même finalité, mais avec une formulation différente. L'Assemblée nationale l'avait suivi, mais le Sénat avait rejeté cette disposition, qui ne figure donc pas dans la loi de sécurité financière.

Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur ce sujet.

L'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister soit en une action individuelle, exercée par la personne ayant subi un préjudice direct, certain et personnel indépendant de celui subi - ou susceptible d'avoir été subi - par la société, soit en une action sociale ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société et donc exercée en son nom, qui peut être intentée par un ou plusieurs actionnaires.

La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infractions aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts ou fautes de gestion.

La victime d'une faute d'un dirigeant ne peut, en l'état actuel du droit, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale en date du 20 mai 2003.

A ce stade, la commission demande donc aux auteurs de l'amendement n° 10 de bien vouloir le retirer, pour deux raisons.

Tout d'abord, une réflexion sur le thème de l'action collective est en cours. Celle-ci est intéressante, mais elle peut nous mener loin. En d'autres termes, monsieur le ministre, la class action est-elle compatible avec le droit français ? Comporte-t-elle plus d'avantages que d'inconvénients ? Il conviendrait au minimum d'y voir clair et de vider ce débat avant d'engager une démarche voisine.

Ensuite et surtout, l'indemnisation du préjudice indirect, car il s'agit bien de cela, ouvrirait la voie à une véritable inflation du contentieux car les procédures seraient fondées sur le préjudice matériel allégué par un actionnaire, c'est-à-dire la perte de valeur des actions que celui-ci détient.

Faut-il vraiment inciter à l'encombrement des prétoires par toutes les procédures des actionnaires qui auraient plus ou moins de bonnes raisons d'invoquer des erreurs de gestion de la part des administrateurs et des dirigeants d'entreprise quand le cours de l'action chute ? Faut-il, mes chers collègues du groupe socialiste, surtout de votre part, inciter à l'accroissement du contentieux financier à partir de la seule observation du cours des actions ? Dans un assez grand nombre de cas, ce serait un détournement de la mise en cause de la responsabilité et cela comporterait des risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.

L'actionnaire, M. le ministre le disait tout à l'heure, est un associé, ce n'est pas un tiers consommateur. Il doit réaliser que la détention de parts de capital d'une entreprise suppose d'entrer dans un système de responsabilités partagées.

Il n'en demeure pas moins que le régime de responsabilité pourrait sans doute être amélioré, car le préjudice personnel de l'actionnaire est peu reconnu et la faute détachable fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle particulièrement stricte.

Peut-être pourrait-on admettre, monsieur le ministre, à titre de première avancée, que l'entreprise finance l'action en justice, du moins fasse l'avance des frais, en cas d'action ut singuli. C'est une demande régulièrement faite par les associations d'actionnaires. J'ai notamment entendu Mme Colette Neuville défendre cette idée, et je me permets de verser à mon tour cette suggestion à nos présents débats.

Il serait donc utile de vous entendre sur ce thème. J'espère que, d'ici au texte que vous nous présenterez dans quelques semaines, cette question aura un peu avancé. Il est à noter qu'un nombre significatif, notamment sur le plan qualitatif, de nos collègues députés sont également très sensibilisés à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur le rapporteur, je voudrais vous apporter deux éléments avant de répondre plus directement à M. Marc.

D'abord, vous avez mentionné les termes de class action, c'est-à-dire d'action de classe. Comme vous le savez, nous réfléchissons en ce moment, avec le garde des sceaux, M. Dominique Perben, et M. Christian Jacob, à ces sujets. Nous avons créé un groupe chargé précisément de les étudier. La réflexion pourra donc être élargie aux suggestions que vous venez de formuler.

Ensuite, s'agissant du second volet de vos suggestions, j'ai noté vos recommandations et je vais en discuter avec M. Perben. Nous pourrons en reparler un peu plus tard, puisque nous aurons l'occasion, comme vous l'avez rappelé, de nous revoir avant l'été, si le calendrier parlementaire le permet.

Monsieur Marc, si j'ai bien compris, votre amendement permettrait à un actionnaire de poursuivre les dirigeants de la société s'il estime avoir subi un préjudice direct ou indirect. Autrement dit, vous souhaiteriez permettre à un actionnaire de poursuivre les dirigeants d'une société, en particulier si le cours de l'action baisse.

Cet amendement est assez représentatif de la conception rappelée par M. le rapporteur et selon laquelle les actionnaires seraient des créanciers-consommateurs plutôt que de véritables associés. Il est donc en contradiction avec le principe même d'une société représentant une collectivité d'intérêts s'exprimant par le biais - il ne faut pas l'oublier - des votes en assemblée générale.

De plus, en cas de variation de cours, la première victime est la société, dont les capacités financières et l'image sont atteintes.

Le droit actuel permet justement aux actionnaires d'agir au nom de la société à l'encontre des dirigeants sans imposer à ces derniers une double indemnisation du préjudice indirect des actionnaires, à savoir en indemnisant à la fois la société et les actionnaires, comme vous le proposez. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, comme la commission, le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je pourrais reprendre les arguments avancés par M. le rapporteur et les retourner à mon profit afin de prouver que cet amendement a bien sa place dans le projet de loi.

M. le rapporteur a en effet indiqué qu'un débat va s'ouvrir, dont nous ignorons la durée et les conséquences. Il serait donc peut-être prudent d'adopter dès aujourd'hui une disposition générale permettant de saisir la justice.

Il a également indiqué que l'on risquait d'encombrer les prétoires. Je ne suis pas sûr que cet argument soit recevable. Si ce risque existe, c'est qu'il y a bien un certain nombre de pratiques répréhensibles, même aux yeux de M. le rapporteur. Il conviendrait donc d'arriver à les mettre en avant au travers de l'action rendue possible grâce à cet amendement.

Au regard de ces arguments, il me paraît tout à fait justifié de maintenir notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cet amendement prouve qu'il existe un réel débat. Dès lors, nous le maintenons et nous voterons en faveur de celui-ci.

Monsieur le rapporteur, vous nous indiquez que cette discussion est prématurée puisqu'une réflexion est en cours sur l'action collective et que nous examinerons de toute façon un projet de loi au mois de juin. J'ai lu le texte qui nous sera soumis d'ici à quelques semaines par M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : il ne comporte pas de disposition sur ce thème !

S'agissant de la réflexion sur l'action collective, il faudra bien la mener ici. Elle devient publique et est maintenant développée dans d'autres enceintes. Voilà quinze jours, j'ai assisté à un travail qui a été fait sur l'initiative du Medef - vous le voyez, je ne suis pas sectaire - et j'ai constaté que cette question commençait à prendre sa place dans le débat public. Par conséquent, il ne me semble pas prématuré d'en débattre aujourd'hui dans cette enceinte, même s'il ne s'agit que d'un aspect et d'une réflexion générale. Il n'y a nulle interdiction à ce que le Parlement soit en phase avec la société civile !

Quant à l'argument du risque qui découlerait de la reconnaissance du préjudice indirect, il va de soi qu'à partir du moment où l'on accorde un droit nouveau, cela ne va jamais sans risque : c'est ce qu'on appelle la démocratie !

L'amendement n'est pas adopté.

I. - A la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre VI du code monétaire et financier, la sous-section 5 devient la sous-section 6.

II. - Après l'article L. 621-17 du même code, il est ajouté une sous-section 5 ainsi rédigée :

« Sous-section 5

« Déclaration d'opérations suspectes

« Art. L. 621-17-1. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 sont tenus de déclarer sans délai à l'Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu'elle pourrait constituer une opération d'initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

« Art. L. 621-17-2. - Lorsque l'Autorité des marchés financiers transmet, conformément aux articles L. 621-15-1 et L. 621-20-1, certains faits ou informations au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, la déclaration prévue à l'article L. 621-17-1, dont le procureur de la République est avisé, ne figure pas au dossier de la procédure.

« Art. L. 621-17-3. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions dans lesquelles est faite la déclaration prévue à l'article L. 621-17- 1.

« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers peut en demander une confirmation par écrit.

« La déclaration doit contenir :

« 1° Une description des opérations, en particulier du type d'ordre et du mode de négociation utilisés ;

« 2° Les raisons conduisant à soupçonner que les opérations déclarées constituent une opération d'initié ou une manipulation de cours ;

« 3° Les moyens d'identification des personnes pour le compte de qui les opérations ont été réalisées et de toute autre personne impliquée dans ces opérations ;

« 4° L'indication que les opérations ont été effectuées pour compte propre ou pour compte de tiers ;

« 5° Toute autre information pertinente concernant les opérations déclarées.

« Lorsque certains de ces éléments ne sont pas disponibles au moment de la déclaration, celle-ci doit au moins indiquer les raisons mentionnées au 2°. Les informations complémentaires sont communiquées à l'Autorité des marchés financiers dès qu'elles deviennent disponibles.

« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.

« Art. L. 621-17-5. - Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, des articles L. 621-15-1, L. 621-17-2, L. 621-20-1 et de l'exercice de ses pouvoirs par l'Autorité des marchés financiers, il est interdit à cette dernière, ainsi qu'à chacun de ses membres, experts nommés dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, membres de son personnel et préposés de révéler les informations recueillies en application de l'article L. 621-17-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, cette interdiction s'applique également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.

« Le fait pour un membre de l'Autorité des marchés financiers, un expert nommé dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, un membre de son personnel ou un préposé, de révéler le contenu de la déclaration ou l'identité des personnes qu'elle concerne, est puni des peines prévues à l'article L. 642-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, ces peines s'appliquent également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.

« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette dernière.

