Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 17 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Articles additionnels avant l'article 60

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

En 2004, l'IGAS a été chargée d'analyser le dispositif de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, afin, notamment, de rendre à la tarification tout son rôle en matière de prévention.

Comme M. Pierre-Louis Bras et Mme Valérie Delahaye-Guillocheau en ont fait le cruel constat, d'une part, le dispositif de tarification n'est pas piloté comme la composante d'une politique générale de prévention, et d'autre part, les entreprises qui privilégient la prévention sont aujourd'hui défavorisées sur le plan économique par rapport à celles qui la négligent.

Les inspecteurs de l'IGAS ont donc proposé plusieurs scénarii de réforme, ambitieux ou modérés, qui insistent tous sur la nécessité d'accentuer l'individualisation des taux de cotisation et de rendre cette tarification plus réactive à la réalité des évènements survenus dans l'entreprise, et non plus au seul secteur d'activité.

Dans leur rapport, de longs développements sont consacrés aux procédures de majoration, aux ristournes et aux contrats de prévention, qui ne sauraient, certes, pallier les insuffisances générales du dispositif de tarification, mais qui sont autant d'éléments à ne pas négliger.

En effet, dans la mesure où ils tiennent compte des comportements actuels de l'entreprise, en augmentant ou en abaissant les coûts directs pour l'employeur, selon un raisonnement économique « basique », ces instruments peuvent inciter ce dernier à avoir une attitude plus responsable en matière de prévention des risques du travail.

Là encore, le diagnostic posé ne suscite pas l'enthousiasme : ces dispositifs d'incitation et de pénalisation sont très peu utilisés, le nombre de majorations et de ristournes ne serait même pas suivi statistiquement à l'échelon national. D'après la Cour des Comptes, alors que, en 1987, les CRAM avaient utilisé 726 fois cet instrument, en 1998 - dix ans plus tard -, seuls 200 établissements se seraient vu imposer une majoration de cotisation. Alors que la cotisation supplémentaire peut atteindre 25 % de la cotisation normale de l'établissement, voire tripler lorsque l'employeur tarde à se conformer à la réglementation, le montant des majorations reste très faible en moyenne.

La complexité et la lourdeur de la procédure sont quelques-unes des raisons invoquées pour expliquer le faible recours aux cotisations supplémentaires ou aux ristournes par les CRAM. S'il est vrai que les services de prévention des CRAM peuvent décider d'imposer une cotisation supplémentaire à un employeur lorsque l'exploitation présente des risques exceptionnels ou qu'une inobservation des règles de prévention a été constatée, cette décision intervient après injonction demeurée infructueuse et avis de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du comité technique régional compétent.

Cet amendement vise à lever ces obstacles en rendant en quelque sorte systématique le recours aux majorations de cotisations. Il tend à compléter l'article L. 422-4 du code de la sécurité sociale qui permet déjà aux caisses d'imposer une cotisation supplémentaire sans injonction préalable, notamment en cas de récidive. Ainsi les entreprises fortement pourvoyeuses de risques, dont le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles se révèle bien supérieur à la moyenne nationale des entreprises de la même branche d'activité, pourront-elles se voir imposer directement, sans injonction, une cotisation supplémentaire.

Cet amendement tend également à poser le principe d'une surcotisation, lorsque les entreprises de mauvaise foi font obstacle à la déclaration des maladies professionnelles ou déploient des artifices de procédure pour ne pas se voir imputer le coût de la maladie professionnelle. C'est un autre moyen d'inciter fortement à la prévention et de redonner à la tarification toute sa dimension préventive.

Si, aujourd'hui, la tarification ne contribue pas de manière effective et suffisante à la réduction des risques, c'est aussi parce que les employeurs ont élaboré de véritables stratégies pour que soient retirées de leur compte employeur les dépenses résultant des accidents ou des maladies professionnelles, et ce afin de ne pas voir augmenter le taux de calcul de leur cotisation. Dans les faits, ces pratiques de sous-déclaration et de sous-reconnaissance sont dommageables à la fois à la prévention des risques au travail et aux salariés. Ces phénomènes massifs et persistants sont aussi responsables du déficit de l'assurance maladie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion