Intervention de André Lardeux

Réunion du 14 janvier 2010 à 15h00
Création des maisons d'assistants maternels — Adoption d'une proposition de loi

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Les « avantages uniques » des maisons d’assistants maternels, pour reprendre l’expression qu’a utilisée Jean Arthuis, ont été parfaitement rappelés par celui-ci, après qu’ils eurent été fort bien analysés par notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport paru à la fin du printemps dernier. Certains d’entre nous en ont eu, en outre, une illustration particulièrement parlante lors de la visite qu’ils ont pu effectuer en Mayenne. Même si nous pouvions avoir des analyses plus ou moins divergentes, ce déplacement s’est tout de même révélé très convaincant.

Personne ne contestant l’intérêt de la formule, je concentrerai mon propos sur les apports juridiques de la proposition de loi, qui sont de trois ordres.

Il s’agit, premièrement, de sécuriser la délégation d’accueil. Toutes les assistantes maternelles que nous avons rencontrées, en Mayenne ou lors des auditions que nous avons menées, l’ont souligné : elles doivent avoir la possibilité de se déléguer entre elles, bien évidemment avec l’autorisation des parents, l’accueil des enfants pour que les regroupements puissent fonctionner. Cette faculté n’est pas totalement nouvelle puisqu’elle est déjà prévue pour les accueillants familiaux. En réalité, avec ce texte, nous ne faisons qu’étendre la formule aux assistantes maternelles. Les règles précises de la délégation que nous proposons ont reçu le soutien non seulement des associations et des syndicats d’assistantes maternelles, mais aussi de la direction générale du travail et des assureurs, notamment d’AXA.

En effet, la commission ayant réfléchi et consulté les différents acteurs sur le sujet, depuis que Jean-Marc Juilhard a attiré son attention sur ce thème en juin dernier, elle a réussi à trouver une solution juridique consensuelle, sécurisante pour tous, qu’il s’agisse des enfants, des parents ou des assistantes maternelles.

J’ajouterai une précision concernant cette délégation, à destination de nos collègues conseillers généraux ou présidents d’un conseil général : les maisons d’assistants maternels, Jean Arthuis l’a dit, existent déjà dans quarante-deux départements, représentatifs de toutes les sensibilités politiques. Or, même dans les rares maisons qui ont signé la convention de la CNAF, la délégation d’accueil se pratique sans base juridique solide. Actuellement, en cas de problème, la responsabilité des départements pourrait donc être mise en cause.

La proposition de loi permettra d’apporter une sécurité juridique aux conseils généraux : si le texte est adopté, la délégation d’accueil bénéficiera d’un fondement légal, qui protégera les présidents des conseils généraux en cas d’accidents, bien que les risques semblent bien moindres dans la formule de regroupement que dans la garde à domicile. Cet aspect explique sans doute que sept des cosignataires de la proposition de loi président un conseil général.

Il s’agit, deuxièmement, de résoudre la question de la responsabilité civile au sein des maisons d’assistants maternels. Il nous a fallu répondre à ces deux interrogations tout à fait classiques : qui est responsable en cas de dommage ? Sur quel fondement ?

Là aussi, après avoir longuement consulté les assureurs et les services du ministère de la justice, il nous est apparu que le plus simple et le plus sécurisant était d’appliquer le principe général de la responsabilité civile, en vertu duquel « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Sur ce point également, nous ne faisons donc que recourir à ce qui existe déjà pour consolider un dispositif innovant et apporter des réponses claires aux interrogations. En cas de dommage, l’assistante maternelle responsable sera celle qui assure, que ce soit sous forme directe ou sous forme déléguée, l’accueil de l’enfant. Celui qui accueille est celui qui est responsable : quoi de plus connu et de plus sécurisé ?

Il s’agit, troisièmement, de régler la question de l’opportunité d’une convention encadrant les regroupements. Je ne reviendrai pas sur l’épisode malheureux de la convention de la CNAF : nous en avons déjà débattu et tout le monde, me semble-t-il, reconnaît aujourd’hui que ce document est inapplicable, du moins dans sa forme actuelle.