« Art. L. 621-17-6. - Concernant les opérations ayant fait l'objet de la déclaration mentionnée à l'article L. 621-17-1, aucune poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1 qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration.

« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée à l'article L. 621 - 17- 1, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration.

« Sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération ayant fait l'objet de la déclaration, le déclarant est dégagé de toute responsabilité : aucune poursuite pénale ne peut être engagée contre ses dirigeants ou ses préposés par application de l'article L. 465-1 et du premier alinéa de l'article L. 465-2 du code monétaire et financier et des articles 321-1 à 321-3 du code pénal, et aucune procédure de sanction administrative ne peut être engagée à leur encontre pour des faits liés à une opération d'initié ou à une manipulation de cours.

« Les dispositions du présent article s'appliquent même si la preuve du caractère fautif ou délictueux des faits à l'origine de la déclaration n'est pas rapportée ou si ces faits font l'objet d'une décision de non-lieu ou de relaxe et n'ont donné lieu à aucune sanction de la part de l'Autorité des marchés financiers ou de l'autorité compétente mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-17-5. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 11, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :

un marché réglementé

insérer les mots :

ou non

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'obligation de réaliser une déclaration d'opérations suspectes ne peut pas se limiter aux seules opérations portant sur des titres cotés, et ce pour deux raisons.

D'une part, le considérant 2 de la directive du 29 avril 2004 portant modalités d'application de la directive « Abus de marché » prévoit que les pratiques observées sur les marchés non réglementés doivent faire l'objet d'une surveillance accrue. Il est bien spécifié, dans cette même directive, qu'il s'agit des marchés, qu'ils soient ou non réglementés. Ce projet de loi doit donc prendre acte de l'extension du champ d'application de la directive « Abus de marché » aux marchés non réglementés, la rédaction de cet article devant être modifiée en conséquence. Mais ce n'est pas la seule raison qui a motivé cet amendement.

D'autre part, en effet, la transposition de la directive MIF supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, de nombreuses opérations financières se dérouleront en dehors des marchés réglementés, dans la zone dite « hors marché ». Les émetteurs seront donc en situation de négocier des titres non admis à la négociation sur un marché réglementé. Tel est le cas des MTF comme Alternext pour le marché français.

Pour garantir l'intégrité de toutes les transactions financières, on ne peut pas limiter le champ d'application de cette directive aux seules transactions qui auraient lieu sur les marchés réglementés, au demeurant de moins en moins nombreuses.

Il importe donc de préciser que l'abus de marché est également applicable aux titres non admis aux négociations sur les marchés réglementés. De même, il convient de prévoir que la déclaration de soupçon doit être mise en oeuvre quel que soit le type d'instruments financiers concernés, qu'il s'agisse d'instruments admis aux négociations sur les marchés réglementés ou non.

Il n'y a aucune raison de limiter le champ d'application de cet article. C'est pourquoi nous proposons d'en modifier la rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je souscris tout à fait aux objectifs que M. Marc cherche à atteindre en la matière. La question est de savoir comment il convient de répartir cette même matière entre les deux textes qui vont se succéder, autrement dit entre, d'une part, le présent projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers et, d'autre part, le futur projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

En ce qui concerne le premier texte, dont nous débattons ce jour, le choix a été fait d'une transposition « pure et dure », si l'on veut bien me permettre cette expression. C'est pourquoi nous nous sommes assez largement autocensurés.

En effet, il eût été possible de rattacher à une telle transposition toute une série d'améliorations souhaitables de la législation. A ce titre, je puis vous assurer que j'ai en réserve, sur ces matières de droit financier, un ensemble de propositions qui pourraient sans doute faire l'objet de discussions. Néanmoins, j'ai, en quelque sorte, réfréné mes ardeurs législatives, ayant bien compris qu'il s'agissait d'un pur et simple exercice de transposition.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La directive-cadre « Abus de marché », dont il est question ici, s'applique aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé ou qui ont fait l'objet d'une demande d'admission à la cote, et ce, j'y insiste à nouveau, indépendamment du lieu d'exécution des ordres.

Si nous en restons, comme cela nous est proposé, à la transposition stricte, l'amendement de notre collègue François Marc est « ultra-transposition » et, en tant que tel, figure au nombre de ces mesures législatives nouvelles en matière de droit financier et de droit des marchés qu'il serait sans doute bon d'examiner.

Par ailleurs, j'ai lu, comme Mme Bricq tout à l'heure, l'actuel projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. L'article 10 de ce texte, en particulier, devrait permettre d'étendre le pouvoir de sanction des abus de marché de l'AMF à l'ensemble des configurations de marchés d'instruments financiers, c'est-à-dire aux transactions réalisées sur des marchés réglementés ou non.

Je comprends que ce champ d'application sera large, qu'il concernera les titres émis par une personne faisant appel public à l'épargne, notion qui inclut la cotation sur un marché, quel qu'il soit, ainsi que les titres émis sur un marché non réglementé sans appel public à l'épargne.

Toutefois, il me semblerait contestable d'anticiper aujourd'hui, alors que la question posée pourrait trouver tout à fait naturellement sa solution lors de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Je souhaiterais enfin évoquer un aspect particulier qui concerne les marchés de gré à gré. En effet, dans ce cas, et il faut bien en prendre conscience, le régime de l'abus de marché n'a pas lieu d'être, puisque les transactions dont il s'agit alors sont contractuelles et qu'elles ne donnent pas lieu à des procédures d'information du public. Lorsque l'on se livre à des transactions sur un marché de gré à gré, on en accepte, en principe, les règles en toute connaissance de cause.

Aussi, tout en partageant assez largement, sur le fond, la préoccupation de M. Marc et de ses collègues, la commission sollicite le retrait de cet amendement et sera bien entendu très attentive aux explications du ministre.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur Marc, il me semble que votre amendement résulte d'une lecture un peu trop restrictive de la directive.

En effet, la directive « Abus de marché » ne s'applique qu'aux instruments financiers cotés sur un marché réglementé. En revanche, elle produit ses effets quel que soit le mode de négociation de ces instruments financiers : de gré à gré, par l'intermédiaire d'instruments financiers dérivés... Les cas visés par votre présentation sont donc, me semble-t-il, parfaitement couverts. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je voudrais toutefois préciser un certain nombre de points puisque M. le rapporteur a fait référence, à juste titre, au projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qui sera débattu dans cet hémicycle au mois de juin. Monsieur le rapporteur, vous nous avez, en quelque sorte, mis l'eau à la bouche en nous indiquant que vous aviez beaucoup d'idées.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Nous attendons, nous aussi, avec beaucoup d'intérêt, de pouvoir en débattre avec vous !

J'indiquerai tout simplement, pour aller dans votre sens, que ce projet de loi prévoit d'étendre le champ des titres qui seront soumis au contrôle de l'AMF, qui sera désormais compétente non seulement pour les marchés réglementés, mais également pour les marchés non réglementés ou pour des titres d'émetteurs faisant, par exemple, appel public à l'épargne.

Néanmoins, afin que le dispositif conserve une certaine souplesse, ce sera au règlement général de l'AMF de préciser lesquels des marchés non réglementés seront soumis à ces règles. Ainsi, conformément aux souhaits de ses promoteurs, le futur marché Alternext, par exemple, sera soumis à la réglementation relative à l'abus de marché.

Monsieur Marc, j'espère que ces propos auront contribué à vous éclairer un peu plus. Nous pourrons nous retrouver sur ces questions à l'occasion de la discussion du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ou, à défaut, son rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être présentés aussi bien par M. le rapporteur que par M. le ministre.

J'ai bien conscience qu'il y a une volonté d'avancer, même si l'on nous renvoie à l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui doit avoir lieu au mois de juin. Je vais donc accéder à la demande de la commission et du Gouvernement en retirant cet amendement.

Toutefois, je pense qu'il y a un malentendu quelque part ! En effet, je n'ai pas tout à fait le sentiment que la directive prenne en considération l'ensemble des situations, puisque le texte qui nous est soumis ne concerne que des titres soumis à marché réglementé, et eux seuls.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Me permettez-vous de vous interrompre, mon cher collègue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mon cher collègue, le champ de la directive couvre l'ensemble des titres qui sont listés pour faire l'objet de transactions sur un marché réglementé.

Toutefois, je me permets de le rappeler, ces titres-là peuvent fort bien faire l'objet de transactions ailleurs que sur un marché réglementé. C'est ce qu'indiquait M. le ministre en citant l'exemple des marchés de gré à gré, sur lesquels peuvent être échangés des titres par ailleurs listés sur un marché réglementé ou, plus exactement, listés par l'entreprise de marché qui gère les transactions sur un marché réglementé.

Tel est, exactement, le champ de la directive ; il ne peut y avoir aucune ambiguïté sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. le rapporteur a apporté une précision utile en évoquant les titres listés. Mais, s'il existe des titres listés, il en existe certains qui ne le sont pas. Or les titres non listés sont l'objet de notre préoccupation, car ils ne sont pas traités dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. On nous dit que cela va être le cas en juin, j'en donne acte à M. le ministre et à vous-même, monsieur le rapporteur. Nous attendons donc ce débat pour évoquer à nouveau cette question qui, je l'espère, trouvera une solution à cette occasion.

En conséquence, je retire l'amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 11 est retiré.

