Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 8 juin 2006 à 9h30
Immigration et intégration — Article 4

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contrat d'intégration qui nous est présenté paraît inadéquat eu égard à l'objectif visé.

On veut, à juste titre, que les étrangers qui s'établissent en France s'intègrent. Ils sont, dans la majorité des cas, les premiers à le souhaiter, mais on leur présente cet objectif comme une obligation, avec une sanction à la clé.

Une fois encore, je ferai appel à ma longue expérience de migrante. Croyez-moi, l'intégration résulte d'un très lent processus psychologique, culturel, linguistique, social, au cours duquel alternent des périodes de très fort désir d'adhésion à la société d'accueil et des crises de rejet quand on a le sentiment que son identité personnelle est en train de se brouiller, de s'effacer, à cause du travail d'adaptation.

Mettre en place une obligation coercitive a plutôt pour résultat d'aviver les réactions de repli du migrant. Ce qu'il faut au migrant, j'en parle en connaissance de cause, c'est une aide, un suivi amical, associatif, pour lui permettre de prendre conscience qu'il gagne à son intégration, qu'il y a des contreparties à son difficile travail d'adaptation.

Cela suppose d'abord une sécurisation juridique. D'où l'intérêt des cartes séjour et emploi de durée suffisante, qui soient le préalable et la porte ouverte à l'acquisition de la nationalité.

La sécurisation juridique n'est pas la contrepartie d'une intégration réalisée ; elle est la condition d'une intégration qui peut se réaliser.

En conséquence, le contrat d'insertion ne pourrait être profitable que dans cette perspective de soutien et d'appui, sans menace implicite ou explicite en cas de difficultés.

Ainsi, comme Mme Boumediene-Thiery, je pense que ce type de contrat serait particulièrement intéressant pour les femmes qui n'ont pas d'activité professionnelle. Là encore, l'expérience prouve que l'on s'intègre d'autant mieux dans un pays que l'on y a une activité professionnelle. C'est par l'activité professionnelle que l'on apprend la langue, c'est par l'activité professionnelle que l'on se fait des relations amicales, qui aident à opérer en soi-même les transformations nécessaires à l'intégration.

Ce contrat d'accueil et d'intégration qui généralise ce qui avait été prévu dans la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ne serait donc acceptable que si la réciprocité est réelle, avec une égale intensité des obligations de l'État et de l'étranger. Or nous n'avons aucune preuve à cet égard. Nous ne disposons en effet d'aucun élément concernant le financement des mesures nécessaires et ce qui sera réellement mis en oeuvre.

Un tel contrat serait acceptable si nous avions l'assurance que l'aide à l'étranger sera apportée par des associations qui, depuis quarante ans, réalisent ce travail, souvent bénévolement, et le font bien.

Nous pourrions accepter ce dispositif si nous étions assurés que des enseignants spécialistes de l'enseignement du français langue étrangère seront recrutés et que les horaires des cours de français seront compatibles avec une vie professionnelle et familiale.

Enfin, il faudrait être assuré que le parcours proposé - ou plutôt imposé - sera adapté au niveau scolaire de l'étranger et que le diplôme initial de langue française, le DILF, ne sera pas d'un niveau inaccessible pour les laveurs de carreaux, qui figurent sur la liste des compétences et talents dont la France aura besoin.

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