La question qui se pose est la suivante : à partir du moment où la loi organise en détail le fonctionnement des maisons d’assistants maternels, comme le prévoit ce texte, pourquoi faudrait-il en outre imposer une convention ? Autant cela peut se justifier lorsque la loi se contente d’autoriser les maisons sans en définir les modalités, autant on a du mal à comprendre l’utilité d’un tel document lorsque la loi encadre déjà de manière précise le dispositif.

Le directeur général de l’action sociale lui-même nous a confirmé, lors de son audition, que la convention, si le texte était adopté, n’ajouterait rien au droit et n’apporterait aucune garantie ou sécurité supplémentaires.

Au contraire, le fait d’imposer une convention reviendrait à donner aux communes un moyen de pression sur les assistantes maternelles, qui pourrait être utilisé, par exemple, à des fins socialement discriminantes. Sur ce sujet, c’est la loi républicaine qui peut et doit protéger les assistantes maternelles de la tentation d’ingérence de certaines collectivités.

Pour conclure, vous me permettrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, de formuler deux remarques.

La première concerne la politique générale de la petite enfance, dans laquelle s’inscrit ce texte. Certains syndicats, ceux des personnels de crèches, notamment, considèrent que les maisons d’assistants maternels ne sont en réalité que des crèches au rabais, qui préparent le désengagement de l’État en matière de politique de la petite enfance. Je tiens à les rassurer : la dernière convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF prévoit une augmentation des aides de l’État en faveur de la construction et du fonctionnement des crèches de plus d’un milliard d’euros. D’ici à la fin de l’année 2012, notre pays devrait bénéficier de plus de 60 000 places de crèches supplémentaires. §Il est donc difficile de convaincre en évoquant un désengagement !

Surtout, il faut le redire, les maisons d’assistants maternels n’ont pas pris et ne prendront pas la place des crèches : en effet, elles ne se développent précisément que sur les territoires où il n’y a pas et où il n’y aura jamais de crèches. Les communes rurales de Loire-Atlantique ou du Bas-Rhin, de la Mayenne ou de Maine-et-Loire, n’ont eu recours aux regroupements que parce qu’elles n’avaient pas d’autre choix : il leur était simplement impossible, même avec les subventions de la CAF, d’assumer la construction et le fonctionnement d’une crèche. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des maisons d’assistants maternels : elles viennent combler un manque sur des territoires où, de toute façon, elles sont les seules à apporter une réponse.

En guise de seconde remarque conclusive, je souhaiterais m’interroger avec vous, mes chers collègues, sur l’esprit de ce texte. Au fond, quelle est la conviction qui le sous-tend ? Vous le savez, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres nations, c’est l’État qui, en France, a réalisé l’unité du pays, notamment en faisant respecter une même loi sur l’ensemble du territoire. De cet héritage historique résulte une tendance des pouvoirs publics à se méfier des initiatives de la société civile, souvent soupçonnées d’être motivées par une cause moins noble que celle de l’intérêt général. De cette méfiance découle à son tour une volonté, si caractéristique de notre pays, de contrôler et d’encadrer le moindre détail.

Ce texte, à sa très modeste mesure, s’inscrit dans une philosophie résolument inverse, que Jean Arthuis vient de développer voilà quelques instants : il s’agit de poser les grands principes, puis de faire confiance à la société civile, aux assistantes maternelles qui accueillent les enfants, aux parents qui leur confient leurs enfants et aux élus du territoire qui délivrent les agréments.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce xxie siècle si concurrentiel, notre pays a besoin de mobiliser les énergies et de libérer les initiatives. Certains de nos concitoyens ont eu la créativité et le courage d’inventer un nouveau mode de garde, qui s’est déjà répandu sur une grande partie du territoire : c’est notre devoir de les encourager et de les soutenir dans leur démarche, qui répond, personne ne le contestera, à l’intérêt général.

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