L'amendement n° 16, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier, après les mots :

admis à la négociation sur un marché réglementé

insérer les mots :

, ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet amendement a précisément pour objet d'étendre le champ d'application au maximum de ce que permet la stricte transposition de la directive : non seulement les instruments déjà cotés sur un marché réglementé, déjà « listés » - pour utiliser ce mauvais anglicisme -, mais aussi ceux qui sont en train de le devenir, donc ceux dont l'admission à une telle cote est sollicitée. De la sorte, nous pourrons achever la transposition sous la forme la plus protectrice possible.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-3 du code monétaire et financier :

« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers en demande une confirmation par écrit.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Toujours dans la perspective d'une meilleure protection, cet amendement a pour objet de rendre obligatoire, et non plus facultative, la confirmation écrite auprès de l'AMF d'une déclaration d'opérations suspectes qu'un émetteur aurait préalablement transmise par voie verbale.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-4 du code monétaire et financier :

« Art. L. 621-17-4. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-1, de porter à la connaissance de quiconque, et en particulier des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De la même manière que précédemment, il s'agit d'aller au bout de la transposition et, précisément, d'étendre à toute personne le champ de l'obligation de confidentialité pesant sur les personnes qui procèdent à la déclaration d'opérations suspectes, pour qu'il ne soit plus limité aux seules personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées auraient été effectuées.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Pour des raisons de bon sens, le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-5 du code monétaire et financier :

« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette autorité, ainsi que les éventuels compléments d'information fournis par le déclarant à la demande de cette dernière, dans les conditions prévues à l'article L. 621-21.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet amendement, assez technique, tend à préciser les modalités de transmission des informations par l'AMF à l'autorité de tutelle d'un autre Etat membre lorsque les opérations dont il s'agit relèvent de la compétence de cette autorité.

Nous précisons, en outre, que cette transmission, qui doit être réalisée dans les conditions prévues à l'article L. 621-21 du code monétaire et financier, fait l'objet, d'abord, d'une communication à l'AMF, puis d'une retransmission par cette dernière à l'autorité étrangère compétente.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur le rapporteur, votre amendement tend à préciser que l'AMF demeure le point de passage des échanges d'informations entre l'entreprise qui a fait une déclaration de transaction suspecte et l'autorité étrangère compétente.

Je souscris tout à fait à cette précision ; c'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 12, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la référence :

L. 621-17-1

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-6 du code monétaire et financier :

qui a effectué de bonne foi cette déclaration.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'article 1er prévoit d'exonérer les dirigeants ayant effectué la déclaration de soupçons « de bonne foi » de toute action en responsabilité civile.

Comment donner une efficacité à l'obligation de déclaration de soupçon quand la loi ne prévoit aucune sanction dans le cas de sa violation ? Il n'était donc pas opportun, à nos yeux, d'exonérer de toute responsabilité les dirigeants des sociétés soumises à l'obligation de déclaration de soupçon. Cette procédure ne pourra être réellement utile qu'à la condition qu'elle fasse partie des obligations qui incombent aux dirigeants.

Ainsi, le non-respect par les dirigeants des dispositions de l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier devrait entraîner la mise en cause de leur responsabilité civile, dont le régime juridique devrait être amélioré.

Dans la rédaction que nous proposons, l'exonération de responsabilité ne devrait concerner que les prestataires de services d'investissement en tant que personnes morales.

Pour répondre aux exigences qui se font jour sur le thème de la responsabilité des dirigeants, nous cherchons ici à prévoir la possibilité d'une sanction. A défaut, nous craignons que le dispositif ne fonctionne pas de façon satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission est hostile à cet amendement.

En effet, si l'exonération de responsabilité civile pour les déclarations effectuées de bonne foi ne s'applique qu'aux personnes morales et non aux personnes physiques, comment inciter les personnes physiques à remplir leurs obligations légales ? C'est bien notre crainte !

L'efficacité de la prévention de l'abus de marché repose sur un système déclaratif. Nous pouvons tout à fait nous référer à la notion de bonne foi, qu'il s'agisse des personnes morales ou des personnes physiques. A cet égard, la jurisprudence est ancienne et constante, du moins au niveau de la Cour de cassation.

Par ailleurs, la rédaction de nos collègues du groupe socialiste ne paraît pas strictement conforme à la directive européenne qu'il s'agit de transposer. A ce seul titre, il ne serait pas possible d'accéder à leur demande, car, je le rappelle, la transposition est une obligation.

D'aucuns ont évoqué, dans des sens d'ailleurs opposés, l'évolution éventuelle du cadre du droit public européen. Quoi qu'il en soit, une directive est un acte de droit positif communautaire qui doit être transposé conformément à son texte même. Nous ne sommes donc pas en mesure d'opérer des substitutions par rapport à une disposition d'une directive, ni d'entériner une rédaction plus large, comme nous le propose notre collègue François Marc.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur le sénateur, par votre amendement, vous limitez en fait l'exonération de responsabilité dont bénéficie l'auteur de la déclaration de transactions suspectes aux seules personnes morales. Je ne comprends pas très bien votre objectif.

Il convient de permettre que les personnes physiques soient également protégées, tout comme elles le sont, par exemple, pour les déclarations de soupçons en matière de blanchiment. Faute de cette protection, qui ne s'applique qu'en cas de bonne foi, l'efficacité de la procédure sera diminuée.

C'est la raison pour laquelle, en m'associant aux explications de M. le rapporteur, je demande, au nom du Gouvernement, le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En France comme dans nombreux autres pays occidentaux, on entend maints commentaires sur la question de la responsabilité des dirigeants. Il nous semblait donc opportun d'indiquer dans ce texte que les dirigeants d'entreprise ayant enfreint certaines règles pouvaient être sanctionnés.

Dans le même temps, c'est bien la multiplication des déclarations de soupçons qui est recherchée et je comprends l'argumentation selon laquelle cette disposition réduirait sans doute leur nombre.

Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 12 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

L'article 1 er est adopté.

Au deuxième alinéa de l'article L. 532-18 du même code, après les mots : « L. 533-13 » sont ajoutés les mots : «, L. 621-17-1 à L. 621-17-6 ». -

Adopté.

L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi modifié :

« 1° Au premier aliéna les mots : « sur ces titres au moyen d'instruments financiers à terme » sont remplacés par les mots : « sur des instruments financiers qui leur sont liés » ;

« 2° Au deuxième alinéa les mots : « ou le gérant de cette personne » sont remplacés par les dispositions suivantes : « , le gérant ou tout autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant cet émetteur ; »

« 3° Le dernier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les personnes mentionnées aux a et b sont tenues de communiquer à la personne mentionnée au premier alinéa les informations permettant à cette dernière de remplir les obligations de communication définies à ce même alinéa. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de cette communication ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées à cet article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi rédigé :

 « Art. L. 621-18-2. - Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c ci-dessous à l'Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans un délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liées, lorsque ces opérations sont réalisées par :

« a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;

« b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;

« c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b .

« Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l'émetteur, lors de la déclaration à l'Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette déclaration. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de la communication à l'Autorité des marchés financiers ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées au présent article. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous vous présentons un amendement de réécriture de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier comportant quatre dispositions.

La première fait peser sur les seules personnes physiques l'obligation de déclaration et de transmission à l'AMF des transactions réalisées sur les titres d'une personne faisant appel public à l'épargne, personne à laquelle elles sont liées.

La question, principalement d'ordre juridique, qui est ici posée, monsieur le ministre, notamment à la demande de certaines entreprises, est de savoir si les émetteurs, dans l'acte de transmission des informations qu'ils reçoivent et qu'ils doivent répercuter à l'AMF, engagent leur responsabilité à leur propre niveau.

L'obligation que fait peser la directive s'adresse bien aux personnes physiques définies par le texte. Le Gouvernement suggère que les déclarations des personnes physiques transitent par l'entreprise qui, en quelque sorte, les centralise, à charge pour elle d'effectuer le basculement de ces informations vers l'AMF.

La commission sera bien entendu très attentive à votre réponse, monsieur le ministre, sur ce sujet de l'éventuelle responsabilité des émetteurs, sachant que, selon notre lecture, le texte strict de la directive se satisferait parfaitement d'une déclaration directe par les personnes physiques à l'AMF.

Par ailleurs, l'amendement n° 6 rectifié tend à réorganiser, de manière à notre avis plus lisible, les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, afin de bien distinguer les trois catégories de personnes soumises à l'obligation de déclaration des transactions. Il s'agit en premier lieu des dirigeants sociaux, en deuxième lieu des responsables de haut niveau exerçant un pouvoir de décision sur la stratégie et l'évolution de l'émetteur et qui disposent également - les deux critères étant cumulatifs - d'un accès régulier à des informations privilégiées sur cet émetteur et, en troisième lieu, des personnes entretenant des liens personnels étroits avec les personnes relevant elles-mêmes des deux catégories précédentes.

Enfin, notre amendement introduit quelques précisions. D'une part, l'information privilégiée détenue par les personnes soumises à l'obligation de déclaration doit concerner « directement ou indirectement » l'émetteur, conformément à la lettre de la directive. D'autre part, il convient de viser le règlement général de l'AMF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 13, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa () de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ... ° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa rédigé comme suit :

« ... ) les détenteurs des quinze plus importants plans d'options donnant droit à la souscription d'actions ; »

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'article 3 modifie l'article L. 621-18-2 du code monétaire et financier, lui-même introduit par la loi de sécurité financière, afin d'étendre l'obligation d'information sur les opérations que les dirigeants réalisent sur les titres de leur société.

On peut s'étonner que, moins de deux ans après l'adoption de la loi de sécurité financière, et alors même que la directive « Abus de marché » était déjà adoptée, la modification des mesures de transposition soit aujourd'hui nécessaire. Le Gouvernement n'était, semble-t-il, pas allé assez loin !

