...avait ainsi poursuivi la même finalité, mais avec une formulation différente. L'Assemblée nationale l'avait suivi, mais le Sénat avait rejeté cette disposition, qui ne figure donc pas dans la loi de sécurité financière.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur ce sujet.
L'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister soit en une action individuelle, exercée par la personne ayant subi un préjudice direct, certain et personnel indépendant de celui subi - ou susceptible d'avoir été subi - par la société, soit en une action sociale ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société et donc exercée en son nom, qui peut être intentée par un ou plusieurs actionnaires.
La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infractions aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts ou fautes de gestion.
La victime d'une faute d'un dirigeant ne peut, en l'état actuel du droit, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt de sa chambre commerciale en date du 20 mai 2003.
A ce stade, la commission demande donc aux auteurs de l'amendement n° 10 de bien vouloir le retirer, pour deux raisons.
Tout d'abord, une réflexion sur le thème de l'action collective est en cours. Celle-ci est intéressante, mais elle peut nous mener loin. En d'autres termes, monsieur le ministre, la class action est-elle compatible avec le droit français ? Comporte-t-elle plus d'avantages que d'inconvénients ? Il conviendrait au minimum d'y voir clair et de vider ce débat avant d'engager une démarche voisine.
Ensuite et surtout, l'indemnisation du préjudice indirect, car il s'agit bien de cela, ouvrirait la voie à une véritable inflation du contentieux car les procédures seraient fondées sur le préjudice matériel allégué par un actionnaire, c'est-à-dire la perte de valeur des actions que celui-ci détient.
Faut-il vraiment inciter à l'encombrement des prétoires par toutes les procédures des actionnaires qui auraient plus ou moins de bonnes raisons d'invoquer des erreurs de gestion de la part des administrateurs et des dirigeants d'entreprise quand le cours de l'action chute ? Faut-il, mes chers collègues du groupe socialiste, surtout de votre part, inciter à l'accroissement du contentieux financier à partir de la seule observation du cours des actions ? Dans un assez grand nombre de cas, ce serait un détournement de la mise en cause de la responsabilité et cela comporterait des risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.
L'actionnaire, M. le ministre le disait tout à l'heure, est un associé, ce n'est pas un tiers consommateur. Il doit réaliser que la détention de parts de capital d'une entreprise suppose d'entrer dans un système de responsabilités partagées.
Il n'en demeure pas moins que le régime de responsabilité pourrait sans doute être amélioré, car le préjudice personnel de l'actionnaire est peu reconnu et la faute détachable fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle particulièrement stricte.
Peut-être pourrait-on admettre, monsieur le ministre, à titre de première avancée, que l'entreprise finance l'action en justice, du moins fasse l'avance des frais, en cas d'action ut singuli. C'est une demande régulièrement faite par les associations d'actionnaires. J'ai notamment entendu Mme Colette Neuville défendre cette idée, et je me permets de verser à mon tour cette suggestion à nos présents débats.
Il serait donc utile de vous entendre sur ce thème. J'espère que, d'ici au texte que vous nous présenterez dans quelques semaines, cette question aura un peu avancé. Il est à noter qu'un nombre significatif, notamment sur le plan qualitatif, de nos collègues députés sont également très sensibilisés à ce sujet.