Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 17 novembre 2006 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Articles additionnels avant l'article 60

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Je commencerai par rappeler que, en vertu du principe d'équilibre de la branche, le financement de la prévention et de la réparation des accidents et maladies professionnelles revient au principal pourvoyeur de risques, à savoir l'entreprise, à la hauteur des dépenses qu'il provoque. Pour autant, cela ne signifie pas que cette source de financement, qui provient exclusivement des richesses créées par le travail, autorise les employeurs à déterminer la hauteur et les modalités de fonctionnement de la branche, loin de là !

Or, depuis l'ouverture des négociations sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, nous assistons à un paradoxe extraordinaire : ce sont ceux qui organisent le risque professionnel, la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des dégâts causés par le travail qui revendiquent la gouvernance de l'instrument privilégié de leur prévention et de leur réparation !

L'orientation et les objectifs du MEDEF sont évidents : détenir tout pouvoir sur la branche et faire partager la responsabilité des risques aux salariés, à l'État et un peu aux employeurs.

Le patronat souhaite à tout prix contrôler la gestion de la branche. Il veut transformer le système, fondé sur la responsabilité effective des employeurs envers les salariés, en un régime organisé autour de la responsabilité individuelle de ces derniers. Cette démarche induit nécessairement un transfert de charges sur les salariés et l'État, au détriment de toute justice sociale. De fait, il s'agit de monnayer une fois de plus la santé des travailleurs en contrepartie d'un éventuel accès à l'emploi.

Or les rapports parlementaires sur le drame de l'amiante, les négociations actuelles sur la directive enRegistrement, Évaluation et Autorisation des substances CHimiques, dite directive « REACH », les audiences des tribunaux lors des procès en faute inexcusable - celui de Michelin, qui s'est tenu voilà quelques jours - nous apprennent que le risque professionnel participe pleinement de la gestion libérale, puisqu'il pèse sur le coût du travail au prix de la santé et de la vie des travailleurs concernés.

Les conditions de travail, de protection de la santé, la sécurité des travailleurs sont au coeur de l'organisation effrénée de la concurrence libérale. C'est certainement pour cela que nous constatons, année après année, l'ampleur phénoménale des transferts des coûts de la santé des entreprises sur la collectivité nationale !

À titre d'exemple, l'Institut de veille sanitaire, l'InVS, souligne qu'en 2003 - ce sont les seuls chiffres disponibles -près de 30 000 nouveaux cas annuels de cancers étaient d'origine professionnelle ; or seuls 1 432 d'entre eux ont été reconnus par la branche AT-MP ! Cela signifie que 6, 5 milliards d'euros doivent être supportés par la collectivité en lieu et place des employeurs !

Dans cette dynamique délétère, nous ne pouvons que constater que le « paritarisme », tel qu'il est appliqué à la branche et avec une gouvernance confiée ad vitam æternam au MEDEF, ne peut conduire ni à l'équilibre de la branche ni au développement indispensable d'une politique de prévention durable et efficace.

Si l'employeur détient le pouvoir d'organisation du travail, il se trouve de fait responsable des risques inhérents aux processus, procédés et produits dont il fait le choix ; le salarié, lui, est un opérateur placé en permanence en situation de confrontation directe avec les risques de l'organisation du travail.

À ce titre, non seulement parce que cette position constitue une véritable expertise des situations de risque au travail, notamment par le rôle des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ainsi que des représentants des salariés, mais surtout parce qu'il convient de rééquilibrer le rapport de subordination existant dans les entreprises entre les employeurs et les salariés du point de vue de la prévention des risques professionnels, nous proposons que l'institution chargée d'inciter à la protection de la santé, de la sécurité au travail et au maintien dans l'emploi des victimes d'expositions aux risques professionnels soit majoritairement gérée par ceux qui, par leur travail, la financent.

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