Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 14 janvier 2010 à 9h00
Application de la loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs et son périmètre de missions.

Les élus locaux ne la réclamaient pas non plus. Ils redoutaient surtout – leurs craintes étaient fondées – d’avoir à faire face, du fait de la révision générale des politiques publiques, à des suppressions de brigades, lesquelles suscitent le mécontentement des populations, qui éprouvent alors un sentiment d’insécurité.

Ces réductions d’effectifs – 1 300 emplois seront supprimés dans les gendarmeries en 2010 – conduiront inéluctablement à une diminution de la présence de la gendarmerie dans les zones rurales. Elles laissent présager un démantèlement progressif de ce service public de sécurité intérieure.

Au-delà des réductions d’effectifs, la refonte de la carte des zones de compétence entre la police et la gendarmerie me semble s’effectuer concrètement au détriment de la gendarmerie.

Ainsi, M. le ministre souhaite étendre les polices d’agglomération à Marseille, à Lyon et à Paris, sur le modèle lillois, bien que cette nouvelle structure ait à Lille suscité le mécontentement tant des policiers et des gendarmes que des élus locaux de toutes appartenances politiques. Un rassemblement de fonctionnaires de police est d’ailleurs prévu aujourd’hui même devant la préfecture du Nord.

Cet été, les cinq maires de mon département qui dépendent de la brigade de Quesnoy-sur-Deûle, Frelinghien, Warneton, Verlinghem et Deûlémont vous ont écrit pour protester d’avoir appris par la presse le transfert en secteur de police de leurs communes situées actuellement en zone de gendarmerie. On a bien tenté de les rassurer en leur répondant que ce transfert n’était pas opportun dans l’immédiat, mais l’absence de concertation en amont est révélatrice d’intentions inavouées. Elle ne peut que conforter ceux qui, comme moi, estiment que, à terme, cette loi aboutira à la fusion de nos deux forces de sécurité.

Une autre conséquence concrète de la loi est la mutualisation des moyens de la gendarmerie et de la police. Ainsi 90 % des marchés d’armement sont-ils mutualisés. Les équipements, l’entretien et la réparation automobile le sont également, de même que sont combinés les ateliers de soutien des deux forces. Il en va de même dans le domaine de la formation des unités chargées du maintien de l’ordre, policiers et gendarmes pouvant être formés dans les mêmes centres. Dans le domaine des systèmes d’information et de communication, une réflexion sur l’unification des matériels et des systèmes est également engagée.

Cette rationalisation n’est pas une mauvaise chose en soi, mais elle créera à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront aussi à faire disparaître l’identité de chaque force. La mutualisation des moyens et le rapprochement institutionnel ne peuvent que créer des conflits entre les deux institutions.

À cet égard, les moyens octroyés à la gendarmerie dans la dernière loi d’orientation ont été de 20 % inférieurs aux prévisions alors que ceux de la police nationale étaient, eux, bien supérieurs. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur risque donc de tourner à la mise en concurrence des deux forces.

Enfin, dans la réalité du terrain, les gendarmes ont l’impression de n’avoir plus que les inconvénients du statut militaire, sans en avoir les avantages. On espère sans doute de cette façon que les gendarmes en viendront eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire.

En outre, la coexistence au sein d’un même ministère de deux systèmes, la représentation syndicale pour les policiers et la concertation propre aux militaires pour les gendarmes, incitera tôt ou tard, de facto, les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts.

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