Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 14 janvier 2010 à 15h00
Création des maisons d'assistants maternels — Article 1er

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

La délégation, qui constitue le cœur de cette proposition de loi et la justifie presque à elle seule, a pour objet de sécuriser la pratique des assistants maternels qui exercent au sein des regroupements. Pour nous, elle n’est pas sécurisante ; elle sera demain source d’importants contentieux.

En effet, en affirmant que la délégation ne donne pas lieu à rémunération, précision qui vise à exclure la qualification de « prêt illicite de main-d’œuvre », la proposition de loi tombe dans un autre écueil, qui ne manquera pas de soulever d’importants contentieux juridiques, celui de la réalisation d’un travail sans sa contrepartie légitime et juridiquement obligatoire, qui est le salaire.

Telle est d’ailleurs la définition qu’en donne la Revue française des affaires sociales lorsqu’elle précise que tout acte de travail donne lieu à rémunération. Or, en gardant un enfant, même dans le cadre d’une délégation, l’assistant maternel délégué, qui reste soumis aux mêmes obligations que lorsqu’il assure la garde des enfants dont il a régulièrement la charge, effectue bien un travail. Dès lors, il n’y a aucun doute sur le fait que, du point de vue juridique, il ne peut y avoir de travail sans rémunération.

Les employeurs qui profiteraient d’une telle délégation sans rémunérer le salarié effectuant un véritable travail durant cette délégation pourraient être considérés comme dissimulant un salarié aux organismes sociaux, particulièrement aux URSSAF, puisque nous savons tous que les juges ne s’en tiennent pas à l’existence d’un contrat de travail pour estimer que deux acteurs sont liés par un contrat.

Par ailleurs, l’assistant maternel délégué pourrait légitimement faire valoir, plusieurs années après, ses droits à paiement pour les heures de garde qu’il aurait effectuées dans le cadre de cette délégation.

En outre, même si aucun contrat de travail spécifique ne lie le ou les parents à l’assistant maternel délégué, leurs relations pourraient être requalifiées par le juge des prud’hommes en contrat de travail, même en l’absence matérielle de ce dernier, dès lors que sont réunis les autres éléments constitutifs de la relation contractuelle, à savoir la prestation de travail pour autrui et le lien de subordination juridique.

Ce faisant, le ou les parents qui n’ont pas rémunéré l’assistant maternel délégué mais ont payé uniquement celui qu’ils embauchent régulièrement pourraient être considérés par le juge comme n’ayant pas respecté le principe « à travail égal, salaire égal », dont la définition est stabilisée depuis l’arrêt « Ponsolle », rendu par la Cour de cassation le 29 octobre 1996.

Dans ce contexte, et parce que nous craignons que cette mesure n’engendre d’importantes difficultés juridiques et ne fasse émerger une nouvelle catégorie de salariés pouvant travailler sans être rémunérés, nous vous proposons l’adoption de cet amendement.

Par ailleurs, il a été dit, notamment en commission, que la délégation prendrait la forme, comme c’est déjà le cas actuellement, d’une compensation en temps. J’attire votre attention sur deux points : outre le fait que cela semble ne pas satisfaire au principe de rémunération en tant que contrepartie en argent du travail, la proposition de loi ne prévoit nulle part une telle compensation en nature.

C’est pourquoi cet amendement, sans doute perfectible, est aujourd’hui nécessaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion