Mes chers collègues, il n'est pas un rapport, un avis, une expertise en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles qui ne souligne l'importance fondamentale de la prévention.
Le constat général, qu'illustre parfaitement la « flambée » des maladies professionnelles, c'est que la précarisation du salariat, le poids et la crainte du chômage, la recherche de la rentabilité à tout prix, l'exacerbation de la concurrence conduisent l'organisation de notre système de production à mettre véritablement en danger les hommes et les femmes au travail dans notre pays.
À ce titre, nous devons rappeler que les facteurs professionnels constituent une source déterminante des inégalités sociales et de santé.
Selon des études internationales, on peut estimer qu'environ un tiers des différences sociales de mortalité par cancer dans les pays industrialisés s'explique par des expositions à des facteurs d'origine professionnelle ; cette proportion s'élève à la moitié pour les cancers du poumon et de la vessie.
Au-delà des pathologies mortelles, de très importants problèmes de santé touchent certaines catégories de la population, qui sont souvent les plus défavorisées.
Combien faudra-t-il de drames de l'amiante pour inscrire dans notre législation comme une priorité absolue et incontournable la prévention en milieu professionnel ?
Il me revient que l'année dernière, à l'issue de nos travaux relatifs au bilan des expositions à l'amiante, chacun se prévalait dans cet hémicycle du « plus jamais ça ». Or qu'en est-il réellement aujourd'hui ?
Les mesures de prévention et de protection des travailleurs se trouvent toujours au même point. Le plan santé au travail, qui n'a pas dépassé le stade des effets d'annonce, n'apporte aucune amélioration concrète, alors que nous attendions une démarche et une politique qui réduisent réellement le nombre des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.
Bien sûr, mes chers collègues, la prévention des risques professionnels a un prix, ou plus exactement un coût, mais c'est celui de la vie de centaines de milliers de salariés !
Le caractère très parcellaire de la connaissance des risques professionnels, la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles, l'indigence des moyens dévolus aux instances de prévention et de contrôle ainsi qu'à la recherche dans le domaine de la santé au travail sont autant de freins structurels qui interdisent la mise en oeuvre d'une réelle politique de prévention. Celle-ci, pourtant, est d'autant plus efficace qu'elle se compose essentiellement d'actions portant sur des risques évitables.
En effet, et je tiens à le souligner solennellement à ce moment du débat, il s'agit de limiter les altérations de la santé des salariés qui sont directement provoquées par les modes d'organisation du travail et imposées par l'employeur.
C'est pourquoi il nous semble fondamental que le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles constitue un instrument déterminant de la politique de prévention de la branche.
Dans cette perspective, il convient d'allouer à ce fonds les ressources indispensables à ses missions, à savoir au moins 10 % du produit des cotisations dues au titre des AT-MP. Ce renforcement des moyens doit permettre de surmonter les insuffisances constatées en matière de recherche, de formation et d'accompagnement de la prévention des risques professionnels.
Dans l'esprit du principe d'équilibre spécifique à la branche AT-MP, tel qu'il est posé à l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale, nous souhaitons alimenter ce fonds en y versant toutes les sanctions financières infligées aux entreprises qui contreviennent aux règles d'hygiène et de sécurité. Ainsi la logique de prévention de la branche sera-t-elle dotée des ressources nécessaires à son efficacité.
Enfin, mes chers collègues, il nous semble que le débat que nous engageons chaque année au sujet de la branche AT-MP, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale, mérite bien plus d'attention que nous n'en accordons aux trois articles discutés à cette occasion.
Aussi, nous proposons que le Fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles présente au Parlement un rapport annuel où figureraient les statistiques relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, en tenant compte, notamment, de leurs causes, ainsi qu'un bilan de l'activité du fonds comprenant, notamment, une évaluation détaillée des contrats de prévention.
Ce rapport, ainsi que les avis de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, seraient annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale et serviraient à fixer la fraction du produit des cotisations d'accidents du travail affectée annuellement au Fonds de financement des maladies professionnelles.
Mes chers collègues, cet amendement, que vous aurez lu attentivement, a donc pour objet de redéfinir le Fonds de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Je vous invite à l'adopter.