Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 17 novembre 2006 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Article 61, amendements 359 750

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

L'article 61 fixe à 410 millions d'euros pour l'année 2007 le montant du reversement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles à la branche maladie au titre de la sous-déclaration.

Effectivement, comme l'a souligné M. le rapporteur, le montant du reversement est en sensible augmentation cette année : 24, 2 % par rapport à 2006, ce qui est plutôt positif. Mais il convient de noter, d'une part, que cette progression intervient après quatre années de stabilité et, d'autre part, que ces 80 millions d'euros supplémentaires ne permettent pas de porter à hauteur suffisante le montant du reversement, lequel reste ridicule eu égard au coût réel des accidents du travail et maladies professionnelles pris en charge indûment par l'assurance maladie.

En effet, si l'on s'en tient à la dernière évaluation faite par la commission instituée par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, le reversement se situerait dans le bas de la fourchette retenue, comprise entre 356 millions d'euros et 749 millions d'euros.

Si l'on prend en considération le chiffrage de certaines organisations syndicales, les 410 millions apparaissent carrément décalés, voire dérisoires. Pour la seule pathologie du cancer, l'assurance maladie supporterait chaque année une charge de plus de 6 milliards d'euros à la place de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

J'admets qu'il ne soit pas aisé d'évaluer avec précision l'ampleur des phénomènes de sous-déclaration. Mais se tromper à ce point-là d'échelle nous amène à nous interroger sur la complaisance du Gouvernement à l'égard des employeurs.

Lors de leur audition par la mission d'information sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante, les professeurs Goldberg et Imbernon ont noté que, sur les 600 mésothéliomes pleuraux répertoriés annuellement, seuls 400 font l'objet d'une réparation au titre des accidents du travail et maladies professionnelles alors que l'origine professionnelle de cette maladie est quasi systématique.

Ils ont fait état d'écart semblable concernant d'autres pathologies moins « typées » amiante, si je peux m'exprimer ainsi, sur lesquelles il y a donc plus de possibilités de discuter de la pluri-factorialité des expositions. S'agissant par exemple du cancer de la vessie, sur les 400 ou 500 cas qui pourraient avoir été causés par une exposition professionnelle, moins de 10 % font l'objet d'une prise en charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Les enjeux sociaux et financiers sont tels que les pouvoirs publics et les organisations patronales préfèrent taire et minorer l'impact des facteurs de risques professionnels dans la survenue de nombreuses maladies. C'est évidemment inacceptable pour les salariés concernés qui continuent de mourir de leur travail. Cette sous-estimation du poids des facteurs professionnels des atteintes à la santé est d'autant plus inacceptable qu'elle met à mal toute politique de prévention alors que bien souvent, en plus, il s'agit de causes sur lesquelles une action préventive pourrait être très efficace.

À ce sujet, il est à craindre que le protocole d'accord de février dernier sur la gouvernance de la branche accidents du travail et maladies professionnelles n'améliore pas, bien au contraire, cette situation de sous-évaluation notoire. En effet, si cette dernière venait à être agréée, la commission accidents du travail et maladies professionnelles présidée par le MEDEF aurait désormais seule le pouvoir d'apprécier la validité du transfert de la branche accidents du travail et maladies professionnelles vers l'assurance maladie, au regard de critères clairs et objectifs qu'elle définirait elle-même. Il lui reviendrait également de fixer, par convention avec la CNAMTS, le fameux montant du reversement annuel, que d'aucuns trouvent déjà trop important. Le tout, au nom de l'exigence renforcée de transparence !

Tout cela est tout simplement inacceptable, sauf à admettre qu'il n'est pas de la responsabilité des pouvoirs publics de décider et de conduire une politique de santé publique visant à réduire les inégalités sociales de santé et à lutter contre le développement de pathologies nouvelles qui sont inhérentes aux transformations du travail en France.

Pour que le Gouvernement et les partenaires sociaux n'oublient pas ces phénomènes notoires et persistants de sous-évaluation, et qu'ils se décident enfin à mener une action résolue et volontariste, l'amendement n° 359 porte à 750 millions d'euros le montant du reversement.

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