A ce titre, je souhaite souligner que, lors de la discussion de la loi de sécurité financière au Sénat, le Gouvernement et sa majorité avaient rejeté plusieurs de nos amendements justement destinés à étendre les obligations de publicité des transactions afin de renforcer la transparence sur la rémunération des dirigeants.

Dans le même esprit, nous vous proposons aujourd'hui d'étendre l'obligation d'information aux titulaires des plans d'options les plus importants. La publicité des opérations sur titres réalisées par les titulaires des quinze plus importants plans de stock-options de l'entreprise constituerait incontestablement une source d'informations utiles pour les investisseurs, car ces opérations sont particulièrement révélatrices de la santé de l'entreprise.

Mes chers collègues, jour après jour, nous en apprenons de plus en plus sur les différentes formes de rémunération des dirigeants d'entreprise, qu'il s'agisse de bonifications pour la retraite ou de primes diverses et variées. Dans ces conditions, tout ce qui peut contribuer à informer plus largement le marché est de nature à garantir une certaine transparence et à accroître la confiance des investisseurs, notamment dans le fonctionnement et la gouvernance des entreprises.

Cet amendement nous semble constituer une réponse au souhait émis par bon nombre d'observateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet amendement ne nous a pas semblé utile, et cela pour plusieurs raisons.

En premier lieu, il convient de rappeler que la déclaration prévue porte non seulement sur les titres de l'émetteur, mais également sur les instruments financiers liés, ce qui englobe bien l'exercice des options.

En deuxième lieu, le champ de la déclaration couvre les dirigeants sociaux et les responsables qui, de manière cumulative, ont un pouvoir de décision sur la stratégie et l'évolution de l'émetteur et disposent d'un accès régulier à des informations privilégiées le concernant.

En troisième lieu, il convient de rappeler les dispositions préexistantes du code de commerce prévoyant un rapport spécial pour informer chaque année les actionnaires des stock-options consenties, d'une part, aux mandataires sociaux, d'autre part, aux dix salariés non mandataires dont le nombre d'options consenties est le plus élevé. Par ailleurs, le même article du code de commerce prévoit ladite information sur le nombre et le prix des actions souscrites ou achetées durant l'exercice par lesdites personnes lorsqu'elles lèvent leurs options.

Notre collègue François Marc nous propose une rédaction qui aurait pour effet apparent d'augmenter le nombre des personnes devant fournir chaque année aux actionnaires cette information nominative, pour le passer de dix à quinze. La commission a cependant estimé qu'il y avait de fortes chances pour que, dans la très grande majorité des cas, les personnes visées par l'amendement entrent d'ores et déjà dans le champ de la déclaration aux termes de la directive, en tant que responsables ayant tout à la fois pouvoir de décision sur la stratégie et accès aux informations privilégiées.

Au terme de cette analyse, la commission a prévu de demander le retrait d'un amendement qui lui semble inutile.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

L'amendement n° 6 rectifié comporte deux parties ; la première concerne les déclarants.

Cette démarche va dans le sens de la clarté et de la transparence, et le Gouvernement ne peut qu'y être sensible. Cependant, l'amendement risque aussi de complexifier quelque peu le rôle non seulement du président, du directeur général et des mandataires sociaux, mais aussi des cadres dirigeants et, d'une façon plus générale, de leurs proches, des membres de leur famille vivant sous le même toit, qu'ils s'agisse de leurs enfants, de leur conjoint, ou de leur compagne ou compagnon s'ils sont pacsés...

Encore une fois, le Gouvernement souscrit sans réserve à la démarche entreprise, dont la nécessité est avérée, mais, face au risque de rendre plus complexe encore la procédure, il entend introduire une petite nuance.

En effet, monsieur le rapporteur, le Gouvernement comprend parfaitement que les émetteurs soient soucieux de ne pas voir leur responsabilité appelée quand ils n'ont pas été avertis : c'est bien l'objectif de la correction apportée au texte de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui prévoit désormais explicitement que les déclarants doivent transmettre à l'émetteur l'ensemble des informations qui lui sont nécessaires pour s'acquitter de ses obligations. Il ne s'agit donc pas de dire que l'émetteur sera responsable : le responsable est le déclarant, mais il a semblé au Gouvernement que, pour rendre la démarche plus aisée, il était préférable de transmettre l'information, non pas directement à l'AMF, mais via l'émetteur.

C'est la petite nuance que souhaite apporter le Gouvernement, monsieur le rapporteur. Elle ne changera pas fondamentalement le dispositif, mais facilitera son application en précisant bien que la responsabilité sera celle du déclarant et non pas celle de l'émetteur, étant entendu, par ailleurs, qu'un décret en Conseil d'Etat devra préciser l'ensemble des modalités d'application.

En ce qui concerne l'amendement n° 13, je souscris pleinement aux propos du rapporteur et j'en souhaite le retrait.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le ministre, le souci de la commission était, dans la première partie de l'amendement n° 6 rectifié, de faire en sorte que les responsabilités soient claires : l'obligation incombe aux personnes physiques et non pas, dans le cadre défini par la directive, aux émetteurs.

Les émetteurs effectuent, selon l'approche du Gouvernement, une tâche purement matérielle de recensement et n'exercent pas de contrôle sur les déclarations. Cela n'affecte donc en rien l'intégrité de l'information issue des personnes physiques elles-mêmes.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, si, comme vous nous l'avez confirmé, la responsabilité pleine et entière demeure bien celle des personnes physiques sur qui pèse l'obligation de transmission des informations, la commission - je le dis sous le contrôle de son président - ne voit pas d'inconvénient à rectifier son amendement n° 6 rectifié pour donner satisfaction au Gouvernement sur la transmission des informations via l'émetteur, tout en conservant les autres dispositions prévues dans l'amendement, essentiellement de clarification.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° 6 rectifié bis de M. Marini, au nom de la commission, qui est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 621-18-2 -Toute personne faisant appel public à l'épargne communique à l'Autorité des marchés financiers et rend publics dans un délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de leurs titres ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, réalisés par :

« a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;

« b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;

« c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b .

« Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à la personne mentionnée au premier alinéa les informations permettant à cette dernière de remplir les obligations de communication définies à ce même alinéa. Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités de cette communication ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale est informée des opérations mentionnées au présent article.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 6 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 6 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Cette discussion prolonge le débat que nous avons eu en commission des finances, au cours duquel tous les intervenants avaient fait part de leurs interrogations.

Si j'ai bien compris l'esprit et la lettre de la directive que nous transposons, il s'agit de confier désormais la responsabilité de la communication de l'information, non pas aux sociétés, mais aux personnes physiques.

Alors que rapporteur nous avait indiqué qu'il modifierait la rédaction initiale de son amendement, j'ai constaté que le seul changement concernait, non pas le règlement de l'AMF, mais, au premier alinéa, le délai déterminé par un décret en Conseil d'Etat. Sur ce point, nous sommes d'accord.

Toutefois, compte tenu de la complexité du débat, les craintes exprimées en commission des finances ne sont pas véritablement levées. En l'occurrence, le rapporteur a satisfait à la condition posée par le Gouvernement pour que l'amendement lui agrée, en ajoutant un intermédiaire en la personne de l'émetteur, même s'il n'est, en quelque sorte, qu'une « boîte aux lettres ».

Franchement, je ne crois pas que l'échange rapide que nous venons d'avoir ait permis de lever les interrogations que nous avons, les uns et les autres, formulées en commission des finances.

De surcroît, nous ne mesurons pas la portée de cet amendement. En effet, nous craignons que, croyant bien faire en précisant que la responsabilité de la communication de l'information incombe aux personnes physiques et non plus aux sociétés, nous n'exonérions de ce fait les sociétés de l'obligation de communication.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour la clarté de notre débat, je voudrais rappeler, chère collègue, que la directive fait peser l'obligation sur les personnes physiques : il n'y pas d'obligation qui pèse sur les émetteurs.

Le Gouvernement estime toutefois, et nous l'avons suivi sur ce point, que, pour des raisons de bonne gestion de l'information, il est préférable que cette information, délivrée par les personnes physiques, transite par l'émetteur. Ce n'est qu'un transit et, dès lors, la commission n'a pas vu d'objection à franchir cette étape supplémentaire. Cela étant, les émetteurs ne sont pas, je le répète, soumis à la disposition communautaire, cette dernière ne créant pas à leur charge, dans le cadre qui nous occupe actuellement, d'obligations spécifiques.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et l'amendement n° 13 n'a plus d'objet.

Au même code, il est créé un article L. 621-18-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 621-18-4. - Tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé établit, met à jour et tient à la disposition de l'Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues par le règlement général de cette dernière, une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant cet émetteur ainsi que des tiers ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec ce dernier.

« Dans les mêmes conditions, ces tiers établissent, mettent à jour et tiennent à la disposition de l'Autorité des marchés financiers une liste des personnes travaillant en leur sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant l'émetteur, ainsi que des tiers ayant accès aux mêmes informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec eux. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 14, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :

un marché réglementé

insérer les mots :

ou non

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les émetteurs doivent informer l'Autorité des marchés financiers des conditions de réalisation des transactions ayant lieu sur leurs titres, et lui fournir notamment une liste des personnes ayant eu accès à des informations n'incombe qu'aux émetteurs dont les « titres sont admis aux négociations sur les marchés réglementés ». La limitation du champ d'application de cet article n'est pas légitime, et cela pour trois raisons.

Premièrement, je ne ferai que citer l'article 9 de la directive « Abus de marché », qui dispose que la sanction du comportement d'initié s'applique « également à tous instruments financiers non admis à la négociation sur un marché réglementé d'un Etat membre ».

