Intervention de Hélène Luc

Réunion du 9 novembre 2004 à 21h30
Aéroports — Article 1er

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident qu'un immense fossé sépare l'ordonnance du 24 octobre 1945, que j'évoquais ce matin, et le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre examen.

Cette ordonnance déterminait les éléments qui faisaient partie de l'ensemble constitué par l'aéroport et qui comprenaient : les aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile, les voies d'accès aux aérodromes destinées au trafic des lignes aériennes mondiales, continentales et nationales, les routes aériennes réservées aux transports commerciaux, les dispositifs de protection de ces routes, les installations et dépendances rattachées à l'aéroport en vue de permettre son exploitation complète.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout était prévu et c'est pour cette raison que cela a fonctionné. Pourquoi changer ce qui marche ? Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faille pas apporter d'améliorations.

L'aéroport d'Orly, inauguré dans les années soixante, a été le monument le plus visité par les Parisiens, les Français en général et les touristes.

Roissy est devenu l'un des plus grands aéroports du monde.

Et je n'oublie pas Air France, notre compagnie nationale, que le monde entier nous envie pour son savoir-faire et son personnel si qualifié, et que, malheureusement, vous avez privatisée.

Dans un premier temps, lors du colloque « Transport avenir », il avait été envisagé de ne pas toucher au statut de Roissy, d'Orly et du Bourget. Mais le vent du libéralisme ? encore lui ! ? a soufflé si fort que vous avez cédé à cette tentation, comme votre Gouvernement cède à la pression du MEDEF.

Et voilà qu'aujourd'hui le président d'Aéroports de Paris énonce clairement son objectif : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de services ».

Monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est devenue la volonté du législateur de 1945, représentant le peuple qui avait libéré la France, et qui voulait sa prospérité grâce à cet outil formidable du service public à la française, comme l'a rappelé tout à l'heure mon amie Nicole Borvo lors de la commémoration de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944 ?

Que sont devenues les voies d'accès aux aérodromes ? Je citerai en particulier celles d'Orly, déjà saturées : aucune ligne de métro ne dessert l'aéroport, alors que les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne le demandent depuis longtemps.

Croyez-vous que les habitants du Val-de-Marne attendent la création d'un centre commercial à Orly, par exemple, alors que le département de l'Essonne regorge déjà de tels centres ? Belle-Epine, Créteil, etc, ? entraînant la disparition des petits commerces qui rendent tant de services ? Il n'est pas utile de transformer le statut d'ADP pour ajouter encore des commerces ou autres projets !

Qui peut dire, si votre loi était appliquée ? malheureusement, je crains qu'elle ne soit votée ?, ce qu'il adviendrait d'Air France dans la guerre de concurrence entre les aéroports qui ne manquera pas de se produire ? Qu'on le veuille ou non, la sécurité des passagers et des riverains passerait au second plan.

Qu'adviendrait-il de la protection de l'environnement ? Le bruit et la pollution pourraient-ils être maîtrisés si, par exemple, les émirats arabes investissaient en force le ciel européen avec tous les avions gros porteurs qu'ils viennent d'acheter ? Se préoccuperaient-ils des riverains ? Il y a de quoi s'inquiéter, car on sait très bien qu'ils ne rendront de compte à personne.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, à Orly ou à Roissy, ce n'est pas un centre commercial qui résorbera le chômage !

Avec les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne, nous avons des propositions à formuler pour créer des emplois autour du pôle Orly - Rungis. Or, monsieur le ministre, la table ronde que les présidents de ces deux conseils généraux vous réclament depuis deux ans n'a toujours pas eu lieu au ministère. Nous vous demandons de l'organiser instamment.

Il faut préserver l'environnement, voire l'améliorer, en réduisant le nombre de camions en circulation. Or, à Valenton, vous laissez fermer le centre national de containers, après que 100 millions de francs eurent été investis pour le ferroutage.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, un débat au Parlement est nécessaire non seulement sur le transport aérien mais aussi sur toute la politique du transport.

Les Franciliens, les Marseillais, les Lillois et bien d'autres Français subissent des agressions dues à la pollution et au bruit, qu'il faudra bien faire diminuer. J'en parle en connaissance de cause puisque c'est le cas dans ma ville de Choisy-le-Roi. Et pourtant, vous avez supprimé la zone de protection pour l'environnement.

Disant tout cela, je ne m'éloigne pas du sujet, bien au contraire : je fais le lien entre toutes les mesures proposées par le Gouvernement et avalisées par la majorité parlementaire au Sénat et à l'Assemblée nationale.

Il s'agit de la suite logique de la modification de la Constitution qui a transformé la République Française une et indivisible en République décentralisée. Celle-ci est source d'inégalité entre les régions françaises, fait appel à la privatisation des services et aboutit pour le transport aérien à la privatisation annoncée d'Air France.

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