Intervention de Michel Billout

Réunion du 9 novembre 2004 à 21h30
Aéroports — Article 1er

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que, pour témoigner de notre totale opposition à ce projet de loi, nous ayons déposé des amendements de suppression sur chacun de ses seize articles.

Pour ne pas abuser du temps de notre assemblée, je défendrai plus particulièrement les amendements portant sur les principaux articles. S'agissant de l'article 1er, fondamental dans ce projet de loi, je m'en tiendrai à la problématique du statut des personnels.

Cet article tend à transformer l'établissement public ADP en société anonyme soumise au droit privé, tout en prétendant laisser inchangé le régime juridique actuel de ses personnels.

Je prétends, pour ma part, que faire croire au personnel que l'abandon du statut d'établissement public n'aura pas de conséquence à moyen terme sur leur statut constitue un véritable leurre.

Nous avons de bonnes raisons de croire a priori que la soumission d'ADP aux règles de droit privé et au droit commun de la concurrence se traduira par une dégradation des conditions de travail et par des pressions visant à tirer vers le bas l'ensemble des normes sociales issues de conventions collectives ou d'autres accords de la profession. L'entrée de capitaux privés soumettra de facto, avec la force de la loi, la gestion de l'entreprise aux critères du privé et aux normes de rentabilité financière immédiate fixées sur les marchés financiers.

Pour quelle raison les acquis sociaux et le statut réglementaire des salariés d'ADP, fortement inspiré de celui de la fonction publique, seraient-ils préservés, alors même que ce Gouvernement multiplie les attaques contre le code du travail et qu'il suffit d'un simple vote du conseil d'administration, entériné par le ministre, pour modifier le statut du personnel ?

Mais il y a plus grave encore : je crains que le niveau de l'emploi, variable d'ajustement privilégiée actuellement, ne soit fortement touché à terme par l'accélération du mouvement d'externalisation, de filialisation et de privatisation rapide d'activités encore intégrées à ADP. Plus de 8 000 emplois sont directement concernés.

Plus globalement, le poids économique et social d'ADP est considérable pour la région d'Ile de France et au-delà. Les nombreux emplois générés par les activités aéroportuaires participent à la cohésion sociale de notre pays, à l'heure où de nombreuses entreprises ferment ou délocalisent leur production.

Que se passerait-il si un vaste mouvement de précarisation se généralisait dans ce secteur ? Nous sommes loin d'être à l'abri d'un tel mouvement et les salariés ont raison d'être inquiets.

Comme le souligne notre rapporteur, Jean-François Legrand, les plates-formes aéroportuaires représentent 110 000 emplois directs, 100 000 emplois indirects et environ 100 000 emplois induits.

Autrement dit, ce sont de nombreux départements et villes qui bénéficient du rayonnement économique et des effets d'entraînement des pôles aéroportuaires. Ainsi, le pôle de Roissy représente un bassin exceptionnel d'emplois dont la zone d'influence touche deux régions, l'Ile-de-France et la Picardie.

L'ensemble des activités aéroportuaires générées par le secteur aérien en Ile-de-France représentent, à elles seules, 9 % du produit intérieur brut.

L'affaiblissement d'un tel pôle économique par le biais d'une précarisation accrue du travail, de la réduction d'emplois qualifiés et du développement de la sous-traitance sera lourd de conséquences en termes économique et social !

Ne faisons pas subir à nos activités de services ce que nous venons de faire subir à notre industrie. Dans le cadre de l'OMC et de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, ce sont maintenant les services, notamment les services publics, qui sont visés par la libéralisation et la déréglementation tous azimuts.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous bénéficions aujourd'hui de l'expérience des différentes entreprises et établissements publics qui ont suivi le même processus, avec les mêmes étapes menant tout droit à la privatisation, la transformation en société anonyme étant un point de passage obligé. Or je ne peux m'empêcher de penser que ce projet de loi ne représente rien d'autre que la privatisation programmée d'ADP. C'est la raison pour laquelle je propose au Sénat de supprimer l'article 1er.

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