Dernier acte politique majeur de la législature avant le projet de loi de finances, le PLFSS pour 2007 s'inscrit dans un contexte politique précis, celui d'une campagne présidentielle proche, et dans un contexte social où émerge un fond hétéroclite de mécontents : malaise du corps médical, des cliniques privées, de l'hôpital public, des syndicats, etc. Nous ne sommes donc pas surpris de ne point y trouver de dispositions de fond, de mesures structurelles propres à assainir les comptes de la sécurité sociale ou des décisions qui fâchent.
En revanche, le texte comprend toute une série de propositions attendues.
Ainsi, dans le domaine de la santé, les assurés bénéficieront d'un « pseudo » assouplissement du régime des heures de sorties. Du côté des praticiens, notons l'adaptation de la procédure d'autorisation d'exercice de certaines professions médicales pour les professionnels à diplôme hors Union européenne, qui, quoique très limitée, a été adoptée, tandis qu'a été donnée aux infirmiers la possibilité de prescrire des dispositifs médicaux.
Relevons comme point positif l'adoption des amendements relatifs à l'amiante, même s'il faudra aller beaucoup plus loin.
Une chose est sûre, on ne s'attendait pas à autre chose. Le dernier PLFSS de la législature n'aura pas permis un débat de fond sur la réforme du financement de la sécurité sociale ni même d'en connaître le véritable bilan. Alors que les signaux sont au rouge, le Gouvernement communique sur un certain nombre de « petites mieux ». On peut le comprendre ...
Pourtant, la réforme Douste-Blazy d'août 2004 non seulement n'a pas réglé la question du déficit structurel de l'assurance maladie, mais elle a également encore accru le fardeau de la dette sur les générations futures. Le fameux « trou » de la sécurité sociale, loin d'être comblé, a tout juste été colmaté par des recettes conjoncturelles, puisque non pérennes. Le meilleur exemple, si l'on peut dire, est celui des PEL, dont les intérêts pour 2006 ont été prélevés par anticipation ou par des transferts entre régimes.
En outre, cette prétendue réforme fondée sur la responsabilisation de tout un chacun n'a pas pesé de la même manière sur tous. Si les patients et les générations futures sont mis à grande contribution, le corps médical s'en sort avec de substantielles revalorisations d'honoraires alors que les résultats de la maîtrise des dépenses sont incertains. La création pour les chirurgiens, et demain pour l'ensemble des spécialistes, du secteur optionnel tout comme les remises en cause du dialogue social participent de cette même tendance.
Monsieur le ministre, il fut un temps où l'OMS classait notre système de santé au premier rang mondial. Vous donnez-vous les moyens pour que cette situation perdure ? Nous en doutons !
On peut même craindre le pire lorsque nombre de personnes touchées durement par la réforme - déremboursements, forfait de 1 euro, hausse du forfait hospitalier et des complémentaires - ne peuvent plus envisager de se faire correctement soigner dès lors qu'elles ne sont pas assez pauvres pour percevoir la CMU ou pas assez riches pour bénéficier d'une bonne complémentaire santé.
Si l'on ajoute le scandale des refus de soins de personnes bénéficiant de la CMU et la « rigidification » du système de l'AME, la question de l'égalité d'accès aux soins en France est plus que jamais d'actualité.
On peut se demander dans quel pays nous vivons lorsque, parallèlement, la lutte contre la fraude, notamment pour les bénéficiaires des minima sociaux, est portée en étendard comme réponse à tous les maux au moment même où le Gouvernement accepte de revaloriser les dépenses de soins de ville pour les médecins.
Monsieur le ministre, vous avez beau indiquer que le relèvement de l'ONDAM doit « bénéficier en priorité aux assurés sociaux et ensuite aux professionnels de santé », on est en droit d'en douter devant de tels constats, d'autant que personne n'ignore que de nouvelles revalorisations du « C » pour les praticiens est à l'ordre du jour.
Comment, en effet, ne pas douter d'un gouvernement qui est prêt à se substituer aux partenaires sociaux et qui pratique le passage en force afin de faire aboutir coûte que coûte des négociations conventionnelles bloquées, allant jusqu'à modifier les règles du droit d'opposition aux conventions pour ne pas avoir à prendre en compte les résultats des dernières élections syndicales médicales ?
Comment ne pas être choqué qu'ici, sur ces bancs, on rechigne à offrir à nos aînés bénéficiaires du minimum vieillesse un « reste à vivre » un peu plus décent lorsque, par la suite, on a pu assister à une ronde de défense d'intérêts catégoriels - chirurgiens, opticiens, pharmaciens, industries du médicament, laboratoires, etc. ! Les groupes d'influence auront trouvé un écho pour les défendre. Les assurés sociaux et les professionnels les plus modestes restent les délaissés.
Quant à votre politique familiale, elle laisse toujours de côté ces 2 millions d'enfants pauvres ainsi que ce million d'enfants qui auraient dû, selon l'ancien Premier ministre, M. Raffarin, pouvoir bénéficier d'une couverture universelle, et qui ne l'ont pas.
Nous regrettons que vos préoccupations portent plus sur des réductions de poche, comme la réduction du versement de la PAJE, au détriment de mesures innovantes en direction de toutes les familles, notamment en direction de celles qui sont les plus démunies.
Vous laissez aussi de côté la question des retraites. Celui-là même qui fut à l'origine de la prétendue réforme de 2003 en dénonce aujourd'hui les insuffisances ! La réforme Fillon est en pleine débâcle. Le déficit de l'assurance vieillesse se creuse à un rythme bien plus élevé que prévu, car les Français n'ayant pas confiance dans cette réforme préfèrent profiter au maximum de leurs droits.
L'État, quant à lui, je vous le dis sans agressivité, monsieur le ministre, ne fait pas son devoir : le Fonds de réserve des retraites, qui devait assurer la pérennisation de nos régimes par répartition est abandonné ; quand au FSV et au FFIPSA, ils connaissent des déficits record et ne font l'objet d'aucune attention de la part du Gouvernement
Notre sécurité sociale n'est plus financée. Faut-il vous rappeler qu'en 2001, et pour la troisième année consécutive, le régime général était excédentaire ? Aujourd'hui, les déficits du régime général cumulés tout au long de la législature atteignent près de 60 milliards d'euros : la sécurité sociale connaît la plus forte dégradation de son histoire.
Je ne voudrais pas terminer cette intervention sans vous dire que nous avons trouvé regrettable le dépôt d'amendements gouvernementaux de dernière minute. Ils n'ont pas facilité le travail parlementaire et ils ont ralenti le débat puisqu'il a fallu faire en séance un travail qui est habituellement fait en commission !
Nous regrettons également que bon nombre de ces dispositions soient apparues dans la presse - je pense à la mise en place du bouclier social par exemple - quelques heures avant leur discussion devant le Parlement : ce n'est pas notre façon de concevoir le travail parlementaire !
Vous aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous n'approuverons pas ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.