Le Comité catholique contre la faim et pour le développement, dans son rapport intitulé « Biens mal acquis », évalue à 3 milliards de dollars les fonds arrachés au Liberia par l'ancien président Charles Taylor, à 4 milliards de dollars la fortune amassée par le président Bongo, dont le peuple a une espérance de vie de 53 ans à 55 ans. Pour ce qui concerne Sassou Nguesso, dont nous reparlerons, la fortune est immense ; on a pu retrouver la trace de 472 millions aux Bermudes, un sommet de l'iceberg !
Face à cela, à tout ce qui est entré dans les caisses de la France comme dans celles de la Suisse, du Royaume-Uni, du Luxembourg, que représente notre aide au développement par rapport aux conséquences d'une corruption qui profite aux pays riches, dont fait partie notre pays ? Bien peu de choses ! Les chiffres parlent.
C'est avec gravité que je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, si, dans un tel contexte, il est convenable, honorable, de se servir de montants présumés d'annulation de dette pour masquer la baisse réelle de notre aide au développement. C'est ce procédé qui a permis de « gonfler » la loi de finances initiale de 2007 à 9 milliards d'euros, alors que 7, 84 milliards d'euros seulement ont été réalisés. En 2007, notre aide publique réelle au développement a donc atteint tout juste le montant de l'aide que les migrants essentiellement maghrébins et africains établis en France envoient tous les ans dans leur pays d'origine, d'après les chiffres que vous m'avez communiqués, monsieur le ministre, et dont je vous remercie. Ces sommes s'établissent aux alentours de 8 milliards d'euros dans les deux cas.
Au concours de la générosité, qui gagne ? Notre grand pays généreux ou les migrants méprisés, sous-payés et contrôlés au faciès ?
Je ne reviendrai que brièvement sur les manipulations comptables - dont M. le rapporteur a parlé -, pas toujours conformes aux prescriptions du Comité d'aide au développement, ou CAD, de l'OCDE, qui leur servent d'alibi. Leur montant atteint cette année 1, 68 milliard d'euros, soit près de 20 % de l'aide publique au développement annoncée. Je citerai les principales : les dépenses pour les étudiants sont « gonflées » à près de 900 millions d'euros, alors que les visas d'études accordés aux Africains et aux Maghrébins, en provenance de pays pauvres donc, diminuent très nettement ; les aides à l'accueil des réfugiés bondissent en cinq ans de 201 millions d'euros à 439 millions d'euros, alors que la police de l'air et des frontières refoule les demandeurs potentiels dès la descente des avions. Mes chers collègues, vous devez assister à de telles scènes, comme moi, lorsque vous arrivez à Roissy de bon matin.
Comme Mme le rapporteur pour avis, qui l'avait indiqué lors de nos travaux en commission, je crois que les statistiques établies selon les critères du Comité d'aide au développement, de l'OCDE sont utiles pour effectuer des comparaisons internationales, mais elles ne permettent pas de juger de la réalité de notre contribution.
Notre aide publique au développement réelle ne représente qu'environ un tiers de l'aide publique au développement que nous notifions au CAD.
J'en viens précisément au programme 209. Les crédits diminuent de 13, 6 millions d'euros. Dans ce cadre, les crédits de coopération multilatérale ne peuvent augmenter que par la baisse des crédits de coopération bilatérale. Il est bon que les premiers augmentent, mais cette hausse ne doit pas se faire au détriment des seconds. Au total, 1 milliard d'euros seulement sont donc mobilisables sur le terrain par nos postes et par l'Agence française de développement pour l'aide publique bilatérale au développement. Il est regrettable que, de ce fait, la France - donc les Français - n'apparaisse plus suffisamment aux yeux des populations comme un partenaire actif de la lutte contre la pauvreté, pour la scolarisation et pour la santé.
À titre d'exemple, au Sénégal, selon M. Jean-Michel Severino, l'Agence française de développement dispose de 20 millions d'euros seulement alors que les organismes multilatéraux mettent sur la table 100 millions d'euros, dont une part vient d'ailleurs de la France. Mais qui le sait au Sénégal et qui contrôle l'usage des fonds à Paris ? Je vous pose cette question, madame la ministre.
Quant aux organisations de solidarité internationale, elles restent le parent pauvre, comme mes collègues l'ont dit. Les promesses de 2007 concernant le doublement des crédits mis à la disposition de ces organisations n'ont pas été tenues. Comment le seraient-elles cette année quand le projet de loi de finances ne comporte que 35, 5 millions d'euros de crédits et qu'aucun chiffre n'est communiqué sur les crédits de paiement et les autorisations d'engagement en leur faveur sur le fonds de solidarité prioritaire ? Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d'État, me donner des précisions sur ce point ?
Malheureusement, notre engagement pour le développement baisse et baissera encore plus dans les prochaines années, puisque les autorisations d'engagement de 2008 ne permettent pas d'anticiper une forte croissance des futurs crédits de paiement.
Au moment où les parlementaires des pays ACP et de l'Union européenne, réunis à Kigali, appellent l'Europe à s'engager pour l'accès aux soins de santé et la lutte contre les maladies tropicales, quand précisément les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique s'inquiètent des accords de partenariat régionaux que l'Union européenne veut leur imposer et qui ruineront leurs agricultures non subventionnées, comme la nôtre, ainsi que leurs industries et artisanats non concurrentiels, je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de m'indiquer les positions qui seront défendues par la France au sommet Union européenne-Afrique à Lisbonne les 8 et 9 décembre prochains.
Je vous demande aussi de veiller, dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, à ce que les moyens que la France affecte au développement ne soient pas réduits en hommes, en structures et en financement. Pouvez-vous, par ailleurs, me dire selon quels axes vous envisagez la réorganisation de vos services ?
Mais tous les efforts des hommes et des femmes de terrain pour juguler la pauvreté dans le cadre de la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement sont voués à l'échec si la lutte contre la corruption financière n'est pas sérieusement menée. Je vous demande donc quels moyens emploie notre gouvernement pour aider les peuples africains à mettre un terme à l'hémorragie financière dont ils sont victimes.