Deuxièmement, je reprendrai le considérant 2 de la directive du 29 avril 2004, qui précise : « Il se peut toutefois, pour des raisons structurelles, que des pratiques observées sur des marchés non réglementés soient moins transparentes que des pratiques similaires sur des marchés réglementés. » Dès lors, l'extension du contrôle est préconisée.

Troisièmement, je reviens à la transposition de la directive MIF, que j'ai déjà évoquée précédemment, pour souligner qu'elle supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés.

Toutes ces raisons nous conduisent naturellement à préconiser, à partir des mêmes arguments que ceux que nous avons développés précédemment, une extension du champ du contrôle aux marchés non réglementés et la prise en compte de tout ce qui n'est pas listé.

J'imagine que les arguments qui m'ont été opposés tout à l'heure seront repris, mais je tenais néanmoins à rappeler notre exigence et notre attente sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C'est un amendement de coordination, identique dans son esprit à l'amendement n° 11 qui a été défendu tout à l'heure par M. Marc et que ce dernier a accepté de retirer en attendant la discussion, dans quelques semaines, du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. La commission escompte de notre collègue le même geste pour le présent amendement, afin de nous permettre de reprendre le débat dans ce nouveau contexte.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Je le retire, monsieur le président, au bénéfice des mêmes engagements que ceux qui ont été pris à l'occasion du retrait de l'amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 14 est retiré.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :

admis aux négociations sur un marché réglementé

insérer les mots :

, ou pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur un tel marché a été présentée

II. - Dans le premier et dans le deuxième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, après les mots :

informations privilégiées concernant

insérer (deux fois) les mots :

directement ou indirectement

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 4 est adopté.

Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, et notamment celles tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés d'instruments financiers.

Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 15 est présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l'amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement visant à la suppression de l'article 5 du présent projet de loi procède d'une position de principe.

La lecture de l'exposé des motifs relatif à l'article 5 du projet de loi est édifiante : ce serait pour des raisons de commodité technique, si l'on peut dire, qu'il nous serait proposé d'autoriser le Gouvernement à procéder par la voie de l'article 38 de la Constitution pour transposer une directive « complexe » et très technique.

C'est oublier un peu vite que nous avons pu transposer les précédentes directives sur ces questions essentielles par la voie de la discussion de projets de loi en bonne et due forme. Je pense, par exemple, à la loi de modernisation des activités financières ou à la loi de sécurité financière.

Par conséquent, rien ne justifie de procéder de manière différente à l'avenir, d'autant moins que le caractère technique des lois que je viens de citer constituait de manière indiscutable l'un de leurs aspects essentiels.

Enfin, si, en matière financière, nous ne sommes plus amenés à voter que des textes de transposition - ce sera à nouveau le cas avec la directive « Assurances » que nous examinerons en juin prochain -, et à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, le risque est grand d'une dénaturation de l'activité parlementaire sur ces questions.

C'est sous le bénéfice de ces observations que j'invite le Sénat à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cet amendement est fondamental parce qu'il touche véritablement à une question de principe.

Depuis le XVe siècle, l'organisation de la Bourse en France repose sur le système de centralisation des ordres. Le mode de formation du prix sur un marché réglementé français protège ainsi les droits de l'investisseur individuel, consommateur de produits financiers et souvent profane, car il offre la garantie du juste prix pour tous les investisseurs, quels que soient leur taille ou le volume des titres qu'ils achètent.

Avec la directive MIF sur les marchés d'instruments financiers, cette organisation est en train de disparaître au profit des investisseurs professionnels et au détriment de la transparence. En effet, en mettant fin au monopole des marchés réglementés, la directive MIF augmente l'opacité des marchés financiers et introduit une rupture. Elle doit donc être accompagnée de mesures garantissant la transparence pour tous et le respect de l'égalité de traitement des actionnaires.

La directive MIF soulève des problèmes de fond sur la nature des marchés financiers de demain. Si, comme on le comprend des principes mêmes de la directive « Abus de marché », l'Europe veut se doter de marchés financiers garantissant la transparence et l'intégrité des transactions, il importe de prévoir que la transposition de la directive MIF ne puisse pas avoir lieu sans que ces principes soient effectivement garantis.

Mais comment garantir, par exemple, que les prix auxquels les transactions hors marché auront lieu seront communiqués à tous les intervenants sur le marché au même moment et dans les mêmes conditions ?

Cette question est fondamentale en ce qui concerne les systèmes internes, ou plateformes internalisées, car ils échappent à la centralisation et à un encadrement juridique clair. En effet, ils ne sont que mollement soumis à l'obligation de transparence prénégociation que prévoit la directive, et encore, c'est l'intervention de la France qui a permis l'instauration de ce régime juridique a minima.

S'agissant de la transposition nationale de cette directive, il est nécessaire de permettre au Parlement français d'envisager les modalités concrètes de l'obligation de transparence prénégociation, afin de renforcer, au moins en France, l'efficacité du dispositif.

On peut s'interroger aussi sur les modalités d'accès de tous les investisseurs à cette information prénégociation : comment offrir à tous les investisseurs le même accès à l'information si celle-ci est payante, excluant de fait les investisseurs les moins fortunés ?

Enfin, quelles sont les modalités de contrôle du respect par les entreprises d'investissement de la règle d'une meilleure exécution ?

Toutes ces questions, fondamentales, méritent un débat au Parlement et ne peuvent être réglées par le seul pouvoir réglementaire. Seule la loi peut fixer les obligations de transparence et le respect de l'égalité de traitement des investisseurs.

Il importe donc de mettre en place un système juridique plus protecteur de l'information et du principe d'égalité de traitement des investisseurs.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l'article 5 qui prive les parlementaires d'un champ d'intervention pourtant essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Les articles L. 421-12 et L. 421-13 du même code sont abrogés.

II. - Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires pour transposer la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés financiers, et notamment celles tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers. Dans ce cadre, il veille plus particulièrement à définir les principes et modalités garantissant la meilleure exécution possible des ordres et la fluidité de leur circulation entre les infrastructures de marché, la prévention des conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, et une définition équitable des dérogations accordées à la transparence des négociations.

Cette ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.

III. - Les dispositions du I sont applicables à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance mentionnée au II.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8 et donner l'avis de la commission sur les amendements identiques n° 3 et 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous touchons à l'aspect le plus intéressant et le plus crucial du présent texte.

Certains d'entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pourront regretter les dispositions de la directive-cadre sur les marchés d'instruments financiers et l'abandon du principe de concentration.

Mais le choix a été fait et il ne sert à rien de pleurer sur le lait versé ! Autrement dit, quand le vin est tiré, il faut le boire !

Par conséquent, l'obligation de transposition s'impose à nous et il nous faut raisonner dans le nouveau contexte qui est désormais le nôtre. A défaut, nous nous placerions à l'extérieur du droit et plus particulièrement du droit communautaire, compte tenu de la hiérarchie des normes et des principes qui régissent aujourd'hui le fonctionnement de l'Union européenne.

Donc je le répète, mes chers collègues, il ne sert à rien de regretter ce qui figure d'ores et déjà dans la directive-cadre.

Certes, beaucoup d'entre nous auraient pu souhaiter une véritable mobilisation sur ce sujet de la part des acteurs du jeu financier en Europe continentale. Mais la vérité est que ces derniers étaient extrêmement divisés, certains grands établissements financiers, français ou continentaux, ayant considéré que leurs intérêts se situaient plus du côté de la vision dite anglo-saxonne des choses que du côté du strict maintien du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés.

Au contraire, sur un autre dossier, celui des normes comptables IAS, ou, nous avons assisté à une mobilisation des acteurs de la communauté financière et bancaire de l'Europe continentale, qui a permis au moins de différer l'adoption de la norme qui semblait la plus dangereuse et propice à une volatilité accrue des valeurs et des cours des entreprises du secteur financier.

S'agissant des marchés d'instruments financiers, ne nous voilons pas la face, il ne s'est pas produit une telle conjonction d'intérêts, une telle expression forte et unie des professions financières de l'Europe continentale.

Les Etats ont fait de leur mieux. A mon avis, ils auraient pu faire encore mieux s'ils avaient reçu le soutien d'une profession unie et inspirée par une vision plus forte des groupes financiers d'Europe continentale.

Aujourd'hui, nous avons une directive-cadre : il faut la transposer. Ensuite, viendront les mesures d'application.

Mes chers collègues, je vous interroge en toute transparence : quelle est la position la plus responsable ? Quelle est la meilleure façon de procéder ? Est-ce celle qui consiste à se voiler la face en attendant que tout soit achevé pour n'avoir plus qu'à ajuster les virgules ? Ou bien est-ce celle, à laquelle le Gouvernement nous invite, qui consiste à prendre acte de ce qui a été décidé, tout en exigeant le respect d'un certain nombre de principes directeurs dans la définition de la transparence ?

La solution de facilité pour le Gouvernement eût certainement été de ne rien faire, de ne pas soulever le problème et d'attendre d'arriver au terme du dispositif de la comitologie.

Or le Gouvernement a estimé que, s'agissant de la transposition de directives d'ordre financier, il lui était impossible de ne pas nous convier à ce débat, ce qui est tout à son honneur, et en particulier au vôtre, monsieur le ministre. Le Parlement est, en effet, susceptible de répondre à votre attente en vous faisant part de ses préoccupations en la matière.

C'est d'ailleurs ce que nous faisons lorsque, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, nous demandons au Gouvernement de tenir compte de nos observations dans les négociations de directives en cours avec nos partenaires européens.

