Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 25 novembre 2009 à 22h45
Loi de finances pour 2010 — Vote sur l'ensemble de la première partie

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les grandes lois de décentralisation de 1982 et celles de l’intercommunalité en 1992 et 1999, nous avons vécu un âge d’or. Ces lois ont été à la source d’un formidable développement de l’initiative économique locale dans une période de bouleversement mondial intense. Elles étaient assises sur un pacte de confiance avec l’État.

La loi de 2004, qui devait être l’acte II de la décentralisation, a abouti, elle, au transfert vers les collectivités locales de charges dynamiques, mais de recettes atones.

Le choix opéré alors en faveur de l’autonomie financière, au lieu de l’autonomie fiscale, permet aujourd’hui au Gouvernement d’ouvrir une nouvelle séquence où il choisit d’assécher les ressources des collectivités, dans un premier temps, avant de les étouffer avec les lois à venir de réorganisation territoriale.

L’ensemble repose sur la défiance, dans un cheminement régressif eu égard à la situation catastrophique des déficits de l’État et à une explosion dangereuse de la dette publique. Je rappelle que celle des collectivités locales n’en occupe qu’une très modeste part : en deux ans, de 2008 à 2010, l’explosion de la dette de l’État de plus de 25 % est nettement supérieure à la dette cumulée de l’ensemble des collectivités territoriales. Et le Président de la République de convoquer une conférence des déficits publics au motif que tout le monde doit faire un effort pendant et après la crise !

Qui ne souscrirait à l’impératif de solidarité nationale en un pareil moment ? Mais vous défendez cette position sans modifier l’architecture fiscale de votre projet de budget.

Il n’est pas jusqu’à l’introduction d’une fiscalité carbone qui ne participe à la consécration des inégalités ! Vous parvenez à réaliser la contre-performance qui consiste à gâcher une idée juste et partagée, celle du Grenelle de l’environnement, en créant un impôt de plus, qui pèsera d’abord sur les ménages les plus modestes, sans que le défi écologique soit résolument affronté.

Depuis cinq jours, vous refusez systématiquement le débat de fond sur les amendements du groupe socialiste visant à faire contribuer à la hauteur de leurs moyens ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, des niches fiscales les moins efficaces économiquement et les plus injustes socialement.

Les exonérations massives que vous faites voter à votre majorité à l’envi depuis des années n’ont fait qu’appauvrir l’État. Et il faut encore emprunter 20 milliards d’euros sur les marchés financiers pour financer les dépenses d’avenir, alors que la part réservée à l’investissement public dans le budget de l’État s’est réduite comme peau de chagrin depuis que vous avez pris en main la conduite du pays, en 2002.

Droit dans ses escarpins ou dans ses bottes, selon les moments, le Gouvernement n’a rien cédé sur l’essentiel, sur ce qui fonde la République : la liberté pour les collectivités locales, celle que vous venez de nous proposez d’échanger dans la deuxième délibération contre une très modeste obole ; l’égalité par une juste répartition de l’impôt entre nos concitoyens, et particulièrement à l’égard des plus modestes, socle de la fraternité.

Vos choix fiscaux aboutiront à faire supporter encore davantage la charge de l’impôt et local et national à ceux qui le paient sans rechigner, qui ne peuvent recourir à des mécanismes d’évasion ou d’optimisation fiscale, ceux qui appartiennent à ce qu’on appelle les « couches moyennes », à cette « France qui se lève tôt », comme disait un candidat à l’élection présidentielle.

Nous aurons ce rendez-vous, cette confrontation avec vous devant l’opinion. Pour l’heure, le groupe socialiste votera contre la première partie de ce budget, qui porte sur les recettes.

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