L'article 6 du projet de loi est fondamental. En coordination avec ce que nous avons dit précédemment, il convient de le supprimer.
Cet article définit tout à la fois l'objet social d'ADP, les conditions de mise en oeuvre des missions de service public, par le biais de ce fameux cahier des charges, et les modalités de contrôle par l'Etat d'éventuelles cessions d'actif.
Il définit tout d'abord les missions d'Aéroports de Paris : l'exploitation et l'aménagement des aéroports parisiens font toujours partie de ses missions, mais paraissent banalisées. Il s'agit d'activités d'aéroport comme d'autres, puisqu'il est mis fin au principe de spécialité.
ADP devient une entreprise de services comme une autre. Malheureusement, on ne sait pas à quelles activités ADP sera autorisé à se livrer. C'est la question que j'ai posée au sujet des statuts et pour laquelle je n'ai pas obtenu de réponse.
Y aura-t-il une limite à la diversification ? Sera-t-elle accessoire ? Aura-t-elle un lien avec l'activité du transport aérien ou simplement profitera-t-elle des disponibilités immobilières ? Ne donnera-t-elle pas lieu à d'importants mouvements de filialisation ? Comment sera contrôlée cette diversification de l'activité ?
Chacun se pose ces questions, y compris le personnel d'ADP et parfois même celui des compagnies aériennes.
L'article 6 définit ensuite les conditions de mise oeuvre des missions de service public. Celles-ci seront renvoyées à un cahier des charges, ce qui est assez classique et tout à fait dans la logique du Gouvernement : c'est le choix qui avait été fait pour les télécommunications, l'énergie et qui bientôt, vraisemblablement, sera fait pour La Poste. Le Parlement est laissé à l'écart de la définition du contenu des missions, et les règles fixées par la loi deviennent d'un laconisme que je qualifierais d' « étourdissant » !
Les missions ne sont tout d'abord pas strictement énumérées, comme en témoigne le recours à l'adverbe « notamment ». Le pouvoir réglementaire a donc le loisir d'y mettre ce qu'il veut. C'est un véritable « chèque en blanc » qui lui est ainsi donné, et je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, de vouloir placer mon argent dans pareille banque !
Dans quelles conditions ces missions seront-elles assurées ? On ne le sait pas. On ne retrouve pas la déclinaison des principes du service public : continuité, adaptabilité, universalité, neutralité, prix raisonnables.
On ne sait pas comment sera contrôlée l'exécution des missions confiées à ADP, selon quelle périodicité, ni quelles seront les sanctions qui pourraient être envisagées en cas de non-respect.
Quant à ces missions, je note des choses surprenantes. ADP est invité à participer au fonctionnement des services de navigation aérienne alors que ceux-ci relèvent de la responsabilité de l'Etat et sont déjà financés par la redevance de route et la redevance pour services terminaux, acquittées par les transporteurs aériens.
Est-ce à dire qu'il s'agit de mettre en place un double financement pour le fonctionnement des services de navigation aérienne ou que l'Etat externaliserait cette mission ?
Je note également qu'ADP décidera de la répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes et les aérogares. L'Etat aura-t-il encore son mot à dire ? Le hub d'Air France pourra-t-il un jour être remis en cause, ce qui, naturellement, serait grave ? Comme cela ne va évidemment pas dans le sens de l'intérêt d'ADP, on peut supposer que ce ne sera pas sa première initiative.
Je note enfin une possible extension des compétences d'ADP en matière de police administrative, ce qui paraît pour le moins surprenant.
Permettez-moi de noter enfin, mes chers collègues, que les rapporteurs des deux commissions ont émis nombre de réserves dans leurs commentaires sur cet article, notamment au sujet de la procédure d'opposition au profit de l'Etat sur la vente de biens nécessaires au fonctionnement de service public.
La rédaction de l'article 6 laisse dans l'ombre de nombreux points qui sont, de facto, renvoyés au cahier des charges, comme je l'ai déjà dit en défendant la motion tendant au renvoi à la commission de ce projet de loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît dangereux pour le bon accomplissement des missions de service public.