L'amendement n° 8 vise à préciser l'encadrement du champ de l'habilitation et à vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir vous assurer que quatre principes s'appliqueront aux mesures de niveau 2.

Premièrement, il s'agit de préserver la circulation des ordres, en particulier les ordres à cours limité, entre les différents canaux d'exécution, dans un contexte de fractionnement de la liquidité.

Deuxièmement, il s'agit de garantir la protection de l'investisseur le moins expérimenté, c'est-à-dire du particulier, afin d'assurer un traitement équitable des investisseurs, notamment de garantir une application réelle de la règle, figurant dans la directive-cadre, de meilleure exécution des ordres.

Troisièmement, il s'agit de prévoir une définition équitable des dérogations apportées à la transparence prétransaction pour les ordres dépassant « la taille normale de marché ».

On sait que la taille normale de marché est le seuil de référence à partir duquel, au sein des systèmes internalisés, des aménagements à la transparence seront possibles. Il convient de rappeler, à ce stade, que la définition technique de la taille normale de marché est encore en cours d'élaboration par le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières.

Enfin, quatrièmement, il s'agit de prévenir les conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, plus particulièrement des internalisateurs systématiques, afin de respecter les exigences de transparence et d'intégrité des marchés.

La commission des finances est convaincue, en son âme et conscience, que, si ces quatre principes sont respectés, la directive-cadre sera acceptable et la transparence et l'équité de fonctionnement de nos marchés financiers pourront être assurées.

Bien entendu, tout cela va se dérouler dans les mois qui viennent et nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous porterez une attention toute particulière à ce dispositif.

Par ailleurs, la commission émet bien évidemment un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression n° 3 et 15.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Même si je comprends la nature des amendements de suppression, je veux réaffirmer ici que le Gouvernement a souhaité être le plus transparent possible à l'égard de la Haute Assemblée et de l'Assemblée nationale, et je remercie M. le rapporteur des propos qu'il a tenus à cet égard.

Je rappelle que la directive qu'il s'agit de transposer par ordonnance comporte soixante-treize articles. Comme M. le rapporteur l'a relevé, tous les industriels de la place n'ont pas réagi.

Sur la procédure, je crois sincèrement que celle que nous utilisons est la plus réaliste possible. En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, le Parlement sera à nouveau conduit à débattre de ce sujet lors de la ratification de l'ordonnance. Il pourra d'autant mieux contrôler l'habilitation qu'il aura donnée au Gouvernement qu'il disposera également des textes réglementaires.

Pour ces raisons, le Gouvernement demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, il y sera défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 8, je fais miens les propos de M. le rapporteur qui souhaite abroger, par voie législative, à l'échéance de la transposition, le principe de centralisation des ordres sur les marchés réglementés.

Je comprends, monsieur le rapporteur, que vous teniez au fait que le Parlement vote lui-même cette disposition centrale du texte. L'initiative est judicieuse, car elle est de nature à instaurer un débat démocratique sur un point essentiel, j'y insiste, de cette partie du texte. J'y suis donc tout à fait favorable.

Par ailleurs, la commission souhaite préciser le contenu de l'ordonnance. Le Gouvernement partage, là encore, totalement ses préoccupations.

En matière de transparence, il sera très attentif aux mesures de niveau 2 que la Commission européenne proposera dans les mois qui viennent au Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières.

Cela dit, les règles d'organisation et de conduite applicables aux entreprises d'investissement, comme les règles de transparence en matière de négociation, relèvent d'ores et déjà du pouvoir réglementaire de l'AMF. Les dispositions complémentaires seront donc principalement prises à ce niveau.

Sous réserve de cette précision, le Gouvernement souscrit pleinement à votre amendement, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 3 et 15.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J'ai bien écouté les explications qui ont été fournies, mais elles ne m'ont pas convaincu, loin de là.

M. le rapporteur se réjouit du fait que le Gouvernement nous convie à un débat. En effet, rien n'obligeait le Parlement à examiner cette disposition dès aujourd'hui puisque la date butoir pour transposer la directive est encore lointaine.

Toutefois, je considère que, pour un débat, celui que l'on nous propose est quelque peu tronqué : envisager de traiter par ordonnance soixante-treize articles dont certains sont d'une importance majeure ne me semble pas être la meilleure façon d'organiser le « débat ».

Par ailleurs, monsieur le ministre, certaines questions demeurent, notamment sur l'efficacité du dispositif et la transparence des négociations. Si l'information est payante, comment va-t-on garantir son accès ? Chacun disposera-t-il de la même information au même moment ? Le contrôle du respect par les entreprises se fera-t-il vraiment sur des bases satisfaisantes ? Ce sont, à mon avis, autant de questions fondamentales auxquelles vous n'avez pas répondu.

Or, s'agissant de transactions de dizaines de milliards d'euros, on peut penser qu'il est nécessaire de prévoir des dispositifs très précis.

Comme je n'ai pas obtenu d'éléments de réponse clairs, je ne puis que maintenir mon amendement qui prévoit que le Parlement examine dans le détail, à l'occasion d'un projet de loi, les mesures nécessaires à la transposition de la directive.

La manière dont use ici le Gouvernement est frustrante pour le Parlement, et elle ne contribuera sans doute pas à l'efficacité que l'on aurait pu espérer s'agissant d'un tel champ financier.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement est adopté.

La présente loi, à l'exception de son article 2, est applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Est ratifiée l'ordonnance n° 2004-1201 du 12 novembre 2004 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier, prise en application de l'article premier de la loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

II. - Est ratifiée l'ordonnance n° 2005-303 du 31 mars 2005 portant simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison, prise en application de l'article 34 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, sous réserve de la disposition ci-après :

Le 1° de l'article premier de l'ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

« 1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le transfert de propriété d'instruments financiers mentionnés aux 1, 2 et 3 du I de l'article L. 211-1 et de tous les instruments financiers équivalents émis sur le fondement de droits étrangers, lorsqu'ils sont admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison d'instruments financiers, mentionné à l'article L. 330-1, résulte de leur inscription au compte de l'acheteur, à la date et dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cet amendement vise à compléter le processus de transposition des directives communautaires.

En l'occurrence, la commission préconise que soit ratifiée l'ordonnance du 12 novembre 2004 relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier.

Je veux dire à M. Marc que, dans ce domaine, qui est, lui aussi, sensible, la transposition de la directive a été faite au moyen d'une ordonnance ; il convient à présent de la ratifier.

Par ailleurs, la commission propose de ratifier explicitement par voie législative l'ordonnance du 31 mars 2005 relative à la simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers.

Il s'agit, à notre avis, d'une réforme importante pour accroître l'attractivité de notre droit financier et faciliter le développement du futur compartiment Alternext, marché non réglementé d'Euronext dédié aux valeurs moyennes, qui devrait être prochainement lancé.

Mes chers collègues, la commission vous propose donc de ratifier ladite ordonnance tout en y apportant une modification. Je veux insister sur ce point.

En effet, en termes de procédure, je tiens à rappeler que, lorsque le Parlement habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance, il ne renonce en aucune manière à tous ses pouvoirs. Dans le cadre d'une loi de ratification, en effet, il lui est loisible d'amender une ordonnance ; il y a d'ailleurs des précédents en la matière.

En l'occurrence, il s'agit plus précisément ici d'étendre le dispositif aux titres régis par un droit autre que le droit français. C'est une disposition raisonnable, conforme, d'une façon générale, à nos engagements européens, qui est également de nature à valoriser notre position dans le cadre des discussions en cours en matière de règlement-livraison des titres.

Il convient d'améliorer encore la position de la France dans une discussion internationale, notamment communautaire, puisqu'un projet de directive est actuellement en cours d'examen sur ce sujet.

Or, assimiler les titres relevant de droits étrangers aux titres relevant du droit français serait de nature à améliorer la position de notre pays en matière de négociation tant à l'égard du projet de directive sur le règlement-livraison qu'à l'égard de la convention de La Haye, qui est actuellement en cours de finalisation.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, en ce qu'il vise à autoriser la ratification des deux ordonnances, et, compte tenu des explications très détaillées de M. le rapporteur, est également favorable à l'ensemble du dispositif proposé.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.

L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 225-209 du code de commerce est ainsi modifié :

I. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions achetées dans le cadre des finalités et selon les modalités définies par l'assemblée générale ne peuvent être réaffectées à d'autres finalités sans son autorisation.

II. - Après le quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le nombre d'actions acquises par la société en vue de la conservation et de la remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, de scission ou d'apport ne peut excéder 5 % de son capital.

« Les actions ainsi acquises par la société ne peuvent être affectées à la finalité prévue au précédent alinéa dans un délai de trois mois à compter de leur acquisition. Les actions non utilisées pour cette fin dans un délai de vingt-quatre mois à compter de leur acquisition sont annulées. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, dans une décision du 22 mars dernier, l'Autorité des marchés financiers a accepté, comme relevant d'une pratique de marché admise, l'acquisition d'actions propres par une société aux fins de conservation et de remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'opérations de croissance externe.

Lesdites pratiques de marché admises sont visées par le dispositif communautaire relatif à l'abus de marché. Définies par les autorités nationales de régulation, elles permettent aux émetteurs de bénéficier d'une présomption simple de légitimité au regard de l'abus de marché.

Or, il convient de rappeler l'origine de la législation française en matière de rachat d'actions. Cette pratique s'est répandue très rapidement dans les marchés financiers, peut-être même trop aux yeux de certains analystes, de certains commentateurs, de certains économistes, mais elle est très récente.

