Après cet examen laborieux de l’article 29, je voudrais rappeler à la majorité quelques sages paroles de certains élus, et non des moindres, quand la droite multipliait les plaidoyers en faveur de la décentralisation et de la « République des proximités », ce concept popularisé par Jean-Pierre Raffarin ; quand la droite estimait que la décentralisation permet de faire face aux défis de la complexité ; quand la droite considérait que la décentralisation devait nécessairement accompagner la présidentialisation des institutions françaises et la mise en place du quinquennat ; quand la droite pensait qu’il était important de respecter les spécificités locales et que celles-ci ne remettaient pas en cause l’unité nationale.
Comme il est loin, ce temps-là !
Après diverses tentatives pour mettre fin au centralisme qui, depuis Colbert, le caractérisait, notre pays, en 1982, a pu amorcer un formidable mouvement de décentralisation. Depuis lors, de nombreux textes sont venus préciser et amplifier le dispositif. Des compétences ont été transférées, l’intercommunalité s’est développée, la région a été inscrite dans la Constitution en tant que collectivité à part entière, et je pourrais continuer l’énumération.
Toutefois, en lieu et place d’un Acte III de la décentralisation, inscrit dans la lignée et la tradition de la République et formé dans le nécessaire consensus républicain, nous discutons aujourd'hui d’une recentralisation à contre-courant, d’une réforme non seulement archaïque mais qui souffre aussi d’un double déficit, de concertation et de cohérence.
Cette réforme, tout le monde l’appelle de ses vœux, tant l’évolution de nos institutions et de leur fonctionnement est nécessaire, car rien ne doit rester figé. Elle devait être conçue comme un moyen au service de l’intérêt général et au bénéfice des citoyens, car, au final, elle concerne et affecte la communauté nationale dans son ensemble, et non pas uniquement les élus ou les institutions, même si ce sont eux qui sont les premiers touchés. Toutefois, tel n’est pas le cas, et la place qui est réservée au retour de l’État sous toutes ses formes en constitue une preuve.
Aux termes de l’avis du Conseil économique, social et environnemental du 4 novembre dernier : « Les élus et les citoyens continuent à ressentir l’État comme insuffisamment performant sur le terrain et en même temps trop présent ». C’était tout le sens de nos amendements : remettre les choses à leur place. Vous leur avez réservé le sort que l’on sait !
Si la réforme lancée en 1995 insiste sur la nécessité de recentrer l’État sur ses fonctions régaliennes et si l’objectif de la loi relative aux libertés et responsabilité locales de 2004 est de faire en sorte que l’État ne soit plus acteur dans différents domaines transférés, nous observons une tendance à la recentralisation, tendance que je qualifierai de lourde et dont nous constatons qu’elle atteint en ce moment son paroxysme.
Aujourd'hui, voilà qu’un projet de loi rend aux préfets un rôle qui n’était plus pour eux qu’un lointain souvenir, eux qui n’en avaient pas connu de tel depuis 1981 !
Oui, nous souhaitons réduire les prérogatives et les marges de manœuvre et de décision que ce texte confie aux préfets ! Le Président de la République s’était engagé à faire aimer la décentralisation aux citoyens. Il est vrai qu’il avait promis également d’être le Président du pouvoir d’achat... On sait ce qu’il en est advenu !
Plutôt que de réintroduire la figure du préfet dans des dossiers qui ne doivent pas le concerner, il aurait fallu aborder largement le rôle de l’État déconcentré, car le maintien de ces administrations déconcentrées en doublon constitue la cause principale de la confusion des politiques locales. Tel était le sens de nos amendements…
C'est pourquoi nous voterons contre l’article 29.