Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Monsieur le ministre d'État, je tiens tout d'abord à souligner que je me réjouis de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée. Mais, avant toute chose, j'aimerais vous dire dans quel état d'esprit j'aborde cette discussion.

En réalité, je rejoins les conclusions du Grenelle de l'environnement : je suis pour la liberté de produire et de consommer, avec ou sans OGM. Je suis ainsi favorable à ces derniers, tout en souhaitant le maintien et le développement des agricultures biologique et conventionnelle.

J'estime qu'il est impératif d'avancer et de faire évoluer notre réglementation sur les OGM, ne serait-ce qu'à cause de la contrainte européenne. En effet, la non-transposition de la directive européenne sur les OGM depuis sept ans risque de nous coûter une amende de plusieurs dizaines de millions d'euros...

Au-delà de cet aspect financier, nous ne pouvons négliger l'enjeu scientifique et économique que représentent les OGM.

On fait peser une contrainte lourde sur notre recherche dans le secteur des biotechnologies. Ce secteur, stratégique dans les années à venir, accumule les retards, notamment à la suite des actions menées par des commandos « anti-OGM ». Deux chiffres me semblent, à ce titre, particulièrement révélateurs.

En France, en 2006, toutes espèces confondues, environ 35 essais en plein champ de plantes transgéniques ont été effectués, ne dépassant pas au total quelques hectares. Ce chiffre est en forte diminution depuis quelques années, en raison de la difficulté à expérimenter.

Dans le même temps, aux Etats-Unis, plus de mille dossiers de demande d'expérimentation ont été déposés, dont plus d'un quart émanant d'universités, à des fins de recherche fondamentale. De plus, 61 % des entreprises privées françaises de biotechnologie ont annulé des projets de recherche dans ce domaine depuis 1998. En effet, des laboratoires de recherche, soumis à la pression de l'opinion publique, aux risques de campagnes d'arrachage et à l'hostilité de nombreuses communes limitent d'eux-mêmes leurs programmes. Ainsi, Biogemma, société française de biotechnologies, a décidé, en 2006, de cesser les essais en France pour les concentrer à l'étranger.

Or la promotion des biotechnologies est un facteur crucial d'indépendance nationale. En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau ou d'économie d'azote par exemple, les OGM pourront certainement apporter à l'avenir des réponses, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !

Mais c'est également l'avenir de notre agriculture qui est en cause. L'enjeu est de pouvoir maintenir la compétitivité de l'agriculture européenne face à la concurrence mondiale, alors que les besoins alimentaires vont croître dans de fortes proportions.

À l'heure où la « chimie verte » est en plein développement, il est indispensable de maintenir, voire de développer les rendements agricoles. De plus, alors que le Grenelle de l'environnement vient d'entériner l'objectif de diminution par deux de l'usage des pesticides d'ici à 2012, il faut être réaliste : on ne peut logiquement être opposés à la fois aux pesticides et aux OGM. D'ailleurs, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés, dans son avis sur le maïs Bt MON 810, souligne lui-même que les cultures de maïs Bt ont un impact sur quelques familles d'invertébrés, « ses effets étant toutefois moindres que ceux liés aux traitements insecticides ».

II ne faut donc pas diaboliser les OGM. Est-il crédible de les refuser sur son territoire au vu de notre dépendance en matière d'approvisionnement en oléoprotéagineux ?

L'Union européenne consomme ainsi chaque année 30 millions de tonnes de tourteaux de soja pour alimenter son bétail. Son taux de dépendance s'est d'ailleurs encore accru, depuis l'interdiction des farines animales en 2001, passant de 70 % à 75 %. C'est donc une forme d'hypocrisie que de persévérer à refuser les OGM à l'intérieur de notre pays, alors que nous sommes aujourd'hui contraints d'en importer massivement, en provenance de pays tiers, à des fins d'alimentation animale !

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