En effet, c'est en 1998 que le premier jalon sur ce chemin a été posé avec le rapport de place confié à M. Bernard Esambert.

Le Parlement avait accepté les régimes de rachat d'actions à l'occasion de la discussion d'un texte de 1998, qui étendait les dispositifs préexistants, lesquels n'admettaient que la régularisation de cours, c'est-à-dire des acquisitions réalisées dans le cadre de programmes assez strictement définis et pour de faibles volumes.

Dans son rapport de janvier 1998 sur la réforme du rachat d'actions, M. Bernard Esambert proposait une certaine libéralisation de ce régime, mais insistait sur la nécessité d'éviter les pratiques de contournement et d'assurer la transparence des opérations :

« La nouvelle législation devrait permettre aux entreprises qui décident de ne pas les annuler d'utiliser les titres rachetés notamment pour procéder à une acquisition ou à un échange par remise de titres comme c'est le cas aux Etats-Unis. Cette possibilité pourrait cependant faire craindre certains abus : remise des titres à des sociétés amies, risque de dilution pour les actionnaires, possibilité de replacer les titres sur le marché sans passer par la procédure protectrice d'émission [...], financement d'acquisitions sans respecter la procédure des apports en nature.

« Afin de supprimer ces risques, il serait nécessaire que la plus grande transparence existe quant au sort des titres rachetés. C'est pourquoi l'entreprise devrait être contrainte d'informer les actionnaires et le marché de l'exacte situation des titres autodétenus, et cela régulièrement. »

Au regard des propositions formulées dans ce rapport, la décision précitée de l'AMF paraît trop souple. En effet, elle est de nature à entériner certaines pratiques controversées des émetteurs et tend à s'écarter des objectifs du règlement européen de 2003, adopté dans le cadre du dispositif communautaire sur l'abus de marché.

Certains épisodes de la vie du marché financier, notamment celui que j'ai évoqué au cours de la discussion générale, ont attiré notre attention. C'est pourquoi la commission des finances propose de renforcer l'encadrement des rachats d'actions selon trois axes.

Premièrement, il s'agit de faire en sorte que les assemblées générales des sociétés concernées respectent le principe de constance et de cohérence.

En effet, les actionnaires votent un programme de rachat d'actions en vue de la réalisation d'un objectif parmi les quatre qui sont admissibles : il faut s'y tenir et rendre compte sur l'exécution. Les rachats d'actions prévus pour chaque objectif ne doivent pas être commodément réaffectés à un autre objectif.

En d'autres termes, les objectifs autorisés par l'assemblée générale ne sont pas fongibles et toute réaffectation suppose la convocation d'une nouvelle assemblée générale des actionnaires, laquelle, en la matière, reste seul juge. J'insiste, monsieur le ministre, sur l'opportunité de valoriser ici le rôle des actionnaires délibérant en assemblée générale.

Deuxièmement, il s'agit d'introduire un sous-plafond de 5 % du capital de l'émetteur pour les opérations de rachat d'actions destinées à la croissance externe, au sein du plafond global de 10 % du capital de l'émetteur prévu pour les rachats d'actions.

Troisièmement, enfin, et conformément aux préconisations du rapport Esambert, il s'agit de prévoir que les actions ainsi rachetées ne pourront servir au financement d'une opération de croissance externe que dans un délai de trois mois à compter de leur acquisition, et ce afin d'éviter les aléas de marché.

En outre, si aucune opération de croissance externe n'a été réalisée dans un délai de deux ans et si l'assemblée générale n'a pas décidé de réutiliser les titres acquis pour une autre finalité, ces titres seront purement et simplement annulés. Ainsi cet autocontrôle qui ne dit pas son nom ne pourra-t-il plus prospérer.

Tel est, monsieur le ministre, le raisonnement sur lequel se fonde la commission des finances pour présenter cet amendement.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur le rapporteur, cet amendement vise à encadrer de façon plus stricte les rachats d'actions, en particulier ceux qui ont pour objectif de permettre à la société d'accumuler des titres en vue d'un paiement ou d'un échange à l'occasion d'une opération de fusion-acquisition. Plus précisément, il tend à ce que la raison initiale soit préservée tout au long de la durée de ces titres.

Depuis l'entrée en vigueur du règlement européen qui a permis l'application de la directive « Abus de marché », les conditions encadrant les rachats d'actions ont été revues et, dans l'ensemble, plutôt durcies. C'était nécessaire, vous l'avez rappelé, même si, comme vous, je pense que des améliorations sont encore possibles.

Monsieur le rapporteur, je comprends votre souci d'apporter des solutions à des problèmes plus particuliers, qui sont, vous l'avez rappelé, délicats à traiter et qui ont soulevé un certain nombre de difficultés dans le passé.

Pour autant, faut-il empêcher en toutes circonstances la réaffectation de titres achetés en vue d'un objectif vers un autre objectif qui aurait été approuvé par l'assemblée générale dans le même programme de rachat ?

Je comprends bien la nature de la question que vous posez, mais il me paraît nécessaire de prendre le temps d'en rediscuter avec les différents acteurs concernés dans le cadre d'une concertation que nous pourrions mener dans les semaines à venir.

En outre, il semble utile que ces problèmes importants, même s'ils restent spécifiques, soient - lorsque c'est possible - résolus par l'AMF, qui a notamment été créée pour élaborer des doctrines claires, rigoureuses, pragmatiques et évolutives.

Vous avez fait allusion à certaines décisions, monsieur le rapporteur ; je me propose d'examiner, dans les semaines à venir, comment elles peuvent évoluer, de façon à pouvoir éventuellement élargir les règlements dans le sens que vous indiquez.

Il est parfaitement naturel que le législateur exprime ses préoccupations, ainsi que vous venez de le faire devant la Haute Assemblée, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement entend réfléchir au problème que vous avez soulevé. J'ai ainsi l'intention de rencontrer le président de l'AMF, je le répète, et je ne manquerai pas de vous associer évidemment à ces discussions. Ainsi pourrons-nous de nouveau évoquer les possibilités d'évolution de la réglementation, si nous n'aboutissons pas d'ici à un mois.

Puisque l'occasion nous est donnée de nous revoir prochainement, monsieur le rapporteur, le Gouvernement vous propose de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici au terme de la discussion de ce projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.

Je me réjouis d'abord de la qualité d'écoute mutuelle entre le Gouvernement, le Sénat et sa commission des finances sur des textes certainement peu accessibles au plus grand nombre.

Je ne voudrais pas que notre collègue François Marc, qui est un spécialiste en ces matières, nourrisse une quelconque frustration au motif que délégation aurait été donnée au Gouvernement de transposer par ordonnance des dispositions largement techniques. Je ne doute pas que le Gouvernement saura associer la commission des finances aux différentes phases préparatoires de cette ordonnance.

En ce qui concerne l'amendement n° 18, M. le rapporteur a exprimé avec force ses préoccupations : les membres de la commission des finances et moi-même les partageons totalement.

Sans doute est-il risqué de couper court à des exercices de virtuosité, même s'ils n'ont pas contribué à renforcer la réputation de la place de Paris. Au demeurant, nous pouvons considérer que, dans une période de trouble, les sociétés françaises et les autorités de marché ont réussi à maintenir un climat de confiance. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a également su prendre à temps les bonnes dispositions : ainsi, la loi de sécurité financière a largement jalonné le parcours, ce qui a considérablement simplifié la transposition de la directive « Abus de marché ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je remercierai également Philippe Marini, qui a su trouver les bonnes formulations pour parfaire votre texte, monsieur le ministre.

La discussion a été particulièrement riche. Elle est pour nous extrêmement prometteuse, puisque c'était, monsieur le ministre, la première fois que vous défendiez un projet de loi devant le Parlement. C'est un bon début, et nous sommes déjà impatients de vous retrouver dans quelques semaines pour l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.

Je ne sais quelle décision prendra M. le rapporteur sur la question du rachat d'actions par une société en vue de financer des projets de croissance externe. Sans doute est-il possible et opportun d'accorder au Gouvernement un temps de réflexion en la matière.

Monsieur le ministre, rendez-vous est pris sur le projet de loi que vous avez fait approuver en conseil des ministres. Mais rendez-vous est également pris, à l'issue des discussions d'aujourd'hui, sur ce point particulier. Vous l'aurez compris : nous ne vous lâcherons pas !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il sera temps, au mois de juin prochain, de traduire notre volonté en actes. Il importe, en effet, de rappeler que c'est l'assemblée générale des actionnaires qui décide et que les dirigeants doivent se conformer aux délibérations prises à cette occasion.

J'espère que le Sénat votera ce projet de loi, qui contribue efficacement à renforcer la transparence, la sécurité et la confiance.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Non, je le retire, monsieur le président, dans l'esprit qu'a indiqué le président de la commission des finances et qui est également celui de M. le ministre, ainsi que sa réponse en témoigne.

Nous travaillerons donc ensemble, afin d'élaborer un dispositif alliant à la fois rigueur et compétitivité. Nous sommes, en effet, toujours confrontés à la difficulté de concilier les deux : il ne faut pas que la rigueur devienne un obstacle à la compétitivité !

A l'inverse, la place de Paris n'est pas de celles qui fondent leur réputation sur une souplesse qui irait au-delà de ce que nous sommes prêts à admettre. Il convient donc de trouver l'équilibre. Mais nous avons tout à fait confiance, monsieur le ministre, dans le travail partenarial qui va se poursuivre.

