Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 14 janvier 2010 à 15h00
Création des maisons d'assistants maternels — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, trouver une place pour faire garder son enfant après la naissance est toujours vécu par bon nombre de familles comme un véritable parcours du combattant, une épreuve.

Même si l’offre de garde en petite enfance tend à se développer, les progrès sont insuffisants pour répondre à la demande croissante des familles et au besoin d’activité professionnelle des femmes.

Alors que la France est aujourd’hui championne d’Europe de la natalité, le besoin d’accueil non satisfait est évalué entre 300 000 et 400 000 places, inégalement réparties sur le territoire. De ce fait, nombre de femmes sont contraintes de se retirer du marché du travail, parce qu’elles n’ont pas trouvé de solution de garde. Le congé parental est alors vécu comme un choix forcé.

L’objet de la proposition de loi que nous examinons est de permettre la mise en place de maisons d’assistants maternels dont le principe est désormais autorisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Nouveaux lieux d’accueil pour les jeunes enfants, ces maisons d’assistants maternels s’inscrivent dans le cadre de l’engagement du Gouvernement à rechercher des modes de garde innovants afin de mieux répondre aux besoins des familles, pour une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle.

À la croisée des chemins entre l’accueil à titre indépendant et l’accueil collectif, ce dispositif permet à plusieurs assistants maternels d’exercer leur métier ensemble au sein d’un local commun.

On peut se féliciter d’une telle initiative, d’autant que cette nouvelle structure est expérimentée avec succès depuis quelques années, notamment en Mayenne, sur l’initiative de plusieurs assistantes maternelles.

Les maisons d’assistants maternels présentent des avantages incontestables pour les personnels, les parents et les enfants. Elles constituent un moyen de renforcer l’attractivité de cette profession, de rompre avec l’isolement, de partager des responsabilités, de répartir les activités en fonction des aptitudes et des préférences de chacun.

La création des maisons d’assistants maternels a des incidences sur le volume de l’offre d’accueil, puisqu’elle permet aux professionnels qui vivent dans des logements trop petits ou ne répondant pas aux critères d’agrément des services de PMI de devenir malgré tout assistants maternels et d’exercer leur métier dans un lieu approprié.

Pour les parents, ces maisons offrent une grande souplesse dans les horaires d’accueil : tôt le matin, tard le soir, voire la nuit. Aucun autre mode de garde n’est en mesure de proposer un service aussi souple et adapté aux besoins de certains parents.

Ces maisons apportent une solution appropriée au monde rural, qui est confronté à de nombreux obstacles quant à la mise en place d’une offre de garde suffisante : difficulté à attirer les professionnels, horaires de travail atypiques des parents et, surtout, incapacité financière de certaines communes à subvenir aux frais de fonctionnement d’un établissement d’accueil collectif. Développer l’offre d’accueil des jeunes enfants en milieu rural est donc primordial pour lutter contre la désertification des campagnes.

Une structure de ce type assure une pérennité de service et permet une économie pour les parents employeurs, qui peuvent percevoir l’aide de la caisse d’allocations familiales liée à l’embauche d’un assistant maternel agréé : le complément de libre choix du mode de garde de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.

Pour les enfants, ce mode d’accueil permet de favoriser les échanges. Il met à leur disposition un lieu spécifiquement aménagé pour les plus jeunes avec des structures motrices, un coin pour les bébés, une salle de restauration, ce qui favorise l’apprentissage de la vie en collectivité et facilite l’acquisition de l’autonomie.

Cette proposition de loi constitue un progrès, puisqu’elle tend à doter d’un cadre juridique spécifique la mise en place des regroupements d’assistants maternels.

Toutefois, je ferai part de quelques craintes.

Tout d’abord, les cent vingt heures de formation obligatoire qui sont prévues me semblent très insuffisantes au regard des compétences requises pour s’engager dans un regroupement avec plusieurs autres assistants maternels exerçant hors de leur domicile, d’autant que, sur cette durée, le nombre d’heures exigées avant le tout premier accueil d’enfant a été, depuis le 1er janvier 2010, réduit de soixante à trente.

Ensuite, il est à craindre que la question de la responsabilité civile et pénale ne soulève d’importants problèmes. En effet, la responsabilité de l’assistant maternel qui délègue l’accueil d’un enfant serait engagée en cas de préjudice intervenu dans ce cadre. Ce dispositif risque de placer les assistants maternels dans une situation d’insécurité juridique défavorable au bon fonctionnement d’un regroupement, me semble-t-il, à moins que les auteurs des amendements déposés ne nous prouvent le contraire ; nous verrons ce qu’il en sera tout à l'heure.

Enfin, M. le rapporteur a soulevé un autre problème : il importe que le regroupement des assistants maternels s’opère sur la base du volontariat, au lieu d’être imposé par la commune ou le département. Il s'agit là, pour moi, d’un gage de réussite de la réforme. Il convient donc de donner aux MAM et aux assistants maternels les moyens juridiques de s’engager en toute sécurité.

Pour autant, ce nouveau dispositif ne doit pas dispenser les communes qui le peuvent de consacrer plus de crédits à la construction de crèches collectives.

Pour conclure, monsieur le ministre, il me semble indispensable de prévoir un premier bilan de l’application de ce texte, s’il devait être adopté aujourd’hui, afin d’évaluer clairement l’ensemble des problèmes constatés à la suite de la mise en place des maisons d’assistants maternels.

Mes chers collègues, malgré les craintes sérieuses que j’ai pu vous exposer, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE veut laisser sa chance à cette proposition de loi, qu’il votera.

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