Intervention de Hélène Luc

Réunion du 9 novembre 2004 à 21h30
Aéroports — Article 2

Photo de Hélène LucHélène Luc :

L'article 2 vise à organiser le déclassement et le transfert à la nouvelle société anonyme ADP de l'ensemble des biens du domaine public aéroportuaire, à savoir ceux qui sont déjà la propriété de l'établissement public ADP, et qui constituent environ les deux tiers du domaine public actuel, et ceux qui appartiennent à l'Etat.

On comprend aisément, eu égard à la valeur du patrimoine foncier et immobilier que l'ensemble de ces terrains, infrastructures et emprises aéroportuaires, représentent, l'énormité des enjeux liés à un tel transfert de droits de propriété !

Nous insistons sur les risques que ce transfert induit pour des compagnies aériennes nationales comme Air France. Nous éprouvons de réelles inquiétudes à cet égard.

Selon certaines estimations, la valeur de l'ensemble de ce patrimoine immobilier serait de 8 milliards d'euros, mais je pense qu'elles sont loin du compte. En réalité, nous ne disposons pas d'une connaissance précise de la totalité des biens et terrains concernés. Nous aimerions, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur ce point d'ici à la lecture du texte à l'Assemblée nationale, tant les enjeux sont importants.

Par ailleurs, selon MM. les rapporteurs, le régime de la domanialité publique ne serait pas compatible avec la gestion d'une entreprise publique. Ces propos ne nous paraissent pas convaincants.

M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, affirme que les exemples étrangers ne sont pas plus éclairants. Je le cite : « La notion de domaine public n'emporte pas les mêmes conséquences dans tous les pays ». C'est curieux !

Pour ma part, j'observe qu'en procédant de cette manière, on crée pratiquement une première en faisant de la France une exception. Si, comme le dit M. le rapporteur pour avis, il n'existe aucun modèle particulier pour les aéroports, nous sommes bien obligés d'admettre qu'il existe des raisons objectives à ce que la quasi-totalité des pays ait choisi le régime de la domanialité publique.

Le régime de la domanialité publique permettrait un contrôle public de la gestion des terrains, de leur caractère inconstructible ou inhabitable.

Qu'en sera-t-il si, demain, ces actifs sont cédés ? De quelle manière ces terrains seront-ils valorisés ? A qui seront-ils vendus ? Les collectivités locales riveraines des aéroports auront-elles un droit de regard sur leur exploitation ? C'est également sur ce point que l'article 3, qui vient compléter cet article, nous interpelle.

L'article 2 précise par ailleurs que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions.

En premier lieu, on ne peut que regretter que soit renvoyée à un décret la liste des dites missions de service public.

En deuxième lieu, pour l'accomplissement de ces mêmes missions, il est fait référence à des établissements publics. Pourrions-nous avoir des informations sur ceux-ci ? S'agit-il des communautés aéroportuaires récemment créées sur l'initiative de M. le rapporteur Jean-François Legrand ?

En troisième lieu, en matière de contrôle aérien, nous avons de bonnes raisons d'être inquiets, comme le personnel, face à la volonté européenne d'ouvrir l'espace aérien à la concurrence, alors que la directive « ciel unique » est en discussion.

Dans ces conditions, quelles seront les conséquences du changement de statut d'ADP sur les activités de contrôle de la navigation aérienne, qui sont actuellement du ressort de la DGAC ? Le transfert de ces activités ne se traduira-t-il pas rapidement par leur privatisation, par anticipation de l'application de la directive « ciel unique » ?

Monsieur le ministre, 800 agents de la DGAC sont directement concernés. Selon les personnels, ce transfert devrait avoir lieu au 1er janvier 2005. Aura-t-il bien lieu à cette date ? Ce sont autant de questions qu'il faut éclaircir.

Vous l'aurez compris, je demeure, avec le groupe communiste républicain et citoyen, très inquiète des dispositions de cet article. Je crains que, à terme, elles ne se traduisent par une dégradation des missions de service public aéroportuaire et par une détérioration du niveau de sécurité pour l'ensemble des salariés travaillant sur les plates-formes aéroportuaires ainsi que pour les populations riveraines.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer cet article.

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