Au moment d'achever l'examen de ce texte, je souhaite vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos proches collaborateurs, qui nous ont permis d'avancer de manière aussi utile. C'est très certainement de bon augure pour les textes que nous serons amenés à examiner avec vous dans les prochaines semaines !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. François Trucy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi illustre les apports, mais aussi la complexité de la construction européenne. Il s'inscrit dans un long processus d'harmonisation du droit boursier européen et de réalisation d'un marché unique des marchés financiers.

L'adoption de l'euro a constitué un puissant moteur d'intégration économique et financière en facilitant la circulation des capitaux, en élargissant les possibilités de placement et d'emprunt et en réduisant les coûts de financement.

La réalisation du marché intérieur des services financiers devrait permettre au moteur de l'euro de tourner à plein régime dans un cadre plus efficace, plus stable, plus sûr et plus transparent.

Le projet de loi que nous venons d'examiner s'inscrit dans ce processus d'intégration ; M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en a très bien décrit les enjeux et les apports. Ce processus reste néanmoins complexe du fait de la succession de textes européens qu'il implique, de leur contenu technique et de leurs modalités d'élaboration.

A cet égard, le rapporteur, M. Philippe Marini, a très bien souligné les spécificités et les limites du « processus Lamfalussy » dans son rapport, dont le groupe UMP salue la grande qualité. Ses observations sur le fonctionnement de cette procédure législative simplifiée nous paraissent riches d'enseignements, sur le plan européen comme sur le plan national.

Nos débats ont mis en évidence la difficulté d'élaborer et de transposer rapidement des dispositifs communautaires très techniques, mais aux conséquences concrètes non négligeables sur l'environnement juridique et financier des acteurs économiques.

Le groupe UMP souhaite formuler trois observations.

Première observation, la directive sur les abus de marché a déjà été largement transposée dans la loi de sécurité financière du 1er août 2003, puis dans le nouveau règlement général de l'Autorité des marchés financiers.

Alors que l'on déplore régulièrement les retards de la France en matière de transposition des directives européennes, et ces retards sont réels, il convient de saluer la volonté du Gouvernement d'anticiper la mise en place de nouvelles mesures de contrôle et de sanction, dont la principale fut la création de l'AMF.

La deuxième observation porte sur le caractère très concret des nouvelles obligations de déclaration imposées aux intermédiaires financiers, aux dirigeants des sociétés et aux émetteurs. Ces nouvelles obligations nous paraissent indispensables pour renforcer la protection de l'épargnant et favoriser ainsi le retour de la confiance sur les marchés financiers.

Enfin, la troisième observation concerne la transposition par ordonnance de la directive relative aux marchés d'instruments financiers. Cette directive permet d'adapter le cadre juridique à l'évolution des techniques et de l'organisation des marchés financiers, mais elle ne constitue pas une fin en soi, d'autant que toutes ses mesures d'application ne sont pas encore finalisées sur le plan européen.

La nouvelle architecture des marchés financiers comporte un certain nombre de risques ; notre collègue Philippe Marini les a évoqués. Les pouvoirs publics doivent faire preuve de la plus grande vigilance, sur ce point comme sur les conditions dans lesquelles certaines sociétés procèdent au rachat de leurs propres actions, sujet opportunément abordé par le rapporteur.

Le groupe UMP est favorable à la réalisation d'un grand marché unique des marchés financiers, mais il considère qu'il ne peut y avoir de marché performant sans cadre, sans règles, sans contrôle, sans transparence. Le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui répond pleinement à cette préoccupation. C'est pourquoi le groupe UMP votera le texte tel qu'il résulte des travaux de notre assemblée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai bref, car les arguments qui motivent notre vote ont déjà été développés lors de l'exposé des amendements.

La discussion qui a eu lieu tout à l'heure à propos d'un amendement présenté par M. le rapporteur a démontré, s'il en était besoin, que plusieurs questions restaient en suspens. Cet amendement avait du sens, même s'il doit être réexaminé à la lumière des éléments qui ont été apportés dans le débat.

De même, les amendements que nous avons déposés étaient tout à fait adaptés aux problèmes qui se posent aujourd'hui et les arguments qui ont été avancés pour les repousser nous ont quelque peu laissés sur notre faim.

Enfin, l'article 5 de ce projet de loi - tout à fait essentiel- conduit à ôter au Parlement une partie de ses prérogatives en amont. Je sais bien que celui-ci devra valider les textes a posteriori, mais il ne sera pas véritablement consulté en amont.

Au regard des différentes questions que pose la directive MIF, il aurait été prudent de prendre le temps nécessaire - nous avons encore plusieurs mois devant nous - et qu'un projet de loi spécifique soit élaboré. Telle était la demande que j'avais formulée dans mon propos introductif. Malheureusement, il n' y a pas été donné suite.

Dans ces conditions, compte tenu de toutes les questions qui ont été soulevés à l'occasion de l'examen des différents articles de ce projet de loi et en raison du rejet des amendements que nous avons présentés, nous voterons contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Jégou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite à mon tour, à la suite du président Jean Arthuis et du rapporteur Philippe Marini, de la qualité du débat.

Je souhaite remercier M. le ministre qui, à l'occasion de la présentation de ce projet de loi - le premier pour lui - nous a montré qu'il était à l'écoute de la Haute Assemblée ; une suite devrait être donnée à cette discussion dans le texte qui nous sera présenté au mois de juin prochain.

Un certain nombre d'amendements de la commission des finances ont été pris en compte. Les dispositifs adoptés devront être finalisés. Sans être des jusqu'au-boutistes, nous voulons faire en sorte que notre place financière puisse défendre au mieux la croissance, que nous attendons avec impatience dans notre pays.

Le groupe UC-UDF votera ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les propos de mon collègue François Marc en ce qui concerne l'article 5, qui est essentiel, mais j'y souscris.

Rien n'a bougé au cours de ce débat, qui s'est limité à un dialogue entre le rapporteur et le ministre, et nos amendements ont été rejetés par la majorité sénatoriale.

Puisque rien n'a bougé et puisque nous n'avons pas été écoutés, nous voterons contre ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaite corriger une injustice. Si la discussion a été riche, nous le devons, certes, à la qualité des échanges, mais aussi au fait que la séance a été remarquablement présidée, et je tenais à vous en remercier, monsieur le président.

Cela dit, je ferai deux observations très brèves.

Tout d'abord, ce n'est pas parce que l'on habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, monsieur Marc, que l'on se prive du droit d'amender l'ordonnance ; nous venons d'en faire la démonstration. Par conséquent, n'accréditons pas l'idée qu'aujourd'hui le Sénat se serait, en quelque sorte, dessaisi de ses prérogatives.

Le texte en préparation aura peut-être des accents lyriques, mais, pour l'essentiel, il sera d'une rigueur technique qui n'en facilitera ni la lecture ni la compréhension. Mais, grâce à la diligence de Philippe Marini, il est clair que nous disposons du droit d'amender les ordonnances.

Ensuite, malgré toute la rigueur que nous pouvons souhaiter quand il s'agit de contenir des dérives et des abus, nous devons toujours avoir à l'esprit l'exigence de compétitivité. Nous sommes aujourd'hui face à un marché de dimension européenne, voire mondiale. Dès lors, tout excès de rigueur sur le plan national peut devenir un facteur de délocalisation d'activités de marché, ce qui n'est pas conforme à l'intérêt de la France.

Faisons confiance au ministre pour conduire, dans une Europe politique, les négociations requises pour faire partager nos attentes et nos convictions par nos partenaires européens et faire émerger, sur le plan européen, des normes qui répondent à ces attentes de transparence et de confiance.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - Permalien
Thierry Breton, ministre

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d'abord, je souhaite, au nom du Gouvernement, vous remercier de la qualité de nos débats.

Puisque vous avez eu la bienveillance de signaler que je défendais pour la première fois un texte devant le Parlement, je peux d'ores et déjà tirer la conclusion de ma très modeste expérience que la Haute Assemblée mérite et son nom et sa réputation de sagesse, car c'est bien la sagesse qui a inspiré tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui sur ce texte très important pour notre économie, donc pour notre pays, mais aussi pour l'Europe.

Vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ce projet de loi n'est pas anodin : il doit permettre à la fois d'assurer plus de transparence et de donner davantage de sécurité juridique - pour le reste, le risque de l'actionnaire est celui de l'actionnaire et le risque de l'entrepreneur est celui de l'entrepreneur - tant aux émetteurs qu'aux épargnants qui souhaiteront demain mobiliser et orienter leur épargne vers l'entreprise. C'est fondamental, tant nous souffrons, en Europe, mais surtout en France, de l'insuffisance de l'investissement dans les entreprises. Or c'est l'un des éléments nécessaires à la croissance, donc à l'emploi.

Par conséquent, je me réjouis, au nom du Gouvernement, de l'adoption de ce projet de loi, comme je me réjouis du dialogue que j'ai pu avoir avec chacune et chacun d'entre vous, même si, à l'évidence, le Gouvernement n'a pas retenu l'ensemble des amendements proposés.

Je souhaite également faire miens les propos qui ont été tenus tant par le président de la commission des finances que par le rapporteur. Le Gouvernement va effectivement légiférer par ordonnance sur une partie du texte, mais, bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, comme cela vient d'être démontré, le droit d'amendement de la Haute Assemblée demeure entier et nous pourrons nous prononcer sur les propositions qui vous auront semblé opportunes.

Pour ma part, j'attends avec impatience, compte tenu de ce qui a été annoncé, de pouvoir vous retrouver dans quelques semaines, mesdames, messieurs les sénateurs.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, la présidence ne peut que s'associer au souhait commun de voir nos échanges conserver à l'avenir la qualité que vous avez bien voulu leur reconnaître aujourd'hui.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente.