Intervention de Jean-François Le Grand

Réunion du 5 février 2008 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-François Le GrandJean-François Le Grand :

Les conclusions finales de la commission sont attendues pour le mois d'avril prochain. On peut lire dans une dépêche, je le dis avec un humour empreint d'une certaine tristesse, que « compte tenu du projet de rapport final qui n'est pas tendre avec les OGM et avec les pratiques de propriété industrielle dans le domaine des semences, trois grandes entreprises des secteurs des biotechnologies ont claqué la porte des Nations unies ».

Quels que soient les niveaux, les mêmes causes semblent produire les mêmes effets. Je vous laisse le soin de méditer sur certains parallélismes. C'est là que s'arrête l'humour.

Pour répondre à la question, fondamentale, posée par cette organisation, celle de savoir si les OGM sont une « solution pour l'alimentation de l'humanité », il faut, à tous les niveaux de responsabilités - et ce fut à chaque instant mon attitude - tout autant s'écarter de ceux qui alimentent les peurs collectives que de ceux qui semblent bardés de certitudes.

Lorsque nos connaissances sont insuffisantes, il faut intensifier la recherche. C'est la direction que j'ai indiquée à l'issue des travaux du comité de préfiguration. C'est la sage réflexion de Mme la ministre de la recherche, et je la soutiens sans réserve. Le Gouvernement a eu le courage de choisir cette voie. Il faut sans cesse promouvoir la recherche. C'est la seule voie qui nous conduira, peut-être, à la raison.

Troisième observation : l'intergroupe OGM du Grenelle de l'environnement a clairement identifié une logique. Tout d'abord, il est absolument nécessaire de rendre toute sa force à la connaissance. Ensuite, il faut organiser la gouvernance de cette connaissance afin qu'elle ne soit confisquée par personne. Enfin, il faut définir les principes de la gouvernance.

Je suis heureux de constater que le présent projet de loi respecte cette logique, tant sur le fond que sur la forme. La connaissance ne peut qu'être le résultat de recherches et d'expertises sans cesse remises sur le métier, n'excluant aucune des disciplines concernées par les techniques transgéniques, jusques et y compris, je ne le répéterai jamais assez, en évaluant leurs effets possibles sur la biodiversité.

Ces recherches et expertises ne doivent pas, non plus, être « monodirectionnelles », monsieur le ministre de l'agriculture. En matière agronomique, par exemple, elles doivent s'accompagner de recherches sur des solutions alternatives. Je sais que vous êtes en accord avec cette démarche et mon propos n'a d'autre ambition que de vous apporter mon soutien.

J'ai lu dans un grand quotidien du soir en date du 19 janvier dernier que des chercheurs américains avaient réussi à élaborer un maïs adapté aux conditions climatiques subsahariennes, sans aucune manipulation transgénique, seulement en exacerbant les caractères existants dans la plante originelle. Cet exemple illustre la nécessité de mener des recherches dans d'autres directions que la seule modification transgénique des organismes. C'est une obligation que nous ne devons pas ignorer.

En ce qui concerne la gouvernance, l'intergroupe avait proposé la création d'une haute autorité, mais j'approuve la commission des affaires économiques, qui a préféré le concept d'un haut conseil, et j'accompagnerai cette proposition.

L'organisation de la gouvernance doit cependant répondre à la nécessité de confronter l'expertise scientifique et les expertises économiques, éthiques et sociétales. C'est un temps incontournable. C'est probablement là que se situe la meilleure lecture sociétale que nous pourrons avoir de l'ensemble de la problématique « OGM /PGM ». C'est là que l'on pourra faire disparaître les peurs qui s'organisent ou se développent. C'est là que nous pourrons commencer de restaurer la raison dans un domaine qui est devenu passionnel hors de toute raison.

Pourquoi se priver de cette concertation, alors même que les conséquences d'une décision sur un sujet aussi important vont s'appliquer à des méthodes de production, à des modes de consommation et à une population qui exigent - l'unanimité du Grenelle de l'environnement en est une expression - une telle analyse ?

Afin de ne pas être trop long, j'approfondirai le principe de responsabilité lors de la discussion des amendements. La loi doit éclaircir l'exercice des responsabilités. On prétend que les assureurs ne sont pas prêts à le faire. Encore faudrait-il leur indiquer quels sont les risques assurables. Ils existent, et pas seulement pour la culture de plein champ. Ce sont là des sujets sur lesquels il faudra travailler.

Lors de la tenue du Grenelle de l'environnement, Mme Laurence Tubiana a suggéré la tenue d'un sommet européen sur les biotechnologies. Outre le fait d'harmoniser les connaissances, un tel sommet pourrait être l'occasion de procéder aux réactualisations des protocoles d'évaluation des OGM. En effet, bien que la science ait progressé, les mêmes questions sont posées depuis dix ans. Il s'agit d'un aspect fondamental, monsieur le ministre de l'agriculture.

Il faut aussi que l'Europe se distingue dans un monde multipolaire afin d'organiser une agriculture durable à l'européenne qui nous permettre de ne plus être des suivistes. On a dit et répété de quel poids pèsent sur nous la problématique de l'OMC et certaines grandes puissances. L'Europe a la chance et la possibilité de déterminer une ligne particulière, originale, qui lui soit propre. Si elle y parvient, cela limitera sa dépendance.

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