Monsieur le ministre, votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, d’ailleurs présente ici il y a quelques instants, a été – malgré elle, serais-je tenté d’ajouter – la cheville ouvrière de cette loi. Vous en avez hérité et je ne suis pas sûr que vous ayez fait une bonne affaire ! Vous nous donnerez votre sentiment à ce propos dans quelques instants.
La finalité de cette loi était de rapprocher - c’est là un euphémisme - la gendarmerie de la police nationale, sous couvert de rationalisation, d’efficacité et de complémentarité, tout cela dans le cadre de la fameuse révision générale des politiques publiques.
Nous avions eu à l’époque l’occasion de nous exprimer également sur ce sujet inévitablement lié au fonctionnement de la gendarmerie et à sa vocation.
Il y a six mois de cela, nous avons voté contre ce texte. Il est temps à présent de tirer un premier bilan de son application. Même si certains orateurs ont expliqué que la période de six mois était un peu courte pour tirer un premier bilan, j’ai cru comprendre que l’application de cette loi avait été engagée dès le 1er janvier 2009.
C’est l’objet de la question qui vous est aujourd’hui posée par le groupe socialiste du Sénat.
Cette réforme entre, à notre sens, dans le cadre plus vaste d’une fragilisation des services publics, qui se traduit pêle-mêle, singulièrement dans le milieu rural, par une litanie de suppressions touchant tant les tribunaux que la présence postale et aujourd’hui la gendarmerie, tout cela au nom de la rigueur et des économies budgétaires dont on est en droit de se demander si elles peuvent être compatibles avec le principe de sécurité, comme on peut du reste se demander si elles le sont avec les exigences de santé publique.
Cette réforme met en danger un équilibre qui reposait auparavant sur deux forces, la police nationale et la gendarmerie, et porte atteinte à l’identité du corps militaire qu’est la gendarmerie.
Comme l’a fort bien expliqué ma collègue Virginie Klès, le parti-pris idéologique qui a guidé la RGPP fragilise au jour le jour une institution qui a mis plusieurs siècles à aboutir et qui, au moment où je m’exprime, est appréciée par l’ensemble des Françaises et des Français parce qu’elle remplit des fonctions qui inspirent non seulement le respect mais également la confiance.
Déjà, lors de la discussion du projet de loi, le groupe socialiste avait émis de sérieux doutes quant aux véritables motivations du Gouvernement. C’est ainsi qu’en juillet 2009 il dénonçait l’absence d’une analyse sérieuse des spécificités et complémentarités de nos forces de sécurité qui aurait été à même d’éclairer de manière pertinente la rédaction de ce projet de loi.
Il eût été nécessaire de prévoir la consultation au moins des élus locaux, interlocuteurs privilégiés dans ce domaine puisqu’ils se situent à l’interface des services de l’État, de la gendarmerie et bien entendu des citoyens de ce pays.
Tout cela n’a pas été fait et la conclusion à laquelle nous aboutissions alors, avant même l’adoption de cette loi, et qui se vérifie chaque jour davantage, est que le Gouvernement a pour volonté de constituer au plus vite une force unique de sécurité qui sera à terme placée sous l’autorité civile de l’exécutif.
À l’époque, nous nous interrogions en ces termes : pourquoi engager cette réforme, alors que personne ne met en doute la pertinence de la gendarmerie, même si, il est vrai, après plus de deux siècles d’existence, son fonctionnement méritait d’être toiletté et ses moyens renforcés pour plus de performance.
Par conséquent, une telle réforme procède, de notre point de vue, d’un mouvement dangereux tendant à faire sauter la protection que représentaient, pour les institutions de la République et les Français, la chaîne de commandement, la hiérarchie militaire et le système des réquisitions.
Nous sommes plus de six mois après les débats, et les craintes qui avaient été exprimées à l’époque par le groupe socialiste nous semblent malheureusement en voie de confirmation.
La mutualisation des forces de sécurité, qui tend à être banalisée et accrue, aboutirait à un rapprochement fusionnel de la police et de la gendarmerie et elle conduirait mécaniquement à une disparition progressive du statut militaire de cette dernière, qui se trouve déjà en difficulté.