Je comprends les inquiétudes légitimes de nos concitoyens ; il faut restaurer leur confiance. En l'état actuel de nos connaissances, l'absence de preuve du risque sanitaire s'accompagne de l'impossibilité de prouver son absence. Quant au risque environnemental, éventuellement associé aux OGM, il est encore plus difficile à appréhender. C'est pourquoi il est important de garantir la coexistence des filières.
Le Grenelle de l'environnement instaure un droit à cultiver avec ou sans OGM. Cela signifie bien que chaque type de culture est possible et que l'une ne doit pas se faire au détriment des autres. Cette conclusion rejoint la position de la Commission européenne, qui a édicté comme règle générale de la coexistence entre types d'agriculture : « permettre à chaque agriculteur de choisir le mode de production qu'il souhaite, qu'il soit biotechnologique, conventionnel ou biologique ». Vous avez insisté tout à l'heure sur ce point, monsieur le ministre.
En outre, au terme du Grenelle de l'environnement, la France s'est fixée l'objectif ambitieux de porter à 6 % la part de la surface agricole utile, SAU, engagée dans un mode de production biologique d'ici à cinq ans et vise les 20 % en 2020. Dès le 12 septembre dernier, Michel Barnier a lancé le plan d'action « agri-bio : horizon 2012 », établissant l'objectif de un million d'hectares cultivés en bio.
Le Grenelle a ajouté 500 000 hectares complémentaires. Or cet objectif n'est pas réaliste sans un encadrement strict des cultures OGM. C'est l'existence même de l'agriculture biologique qui sera remise en cause si nous n'instaurons pas un strict encadrement des cultures OGM.
La réglementation européenne stipule, en effet, que « les denrées alimentaires contenant des OGM ne pourront pas bénéficier de l'étiquetage réservé aux produits biologiques, hormis ceux qui contiennent jusqu'à 0, 9 % d'OGM pour cause de contamination accidentelle ». Les risques de contamination involontaire existent : semences, pollinisation croisée. Le Grenelle a réaffirmé le droit à cultiver avec ou sans OGM. À nous de permettre l'effectivité de ce droit, en protégeant des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si, d'aventure, les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.
L'exemple allemand me semble tout particulièrement éclairant et instructif à cet égard. En effet, notre voisin est très en avance sur nous dans la transposition des directives européennes puisque, dès 2004, une loi fixait un cadre juridique pour la coexistence des cultures tout en prévoyant un régime de responsabilité strict fondé sur le principe du pollueur-payeur.
Après deux ans d'application de cette loi, le gouvernement allemand a élaboré un nouveau texte, qui a déjà été adopté par le Bundestag et qui devrait l'être par le Bundesrat le 15 février prochain. Ce texte comprend un volet spécifique relatif à la coexistence des cultures grâce à la mise en oeuvre de distances minimales pour la culture de plantes génétiquement modifiées. Ainsi, si un agriculteur décide d'utiliser des semences génétiquement modifiées, il sera tenu d'en informer ses voisins au moins trois mois avant les semis, par écrit et en précisant leurs droits et recours.
Par ailleurs, la distance minimale requise pour la culture du maïs sera de 150 mètres face à des cultures conventionnelles et de 300 mètres face à des cultures biologiques. Certes, cet outil prend en compte les spécificités de l'agriculture dans les ex-länder de l'Est, où les exploitations sont de très grande taille. Toutefois, une telle disposition est de nature à rassurer une opinion publique très réservée sur les OGM.
Autre innovation de ce projet de loi, la meilleure prise en compte des intérêts de la recherche. Les chercheurs se verront accorder des assouplissements importants, notamment pour les travaux en laboratoire et les expérimentations contrôlées en plein champ. Les procédures seront simplifiées, le nombre de documents à produire pour obtenir l'autorisation de mener des recherches et les délais seront réduits.
Pour moi, cette loi a valeur de modèle, car elle fait la jonction entre le nécessaire soutien à la recherche - vous y avez beaucoup insisté tout à l'heure, messieurs les ministres -, la transparence indispensable sans laquelle aucune culture OGM ne doit être envisagée et la coexistence des cultures, notamment la protection des cultures bio.
Mais c'est surtout le volet relatif à la coexistence des cultures qui me semble primordial. Sans être un intégriste de l'agriculture biologique, j'estime qu'il est incontestable que ce mode de culture répond aux attentes d'un grand nombre de nos concitoyens. Il faut donc le préserver. À quoi bon prendre des engagements lors du Grenelle de l'environnement si nous remettons tout en cause quelques mois plus tard ? Comment être encore crédibles auprès de nos concitoyens ?
C'est bien sur ces sujets, qui concernent tout un chacun, que nous devons être le plus irréprochables. Il est nécessaire de rassurer les consommateurs qui ne comprennent pas, après les termes choisis par le Comité de préfiguration de la Haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dans son avis sur le maïs BT 810, que l'on puisse seulement débattre des OGM au Parlement.
Il est nécessaire de rassurer les agriculteurs bios, qui craignent pour leur survie. Et comment ne seraient-ils pas inquiets devant les tergiversations et les différences de vues évoquées au sein des milieux les mieux informés et, nous l'espérons, les plus objectifs ?
C'est pourquoi j'ai déposé un amendement, fondamental à mon sens, qui reprend, en tenant compte de la géographie et de la situation française, les distances de protection prévues dans le projet de loi allemand, à savoir, pour le maïs, 100 mètres pour les cultures conventionnelles et 300 mètres pour le bio.
Ces chiffres n'ont pas été choisis au hasard ; ils ont été fixés sur la base d'expertises scientifiques et devraient prévenir à peu près totalement la pollinisation et la contamination des cultures traditionnelles par les OGM.
Par ailleurs, ces espacements pourront être révisés et diminués, suivant les avancées scientifiques. Certes, le développement des OGM pourrait être légèrement ralenti dans les premières années d'application de cette loi, du fait de ces distances de sécurité. Mais, passez moi l'expression, le jeu n'en vaut-il pas la chandelle ?
S'agissant des semences de maïs, on ne peut pas dire - et je parle en connaissance de cause ! - que l'isolement a diminué les surfaces des cultures, y compris dans le Sud-Ouest. Les agriculteurs savent très bien s'arranger ! Mieux vaut aller plus lentement, mais avancer sur ce dossier en permettant de faire évoluer les mentalités grâce à une transparence maximale, à la poursuite d'expérimentations, à la publication des résultats scientifiques et à la réalisation d'actions d'information vigoureuses.
Enfin, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production - récolte, stockage, transport... -, et à faire des parcs naturels des zones sans OGM.
J'espère, messieurs les ministres, madame le secrétaire d'État, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes pour tous.
Enfin, pour conclure, je veux croire que l'État s'attachera à mettre en place un véritable soutien à la recherche publique - j'ai été rassuré tout à l'heure -, afin que nous puissions développer à terme nos propres semences OGM, dont nous aurons contrôlé le process ainsi que les effets.
De même, nous ne pouvons faire l'économie à très court terme d'une campagne de communication de grande ampleur, afin d'informer correctement les consommateurs sur les OGM.
Je ne terminerai pas sans remercier et même féliciter notre rapporteur, même si je n'approuve pas tous les points qu'il a évoqués !