Intervention de Christian Cointat

Réunion du 29 novembre 2007 à 10h00
Polynésie française — Adoption définitive d'un projet de loi organique et d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur :

Cette modification n'appelle donc aucune objection de notre part.

Alors que le Gouvernement avait envisagé un délai de dix jours pour la publication du procès-verbal de l'assemblée de Polynésie, et que le Sénat l'avait suivi, l'Assemblée nationale a proposé de le ramener à huit jours, comme c'est le cas à l'heure actuelle. Il convient de rappeler que, dans son avis, l'assemblée de Polynésie avait demandé d'allonger ce délai et de le porter à douze jours. Mais il est apparu que cela risquait de poser des problèmes pour l'exercice des droits de recours Cette divergence entre les deux assemblées est loin d'être fondamentale.

L'Assemblée nationale a aussi réécrit l'article relatif aux pouvoirs spéciaux du haut-commissaire en cas de crise grave, afin de les encadrer plus fortement. Elle a, en particulier, ajouté un critère d'urgence. Cette rédaction ne diffère pas de celle du Sénat sur le fond et l'adoption de cet article ne soulève pas de difficultés. Il faut souligner, cependant, que le texte voté par la Haute Assemblée se limitait à reprendre les dispositions déjà adoptées en l'état pour Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Cela marque son désir de cohérence.

S'ajoutent à cela de nombreuses modifications purement rédactionnelles tendant à introduire des précisions, des références ou quelques différences de style, qui ne sont pas de nature à alimenter un débat.

Une seule modification, parmi toutes celles qu'a apportées l'Assemblée nationale, est vraiment d'importance, car elle remet en cause la solution retenue par la Haute Assemblée pour résoudre une difficulté à la fois linguistique et juridique.

Bien que l'usage des langues tahitienne et polynésiennes ne soit pas autorisé à l'assemblée de Polynésie par le statut d'autonomie de 2004, tel n'est pas le cas en pratique. On m'a même rapporté les cas où des ministres polynésiens ne s'étaient exprimés que dans une langue polynésienne. C'est, d'ailleurs, à cause de ce fait linguistique qu'un délai supplémentaire a été demandé par l'assemblée de Polynésie pour la publication du procès-verbal de ses travaux afin de le traduire en français.

Or, cette pratique persistante, bien que non conforme à la loi, crée une insécurité juridique. Plusieurs textes, dont des lois du pays, ont été jugés illégaux par le Conseil d'État, les débats ne s'étant pas entièrement déroulés en langue française et un orateur ayant refusé de s'exprimer en français à la demande de représentants ne comprenant pas le tahitien. C'est la raison pour laquelle il nous avait semblé opportun, compte tenu de l'article 57 du statut de la Polynésie française, qui reconnaît les langues polynésiennes, d'en autoriser l'usage, mais à la condition expresse, en contrepartie, que cette utilisation fasse l'objet « d'une interprétation simultanée » en langue française, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

L'Assemblée nationale ne s'est pas sentie en état de nous suivre dans cette politique d'ouverture linguistique dont, pourtant, la finalité était d'assurer concrètement dans les faits, et non pas d'une manière purement théorique et non appliquée, l'obligation de recourir systématiquement à la langue française, d'une manière directe ou indirecte.

Visiblement, les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ont démontré que la question n'était pas encore mûre. Elle pourra être reprise à d'autres occasions. Aussi, la suppression de notre amendement, toute douloureuse soit-elle, doit être considérée comme une nécessité de réfléchir davantage à la recherche d'une solution, puisqu'elle laisse un problème réel non résolu en l'état. J'ai cru comprendre, monsieur le secrétaire d'État, à l'issue de votre intervention, que le Gouvernement souhaitait que nous allions dans ce sens. Cela sera donc fait.

Le texte voté par les députés apporte également des compléments utiles à celui que nous avons adopté. Par exemple, il introduit, par analogie avec Saint-Martin et Saint-Barthélemy, un dispositif en cas d'élections partielles. De même, il ajoute la prise en compte de la position de la minorité dans les avis donnés par l'assemblée de Polynésie ; c'est une mesure excellente.

Les députés ont également validé la création, au sein de l'assemblée de Polynésie, d'une commission de contrôle budgétaire et financier et la possibilité pour l'assemblée de saisir la chambre territoriale des comptes sur les projets de décision à caractère financier. Ce rééquilibrage des pouvoirs permettra une gestion transparente et responsable des fonds publics. La lumière est toujours la meilleure des protections !

Bien entendu, les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale se sont largement concertés avant la réunion de la commission des lois de l'Assemblée nationale comme avant la séance plénière et ont recherché ensemble des points de convergence. À ce sujet, je me félicite de la qualité des échanges que j'ai pu avoir avec notre excellent collègue et ami Jérôme Bignon. Le texte voté par les députés reprend, pour l'essentiel, ces orientations communes.

En ce qui concerne la divergence d'approche relative à l'usage des langues polynésiennes, les deux rapporteurs s'en étaient finalement remis à la décision du Gouvernement. Or, force est de constater que celui-ci a accepté la suppression de notre amendement, la question méritant d'être encore creusée.

Quant au projet de loi ordinaire, aucune divergence ne peut être notée ni sur le fond, ni sur la forme, les amendements de l'Assemblée nationale améliorant le texte.

À la lumière de ce tour d'horizon, on constate, mes chers collègues, que la très grande majorité des dispositions votées par l'Assemblée nationale correspond aux souhaits de la Haute Assemblée et que les rares points de divergence sont soit suffisamment mineurs pour ne pas justifier la poursuite du débat, soit pas encore mûrs pour trouver, dès à présent, une légitime solution.

Aussi, quelle que puisse être la sympathie, cher collègue Bernard Frimat, que je peux avoir pour certains des amendements présentés, à mon grand regret vis-à-vis de leurs auteurs, pour lesquels j'ai encore plus de sympathie, je serai conduit à émettre, au nom de la commission, un avis défavorable. Compte tenu de ce que je viens de vous exposer, la commission des lois vous propose de voter conformes les deux textes adoptés par l'Assemblée nationale.

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