Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord évoquer la tragédie qui frappe Haïti, où, comme vous le savez, un séisme de forte magnitude a dévasté toute la partie ouest de l’île.
De très nombreux bâtiments se sont effondrés ou ont été fortement endommagés, et nous déplorons de très nombreuses victimes. Nous sommes actuellement sans nouvelle d’environ 200 ressortissants français.
Je partage l’inquiétude de la gendarmerie pour deux gradés qui servaient en Haïti sous la bannière de l’ONU et dont nous sommes sans nouvelle, comme me l’a rappelé ce matin le général Gilles.
J’ai naturellement demandé que le maximum de moyens disponibles soient acheminés le plus rapidement possible sur place afin que nous puissions contribuer aux recherches et aux secours.
Dans ce cadre, je précise en préambule à la Haute Assemblée que des renforts comprenant trente-six gendarmes, pour sécuriser et éviter les débordements, les excès, les pillages et les atteintes diverses pouvant survenir lors de drames de cette nature, et soixante pompiers ont été acheminés immédiatement à partir de la Martinique. Quatre détachements d’environ soixante-dix hommes comprenant des pompiers et des gendarmes sont également envoyés à partir de la métropole. Deux détachements sont déjà arrivés sur place.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’occasion qui m’est offerte aujourd’hui de pouvoir m’exprimer devant la Haute Assemblée sur la situation actuelle de la gendarmerie nationale ainsi que sur les perspectives d’évolution ouvertes par la loi du 3 août 2009.
Autant le dire tout de suite, cela ne surprendra personne, je partage l’avis Mme Gisèle Gautier et de MM. Jean Faure et Joseph Kergueris : il est encore beaucoup trop tôt pour dresser un bilan.
Je suis le premier motivé par l’établissement d’un bilan, mais encore faut-il laisser passer un peu de temps pour pouvoir mesurer les effets, apprécier les correctifs et les améliorations à apporter, s’il y en a, et estimer les aspects positifs.
J’observe que le législateur a souhaité que le Gouvernement effectue, au bout de six mois, un bilan des textes d’application de toutes les lois promulguées.
S’agissant plus particulièrement de la loi relative à la gendarmerie, j’ajoute qu’un rapport spécifique doit être publié tous les deux ans, en plus des points qui seront évidemment faits lors de chaque discussion budgétaire.
Puisque les clauses de rendez-vous existent déjà, il aurait été peut-être opportun d’attendre les échéances normales, sans compter qu’à force de faire des bilans nous risquons d’en oublier l’objectif.
Cela étant, j’ai bien entendu les observations que vous avez faites et que Jean-Marie Bockel m’a rapportées il y a quelques instants. Elles témoignent toutes de notre attachement commun à la gendarmerie nationale.
Un des hommages que je rends régulièrement à la gendarmerie est de savoir s’imprégner du tissu local, de nouer avec les élus locaux des liens personnels forts. C’est le talent de la gendarmerie que de savoir le faire avec autant d’habileté et d’efficacité.
Sur toutes les travées, vous avez manifesté votre volonté de pérenniser et de conforter une institution qui assure avec efficacité et proximité un service public de sécurité.
En revanche, je m’inscris en faux contre les allégations et les insinuations formulées à l’encontre du Gouvernement concernant l’avenir de cette institution.
Je n’ai pas à douter a priori de la sincérité des uns et des autres, notamment de M. Mirassou, mais je ne peux pas partager leurs inquiétudes !
Conformément aux orientations du Président de la République, nous avons mis en œuvre une architecture rénovée de la sécurité, dans le respect de l’identité des deux forces, gendarmerie et police nationales. M. le président de Rohan a évoqué les déclarations de mon prédécesseur Michèle Alliot-Marie : à aucune étape de la discussion, vous n’avez entendu dans sa bouche le mot « fusion ». Quand j’ai pris mes fonctions de ministre de l’intérieur, j’ai poursuivi la discussion de ce projet de loi devant l’Assemblée nationale et pas une seule fois je n’ai évoqué la fusion : au contraire, j’ai toujours précisé qu’il s’agissait de maintenir deux entités distinctes.
Puisque Mme Klès parlait de méthode, je souhaiterais rappeler d’abord d’où nous venons, pour vous exposer ensuite vers où nous allons et comment.
La loi du 3 août 2009 est une loi importante, elle constitue la première réforme d’envergure pour la gendarmerie depuis deux siècles : M. Jean Faure a rappelé le caractère historique de ce texte, je n’y reviens donc pas. Depuis 2002, la gendarmerie était placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour ses missions de sécurité intérieure. Depuis mai 2007, les ministères de l’intérieur et de la défense définissaient conjointement ses moyens budgétaires, et la loi de finances pour 2009 a placé le programme « Gendarmerie » sous l’unique responsabilité du ministre de l’intérieur. Mais il restait à régler la question du rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Nous sommes donc allés au bout de cette logique et ce rattachement a été réalisé : comme vous le savez, et comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a quelques instants, lors d’une présentation à la presse, depuis le 23 novembre 2009, le directeur général de la gendarmerie nationale et son cabinet sont installés au ministère de l’intérieur, place Beauvau.
Il était essentiel de conduire cette réforme sans porter atteinte à ce qui constitue l’identité de la gendarmerie et il fallait donc, pour dissiper tout malentendu, réaffirmer clairement le statut militaire de cette institution. J’ajoute que cette évolution s’inscrit dans le mouvement plus global de la modernisation de l’État territorial et, par voie de conséquence, du ministère de l’intérieur.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur répond d’abord à une exigence d’efficacité. N’oublions pas que nos compatriotes n’entrent pas dans ces détails d’organisation, mais nous demandent tout simplement d’assurer leur protection. Ils expriment une attente d’autorité, de protection, de justice et nous devons donc réfléchir au meilleur moyen de répondre à cette triple attente. Je pense que cette initiative apporte une réponse, en nous permettant de nous adapter en permanence, dans nos modes d’action et dans notre organisation.
Chacun en sera d’accord, une plus grande efficacité suppose d’abord une meilleure cohérence dans l’utilisation des moyens. C’est pour cette raison que ce rapprochement s’est imposé comme une nécessité, dont je suis convaincu qu’elle sera démontrée : je vous donne rendez-vous dans quelque temps. Les mutualisations entre la police et la gendarmerie améliorent l’efficacité opérationnelle tout en diminuant les coûts, sans pour autant conduire à la fusion de nos deux institutions.
J’ai bien entendu, naturellement, vos interrogations portant sur les effectifs, mesdames, messieurs les sénateurs. Cet argument est recevable, mais permettez-moi de vous faire part de deux réflexions.
Premièrement, notre pays a créé un million d’emplois dans les services publics depuis vingt ans. Croyez-vous sincèrement que ce processus peut continuer indéfiniment ? La France est certes une grande puissance, mais elle est touchée, comme tous les autres pays, par une crise très importante : pensez-vous que nous pourrons continuer à créer toujours davantage d’emplois dans les services publics ?