Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 17 novembre 2006 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Article 60

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Nous abordons l'examen des trois articles de ce texte consacrés à la branche AT-MP. C'est court, alors qu'il y aurait une politique très volontariste à mener dans ce domaine.

Monsieur le ministre, après cinq années de déficit, vous vous flattez d'un retour à l'équilibre de cette branche dû, selon vous, « au dynamisme des cotisations, du fait de l'amélioration du marché de l'emploi, ainsi qu'à la faible évolution des charges, hors dotation aux fonds amiante ».

En fait, ce retour à l'équilibre n'en est pas vraiment un puisque les recettes sont prévues de manière optimiste alors que les charges sont largement sous-évaluées.

Côté recettes, les prévisions de progression du rendement des cotisations reposent sur une hypothèse d'accroissement de la masse salariale de 4, 1 % cette année et de 4, 4 % en 2007.

Cette hypothèse est elle-même fondée sur une hypothèse de croissance du PIB comprise entre 2 % et 2, 5 %, en 2006 comme en 2007. Pourtant, les derniers chiffres publiés par l'INSEE - croissance nulle au troisième trimestre de cette année - permettent de douter de la réalisation de ces objectifs optimistes.

Côté dépenses, une fois de plus, le montant du versement de la branche AT-MP à la branche maladie pour compenser la sous-déclaration des accidents du travail est sous- estimé. En définissant un montant qui se situe systématiquement dans le bas de la fourchette préconisée par la commission Diricq, vous faites supporter à l'assurance maladie, de manière chronique, une partie du financement des risques professionnels.

Quant aux fonds amiante, les recettes que leur accorde ce PLFSS sont insuffisantes. Comme le souligne lui-même notre collègue M. Gérard Dériot dans son rapport, la situation financière de ces deux fonds, particulièrement celle du FCAATA, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, se dégrade rapidement.

Depuis plusieurs années, les charges du FCAATA excèdent ses recettes. Jusqu'en 2004, le fonds a pu faire face en puisant dans les réserves qu'il avait constituées durant les premières années suivant sa création ; mais ces réserves sont aujourd'hui épuisées et, pour la première fois en 2005, le FCAATA a enregistré un déficit de 84 millions d'euros. En 2006 et en 2007, les déficits cumulés devraient s'établir à 175 millions d'euros et à 238 millions d'euros.

À l'évidence, monsieur le ministre, les ressources prévues par ce PLFSS sont insuffisantes en la matière.

En fait, l'amiante est la grande oubliée de ce texte. Vous n'ignorez pas que le Sénat comme l'Assemblée nationale ont formulé de nombreuses propositions afin d'améliorer le financement et le fonctionnement des fonds amiante. Ces propositions sont d'ailleurs très largement convergentes.

En juin dernier, lors d'une audition devant la commission des affaires sociales, M. Gérard Larcher a déclaré qu'elles étaient actuellement étudiées par son ministère et qu'il ferait lui-même des propositions dans le prochain PLFSS.

Nous y voilà, et il n'y a rien ! C'est le deuxième PLFSS que vous laissez passer depuis la publication du rapport du Sénat sans qu'aucune modification soit apportée au financement et au fonctionnement des fonds amiante !

Monsieur le ministre, je souligne que le rapport du Sénat comme celui de l'Assemblée nationale étaient des rapports « consensuels », puisque toutes les formations politiques étaient représentées et que les deux assemblées du Parlement sont arrivées pratiquement aux mêmes conclusions. Il est donc vraiment dommage que ces conclusions ne trouvent pas d'application. Quand allez-vous agir ? Cette question doit être traitée sans délai. Les dégâts de l'amiante sont visibles tous les jours !

J'espère que cette attente, monsieur le ministre, ne cache pas des pistes de réforme restrictives pour les droits des victimes de l'amiante, comme celles que propose notamment la Cour des comptes et qui reviennent régulièrement en discussion.

Parmi les propositions qui sont communes à nos deux assemblées comme à l'Inspection générale des affaires sociales, à laquelle vous avez commandé un rapport sur le sujet, celle de l'accès au FCAATA sur une base individuelle mérite d'être engagée sans perdre de temps. Elle est très attendue par les salariés exposés à l'amiante dont les établissements ne figurent pas sur les listes ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, l'ACAATA, listes qui sont clôturées depuis plusieurs années. Nous vous proposerons des amendements en ce sens.

Cette démarche individuelle est fondamentale pour le droit à la reconnaissance des travailleurs de l'amiante. La liste des entreprises, c'est une chose ; mais nous savons que les difficultés sont nombreuses pour reconstituer les carrières. Ainsi, de très nombreux salariés, dans les entreprises de nettoyage notamment, qui ont été les premiers « désamianteurs » ont été exposés à l'amiante sans protection. Parce que leurs entreprises ne figurent pas sur les listes, ils ne peuvent pas faire valoir leurs droits ! Là, le recours individuel est une priorité absolue pour que toutes ces victimes de l'amiante puissent être reconnues.

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