Intervention de Jean-François Le Grand

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-François Le GrandJean-François Le Grand :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aborder comme il convient ce projet de loi, je voudrais d'abord vous livrer trois observations préalables.

Notre action législative se situe dans le droit fil de la transposition par décret d'une directive européenne, mais nous devons aller au-delà de ce simple exercice, puisque, entre 2006 et aujourd'hui, est intervenu un événement assez exceptionnel, le Grenelle de l'environnement.

Cet exercice, voulu par le Président de la République, organisé par vous-mêmes, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, a permis - chose exceptionnelle - aux différentes composantes de la société, Parlement compris, d'échanger sur des sujets extrêmement complexes, a priori conflictuels. Le Grenelle de l'environnement a abouti à des réflexions riches, des propositions souvent consensuelles et concrétisées après une ultime table ronde de concertation par des engagements fondamentaux pris par M. le Président de la République lui-même.

Ce sont autant d'obligations de prendre à notre compte une recodification de la société fondée sur ces mêmes engagements. Le projet de loi OGM n'échappe pas à cette ardente obligation. Ils prendraient une lourde responsabilité, ceux qui auraient envie d'étouffer la dynamique du Grenelle de l'environnement et de la réduire à une sorte de gadget médiatico-politique.

Ma deuxième observation se situe dans le droit fil de la première. Kyoto, Johannesburg, Bali et le Grenelle de l'environnement lui-même réaffirment avec force que l'on sait désormais qu'il ne sera plus possible de vivre selon des modèles que l'homme a mis en oeuvre depuis les débuts de l'ère industrielle. La planète a des limites qui ne doivent pas être franchies, sauf à condamner l'humanité à disparaître.

Nos comportements économiques industriels et individuels contribuent à développer des situations telles que l'augmentation de la pollution, la consommation excessive de ressources naturelles ou encore le réchauffement climatique.

On sait que, face à ces dangers, outre les changements profonds d'attitude, la biodiversité est la clé de voûte de la capacité de la planète à maintenir, voire à rétablir l'équilibre de l'écosystème dont l'homme fait partie. Or la biodiversité s'est dégradée dangereusement au cours des cent dernières années et se dégradera quatre fois plus vite d'ici à 2050 si aucun changement de nos modes de vie n'intervient. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit tout à l'heure notre collègue Pierre Laffitte, qui, à cet égard, a rédigé avec Claude Saunier un rapport d'une très grande qualité.

Cela veut donc dire que, à chaque fois que le sujet s'y prêtera, nous aurons le devoir de légiférer ou de codifier notre société en fonction de ces impératifs. Le projet de loi OGM s'inscrit totalement dans cette perspective. La recherche, dans ce domaine, des effets possibles sur la biodiversité doit être fortement intensifiée. Le Gouvernement a affecté, tout le monde l'a rappelé et s'en réjoui, 45 millions d'euros supplémentaires à la recherche ; il serait utile qu'une partie de ces crédits soit orientée vers une étude des effets que pourraient éventuellement avoir les OGM sur la biodiversité.

Ma troisième observation se veut raisonnablement optimiste. Nous avons, pour contrôler notre évolution, celle qui va vers la dégradation de la planète, deux grandes voies à emprunter.

La première, c'est la recherche. Cela a été dit et répété, et je le répéterai autant qu'il le faudra, quelles qu'aient pu être ici ou là un certain nombre d'expressions diverses et variées. La recherche est la clé de solutions nouvelles innovantes permettant de répondre aux défis.

La seconde concerne nos comportements individuels et économiques eux-mêmes. Nous devons nous contraindre à comprendre que, si les éléments de solution sont sans doute européens et mondiaux, ils résident aussi dans nos choix individuels et professionnels. C'est l'illustration du « penser global et agir local ».

En résumé, à chaque fois que se présenteront devant nous soit une décision à prendre, soit une organisation à mettre en oeuvre, nous ne pourrons pas échapper à cette question : notre solution est-elle bonne pour l'homme et son avenir, ou bien ne s'agit-il que d'une solution de court terme prenant en compte sans doute des intérêts économiques avec des bénéfices financiers immédiats pour quelques-uns, mais s'opposant à l'action de long terme exigée par le développement durable, au sens le plus lourd et le plus large du terme ?

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces trois réflexions, je me devais de les exprimer en préalable, fort de l'expérience des derniers mois écoulés. Cette expérience, que j'ai vécue parfois difficilement, parfois bien seul, parfois avec le sentiment d'avoir commis l'irréparable, m'a sans doute fortifié, même si elle m'a aussi souvent blessé.

C'est en effet dans cet esprit que je me suis engagé et que j'ai accepté de présider, comme la responsabilité m'en avait été confiée par le Gouvernement, le groupe de travail du Grenelle de l'environnement consacré à la biodiversité, ainsi que, accompagné de Marie-Christine Blandin, Laurence Tubiana et Alain Grimfeld, de l'intergroupe consacré à la problématique des OGM.

C'est dans cet esprit que j'ai présidé, à la demande des cinq ministres concernés, le Comité de préfiguration d'une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés dont l'une des missions a consisté à faire un état des lieux des connaissances scientifiques, conforté par une analyse économique, éthique et sociétale sur la mise en culture du maïs Monsanto 810. C'est aussi parce que cette confrontation était nouvelle qu'il y a eu tant de confusion.

C'est dans cet esprit que j'aborde le projet de loi sur les OGM, que je présenterai des amendements visant à le mettre en conformité avec les enseignements des travaux du Grenelle de l'environnement et à le rendre compatible avec ce que j'ai pu vivre ces derniers mois.

Ces trois temps de l'action et de la réflexion m'amènent, m'obligent, même, à m'exprimer sur le fond du projet de loi et à faire quelques observations qui me paraissent nécessaires. Et, dans cet exercice, je veux une fois encore être l'interprète de l'état d'esprit du Grenelle de l'environnement.

Première observation : il convient de dissocier le vote de ce projet de loi de l'activation de la clause de sauvegarde. Le projet de loi nous oblige à légiférer au fond, alors que l'activation de la clause de sauvegarde est un acte particulier et ciblé.

La problématique particulière de chaque OGM ou PGM - évitons, cela a été dit, l'amalgame trop fréquent entre organismes et plantes génétiquement modifiés - ne peut, à l'évidence, être traitée qu'au cas par cas.

Il en résulte que la loi, elle, doit établir un code et une définition des principes fondamentaux, lesquels serviront de cadre aux réponses cas par cas.

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