Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 14 janvier 2010 à 15h00
Création des maisons d'assistants maternels — Article 1er

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Il s’agit là d’un point important.

Comme vous le savez, nous nous interrogeons sur la licéité de la délégation, telle qu’elle résulte de la rédaction de cette proposition de loi. Disant cela, je ne veux offenser personne, ni M. Juilhard qui a procédé à une évaluation des regroupements existants, ni M. le rapporteur, ni M. Arthuis.

Mais vous conviendrez que ce sujet soulève de nombreuses interrogations, y compris du côté du Gouvernement. Je vous renvoie à cet égard aux débats que nous avons eus, ou plutôt, devrais-je dire, que la majorité sénatoriale a eus avec le Gouvernement à ce sujet puisque, pour une fois, nous étions en adéquation avec la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité, Mme Morano.

En effet, la délégation d’accueil, que tend à permettre cette proposition de loi, reviendrait à autoriser un assistant maternel à confier temporairement la garde d’un ou des enfants dont il est responsable à l’un ou l’une de ses collègues, sans que cela puisse emporter de conséquences financières.

Cette mesure, qui s’inscrit dans la logique selon laquelle les salariés seraient tous interchangeables entre eux, ne peut nous satisfaire, notamment parce qu’elle contrevient au fondement même du contrat de travail qui unit l’employeur – il s’agit en l’occurrence du ou des parents – au salarié, c'est-à-dire à l’assistant maternel.

Ce contrat, synallagmatique par définition, ne peut concerner que deux acteurs, et ne saurait donc prévoir la participation d’un tiers à la réalisation de l’activité précisément dévolue à la personne avec laquelle l’on contracte. La nature même de ce contrat rend juridiquement impossible la contractualisation entre un employeur et plusieurs parties, fussent-elles des salariés.

Qu’adviendra-t-il, par exemple, du principe d’échange des volontés ? Si l’on est certain de la volonté de l’employeur et de celle de l’assistant maternel, on peut s’interroger sur la libre participation et l’accord de l’assistant maternel bénéficiaire de la délégation.

La seule solution serait de considérer, de manière automatique, que tout assistant maternel exerçant sous une forme regroupée est nécessairement favorable à la délégation, et ce quelles que soient les modalités de son exécution. À moins que le contrat de travail qui lie l’employeur à l’assistant maternel ne reçoive également l’approbation du ou des assistants maternels possiblement bénéficiaires de la délégation, mais il s’agirait alors d’une convention d’organisation, et non d’un contrat de travail.

En outre, l’alinéa ajouté par la commission, qui vise à écarter la requalification de cette délégation en « prêt de main d’œuvre illicite », n’est pas sans soulever d’importantes questions.

D’une part, nous ne sommes pas convaincus que le fait d’exclure le droit à une rémunération suffit à écarter ce risque. En effet, dans la mesure où le salaire de l’assistant maternel n’est pas nécessairement le même que celui de l’assistant délégué, la différence de rémunération pourrait être considérée comme une contrepartie financière permettant de qualifier le prêt de main-d’œuvre illicite. Et la contrepartie en temps pourrait se révéler plus avantageuse pour l’assistant délégataire que pour l’assistant délégué.

D’autre part, le principe selon lequel le travail effectué par l’assistant maternel délégué ne donne pas lieu à rémunération nous semble en totale contradiction avec le principe populaire selon lequel « tout travail mérite salaire », et qui, juridiquement, consacre le salaire comme un élément fondamental du contrat de travail, en tant que contrepartie légale et obligatoire du travail effectué par le salarié.

Vous comprendrez bien qu’il nous paraît impossible d’avaliser la théorie selon laquelle il pourrait exister un travail non rémunéré, qui trouverait sa seule compensation dans un temps de repos complémentaire, ce qui n’est d’ailleurs pas prévu dans le texte que nous examinons. On pourrait même craindre que cette disposition n’entraîne d’importants contentieux, notamment devant les juridictions sociales, un tel travail pouvant être requalifié en travail dissimulé échappant, de fait, aux cotisations sociales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion