Ces nuisances sont mêmes telles que, comme bien d'autres, l'ensemble des élus de mon département s'étaient, toutes sensibilités confondues, mobilisés en faveur de l'idée d'un troisième aéroport hors d'Ile-de-France et avaient applaudi, en son temps, cette décision d'un gouvernement de gauche.
Vous décidez, monsieur le ministre, de rompre cet engagement de l'Etat ; nombre de mes collègues val-d'oisiens appartenant à votre majorité - et, parmi eux, un ministre de votre gouvernement - se taisent, hélas ! aujourd'hui, mais que deviennent les promesses faites de plafonnement du nombre de mouvements journaliers dans le ciel de Roissy - Charles-de-Gaulle et d'interdiction - non pas seulement de diminution - des vols de nuit ?
On atteint déjà 700 000 mouvements annuels au lieu des 550 000 annoncés et la perspective d'un développement de 4, 3 % par an de l'aviation civile nous amènera très rapidement à un million de mouvements sur Roissy.
Les conséquences pour les 400 000 riverains de l'aéroport qui subissent quotidiennement ces nuisances ne sont pas neutres, ce que démontre une enquête épidémiologique récente - d'ailleurs en partie financée par les collectivités territoriales, notamment par le conseil général du Val-d'Oise - qui met particulièrement l'accent sur la nocivité des vols de nuit, générateurs de stress, d'insomnie et d'accentuation des pathologies cardiovasculaires.
Une seconde enquête, diligentée au début de 2004 par AIRPARIF, fait quant à elle apparaître que les riverains de Roissy - Charles-de-Gaulle sont soumis à un niveau de pollution identique à celui que subissent les riverains du périphérique parisien.
Face à de tels problèmes de santé publique et à la perspective d'un doublement du volume de transport aérien d'ici à 2015, les motifs évoqués dans ce projet de loi pour dessaisir l'Etat et pour confier la gestion des plateformes aéroportuaires à un prestataire privé ne peuvent que nous inquiéter et recueillir notre opposition la plus radicale.
La volonté de confier à Aéroports de Paris la gestion de l'ensemble du foncier appartenant à l'Etat sur le périmètre des aéroports est également un choix extrêmement dangereux pour l'avenir.
De fait, ce projet de loi, qui fait suite à la mise en place des communautés aéroportuaires, entérine le fait que les élus locaux n'auront plus, dans l'avenir, leur mot à dire sur les questions essentielles d'aménagement du territoire.
Pour exemple, les ambitions dévoilées du P-DG d'ADP sur le développement débridé du commerce sur Roissy - Charles-de-Gaulle, sans réflexion ni concertation, sont révélatrices des dangers sous-jacents en la matière.
La presse régionale faisait justement état ce week-end du comportement unilatéral d'Aéroports de Paris dans ses projets commerciaux : elle relatait qu'autour d'un projet commercial de 50 000 mètres carrés ni les chambres consulaires ni les élus concernés n'avaient été consultés, prouvant ainsi que l'entreprise ne se sent nullement préoccupée des questions d'un développement harmonieux du territoire, sur lesquelles elle avait pourtant été bien souvent interpellée.
Quand l'on sait que ADP possède déjà d'énormes réserves foncières, allant bien au-delà des périmètres des plateformes actuelles, c'est une vraie question de démocratie, de maîtrise et d'avenir des territoires que nous vous soumettons au travers de cette motion.
Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de noter que nos partenaires étrangers et leurs gouvernements concernés par la question de propriété des installations aéroportuaires ont consacré à celle-ci d'importants débats pour décider, comme aux Etats-Unis - que l'on ne peut soupçonner d'être le fer de lance du « tout public » -, que les aéroports demeureraient des propriétés publiques ou, comme à Amsterdam, que l'on travaillerait à un fonctionnement par bail sans pour autant dessaisir l'Etat de sa propriété.
Je voudrais également pointer, au travers de cette question préalable, le problème de la sécurité aérienne. Au moment où ce projet vise, selon le Gouvernement, à adapter notre pays à la concurrence exacerbée que connaît l'aviation civile, il est impératif de faire de la sécurité un élément incontournable sur lequel l'Etat français ne peut transiger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je dis cela, c'est bien parce qu'en l'état ce projet de loi ne peut nous rassurer et qu'il est nécessaire de clairement réaffirmer que la sécurité relève intégralement de l'Etat, au travers de la seule direction générale de l'aviation civile. Or le poids donné à Aéroports de Paris, qui devient propriétaire des installations destinées aussi à la sécurité et à l'entretien des équipements, ne clarifie pas mais au contraire complexifie davantage cette question essentielle.
C'est d'autant plus vrai que nous ne pouvons faire nôtres les conceptions de la Commission européenne quand elle affirme « qu'il ne fait aucun doute que la communication, la navigation, la surveillance, l'information aéronautique et le traitement des données de vol pourraient être fournis sur une base concurrentielle. Cela renforcerait aussi les relations entre les fournisseurs et leur clientèle en facilitant des compromis entre la qualité des services et des coûts ».
Cela fait froid dans le dos et renforce l'idée que la sécurité et le contrôle aériens doivent être impérativement exclus du champ concurrentiel afin qu'ils puissent être assurés en toute indépendance. Malheureusement, force est de constater que le texte proposé et les motifs évoqués ne garantissent pas cette nécessaire indépendance financière, technique, morale, matérielle et humaine.
Je souhaite enfin évoquer la relation entre ce projet de loi et l'avenir de l'entreprise Air France, principal utilisateur des aéroports français.
Il nous faut en effet mesurer que la mainmise d'Aéroports de Paris sur la gestion et l'organisation des plateformes d'Orly et Roissy sera sensible et importante sur ce qui a précisément fait le succès d'Air France à l'échelle internationale.
Air France a tiré sa force de l'organisation de son hub fondée sur la succession des créneaux de départs et d'arrivées modulables entre périodes creuses et périodes de pointe. Or la modulation proposée de la redevance et la mise en dépendance de la compagnie nationale vis-à-vis de l'exploitation de l'aéroport pénaliserait économiquement et de fait l'entreprise Air France.
Il y a là un véritable danger axé sur une double tentation : baisser les tarifs pour attirer les compagnies low cost et les augmenter aux heures de pointe. Ne nous y trompons pas ! Ce sont des risques non négligeables pour Air France.
Vous le constatez, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi, s'il était adopté en l'état, aurait des conséquences humaines, économiques, territoriales, démocratiques dépassant la question du statut juridique des plateformes aéroportuaires. C'est pourquoi il aurait mérité un tout autre traitement que la précipitation.
Il appelait un large débat public rassemblant tous les acteurs concernés : professionnels, riverains, salariés et élus.
Ce débat, comme vous le savez, n'a pas eu lieu. Voilà pourquoi nous opposons la question préalable à ce projet de loi qui est préjudiciable tant aux missions de service public aéroportuaire qu'au développement d'Aéroports de Paris et de l'ensemble des grands aéroports régionaux.