Intervention de Philippe Marini

Réunion du 2 mai 2005 à 15h00
Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers — Article 5, amendements 8 2

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général :

Nous touchons à l'aspect le plus intéressant et le plus crucial du présent texte.

Certains d'entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pourront regretter les dispositions de la directive-cadre sur les marchés d'instruments financiers et l'abandon du principe de concentration.

Mais le choix a été fait et il ne sert à rien de pleurer sur le lait versé ! Autrement dit, quand le vin est tiré, il faut le boire !

Par conséquent, l'obligation de transposition s'impose à nous et il nous faut raisonner dans le nouveau contexte qui est désormais le nôtre. A défaut, nous nous placerions à l'extérieur du droit et plus particulièrement du droit communautaire, compte tenu de la hiérarchie des normes et des principes qui régissent aujourd'hui le fonctionnement de l'Union européenne.

Donc je le répète, mes chers collègues, il ne sert à rien de regretter ce qui figure d'ores et déjà dans la directive-cadre.

Certes, beaucoup d'entre nous auraient pu souhaiter une véritable mobilisation sur ce sujet de la part des acteurs du jeu financier en Europe continentale. Mais la vérité est que ces derniers étaient extrêmement divisés, certains grands établissements financiers, français ou continentaux, ayant considéré que leurs intérêts se situaient plus du côté de la vision dite anglo-saxonne des choses que du côté du strict maintien du principe de concentration des ordres sur les marchés réglementés.

Au contraire, sur un autre dossier, celui des normes comptables IAS, ou, nous avons assisté à une mobilisation des acteurs de la communauté financière et bancaire de l'Europe continentale, qui a permis au moins de différer l'adoption de la norme qui semblait la plus dangereuse et propice à une volatilité accrue des valeurs et des cours des entreprises du secteur financier.

S'agissant des marchés d'instruments financiers, ne nous voilons pas la face, il ne s'est pas produit une telle conjonction d'intérêts, une telle expression forte et unie des professions financières de l'Europe continentale.

Les Etats ont fait de leur mieux. A mon avis, ils auraient pu faire encore mieux s'ils avaient reçu le soutien d'une profession unie et inspirée par une vision plus forte des groupes financiers d'Europe continentale.

Aujourd'hui, nous avons une directive-cadre : il faut la transposer. Ensuite, viendront les mesures d'application.

Mes chers collègues, je vous interroge en toute transparence : quelle est la position la plus responsable ? Quelle est la meilleure façon de procéder ? Est-ce celle qui consiste à se voiler la face en attendant que tout soit achevé pour n'avoir plus qu'à ajuster les virgules ? Ou bien est-ce celle, à laquelle le Gouvernement nous invite, qui consiste à prendre acte de ce qui a été décidé, tout en exigeant le respect d'un certain nombre de principes directeurs dans la définition de la transparence ?

La solution de facilité pour le Gouvernement eût certainement été de ne rien faire, de ne pas soulever le problème et d'attendre d'arriver au terme du dispositif de la comitologie.

Or le Gouvernement a estimé que, s'agissant de la transposition de directives d'ordre financier, il lui était impossible de ne pas nous convier à ce débat, ce qui est tout à son honneur, et en particulier au vôtre, monsieur le ministre. Le Parlement est, en effet, susceptible de répondre à votre attente en vous faisant part de ses préoccupations en la matière.

C'est d'ailleurs ce que nous faisons lorsque, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, nous demandons au Gouvernement de tenir compte de nos observations dans les négociations de directives en cours avec nos partenaires européens.

L'amendement n° 8 vise à préciser l'encadrement du champ de l'habilitation et à vous demander, monsieur le ministre, de bien vouloir vous assurer que quatre principes s'appliqueront aux mesures de niveau 2.

Premièrement, il s'agit de préserver la circulation des ordres, en particulier les ordres à cours limité, entre les différents canaux d'exécution, dans un contexte de fractionnement de la liquidité.

Deuxièmement, il s'agit de garantir la protection de l'investisseur le moins expérimenté, c'est-à-dire du particulier, afin d'assurer un traitement équitable des investisseurs, notamment de garantir une application réelle de la règle, figurant dans la directive-cadre, de meilleure exécution des ordres.

Troisièmement, il s'agit de prévoir une définition équitable des dérogations apportées à la transparence prétransaction pour les ordres dépassant « la taille normale de marché ».

On sait que la taille normale de marché est le seuil de référence à partir duquel, au sein des systèmes internalisés, des aménagements à la transparence seront possibles. Il convient de rappeler, à ce stade, que la définition technique de la taille normale de marché est encore en cours d'élaboration par le Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières.

Enfin, quatrièmement, il s'agit de prévenir les conflits d'intérêt au sein des prestataires de services d'investissement, plus particulièrement des internalisateurs systématiques, afin de respecter les exigences de transparence et d'intégrité des marchés.

La commission des finances est convaincue, en son âme et conscience, que, si ces quatre principes sont respectés, la directive-cadre sera acceptable et la transparence et l'équité de fonctionnement de nos marchés financiers pourront être assurées.

Bien entendu, tout cela va se dérouler dans les mois qui viennent et nous sommes certains, monsieur le ministre, que vous porterez une attention toute particulière à ce dispositif.

Par ailleurs, la commission émet bien évidemment un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression n° 3 et 15.

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