Intervention de Christian Estrosi

Réunion du 29 novembre 2007 à 10h00
Polynésie française — Article 12

Christian Estrosi, secrétaire d'État :

Je souhaite rappeler la position du Gouvernement sur ce sujet.

Lorsque Christian Cointat avait présenté son amendement tendant à autoriser l'usage des langues polynésiennes lors des séances de l'assemblée de la Polynésie, je m'en étais remis à la sagesse du Sénat. Je rappelle qu'il existe, sur ce territoire, plusieurs langues, qui font d'ailleurs partie de notre patrimoine national : le marquisien, le mangarevien, le polynésien, etc.

Si j'ai bonne mémoire, l'amendement de Christian Cointat tendait à mettre en place une traduction simultanée en français lorsqu'une de ces langues serait utilisée en séance, afin d'éviter toute difficulté concernant la validation des actes pris par l'assemblée de la Polynésie. Or la commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé que cet amendement comportait un risque constitutionnel.

Je tiens à préciser un certain nombre de points.

Tout d'abord, le statut d'autonomie de la Polynésie française, issu de la loi organique du 27 févier 2004, est différent de celui des autres territoires français d'outre-mer. Je le souligne, car c'est important : il s'agit d'un exemple unique dans notre République.

L'article 57 de cette loi organique dispose :

« Le français est la langue officielle de la Polynésie française. Son usage s'impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public ainsi qu'aux usagers dans leurs relations avec les administrations et services publics.

« La langue tahitienne est un élément fondamental de l'identité culturelle : ciment de cohésion sociale, moyen de communication quotidien, elle est reconnue et doit être préservée, de même que les autres langues polynésiennes, aux côtés de la langue de la République, afin de garantir la diversité culturelle qui fait la richesse de la Polynésie française. »

Ces simples phrases, qui font aujourd'hui partie de notre droit, me plaisent beaucoup. Je suis certain, monsieur Frimat, qu'elles ne vous déplaisent pas non plus.

L'article 57 dispose ensuite :

« Le français, le tahitien, le marquisien, le paumotu et le mangarevien sont les langues de la Polynésie française. Les personnes physiques et morales de droit privé en usent librement dans leurs actes et conventions ; ceux-ci n'encourent aucune nullité au motif qu'ils ne sont pas rédigés dans la langue officielle.

« La langue tahitienne est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et primaires, dans les établissements du second degré et dans les établissements d'enseignement supérieur. »

J'avais pris l'engagement devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit l'issue de ce débat, d'aller plus loin et de trouver le moyen de légaliser un usage qui existe déjà, dans la pratique, au sein de l'assemblée de la Polynésie française. C'est également ce qu'avait proposé M. le rapporteur, Christian Cointat, et c'est tout à son honneur.

Depuis lors, la commission des lois de l'Assemblée nationale a émis un jugement défavorable sur l'amendement de M. Cointat, qui avait également suscité, au sein de la Haute Assemblée, des remarques de la part d'éminents spécialistes de droit constitutionnel. Nous en sommes donc là aujourd'hui.

Je vous remercie de votre intervention, monsieur Frimat, car elle me conduit à réitérer ma proposition de mise en place, dans les prochaines semaines, d'une commission réunissant des représentants de l'Assemblée nationale, du Sénat, du Gouvernement et de l'assemblée de la Polynésie française, afin d'envisager les solutions conformes à la Constitution qui pourraient être apportées à ce problème.

Il s'agit, d'une part, de garantir la validité des décisions et actes pris par l'assemblée de la Polynésie française et d'éviter leur éventuel rejet par le Conseil d'État ou par le Conseil constitutionnel et, d'autre part, de permettre aux membres de cette assemblée de s'exprimer, en toute légalité, dans leur langue locale.

Une telle disposition s'inscrirait dans le prolongement de l'article 57 de la loi organique de 2004 et donnerait aux parlementaires de la Polynésie française les mêmes droits, ni plus ni moins, qu'aux personnes physiques et morales de droit privé, qui en usent désormais librement dans leurs actes et conventions.

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