L'article 8 vise à introduire la possibilité de moduler les redevances versées par ADP et les aéroports régionaux en contrepartie des services aéroportuaires rendus, et ce sans l'accord de l'Etat et sans consultation préalable des usagers.
Il s'agit là d'une remise en cause des fonctions régaliennes de l'Etat, à savoir répartir les fonds publics perçus par le biais d'une redevance au regard des services d'intérêt général qu'il rend.
Dans le second alinéa, l'article 8 introduit une nouveauté puisqu'il permet d'intégrer dans le calcul de la redevance la rémunération des capitaux investis. Il s'agit encore une fois de satisfaire à l'impératif de rentabilité des investissements qui seront réalisés par une entreprise privée, alors même que le fondement de cette redevance reste l'exécution de missions de service public. Comment peut-on confier à une entreprise privée la mise en oeuvre de l'intérêt général ?
Ces modulations, précise-t-on dans le troisième alinéa, ne seront acceptées que si elles tiennent à un motif d'intérêt général, comme la préservation de l'environnement, l'amélioration de l'utilisation des infrastructures et la diminution de leur encombrement. Autant dire que ces motivations n'auront pas besoin d'une grande précision.
Nous pouvons craindre que cet article, qui modifie substantiellement le régime des redevances aéroportuaires, ne soit la porte ouverte à de nouvelles pratiques, au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.
En effet, cette mesure permet au Gouvernement de se soustraire non seulement au principe d'égalité devant les charges publiques, principe énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi au principe d'égalité de traitement des usagers du service public, notamment pour ce qui concerne l'utilisation du domaine public.
De plus, pour accroître leur bénéfice, et ainsi satisfaire leurs actionnaires, les gestionnaires d'aéroports pourraient être tentés de fixer les redevances à un niveau plus élevé pendant les périodes de pointe du trafic. A l'aéroport Charles-de-Gaulle, une telle pratique pénaliserait fortement l'entreprise d'intérêt national Air France, qui possède un hub et propose des vols, tant en heures creuses qu'en heures de pointe, pour répondre à l'ensemble des besoins et donc remplir ses missions de service public.
Cette nouvelle mesure va aussi tendre à accroître la concurrence entre les compagnies aériennes pour obtenir les aérogares les plus économiques. Quels seront alors les critères d'attribution ?
De plus, les risques de mise en place de traitements différents sont élevés. Ainsi, on pourrait faire payer plus les compagnies « traditionnelles » comme Air France et diminuer les tarifs pour les compagnies low cost qui offrent un service moindre.
Cette mesure pourrait se traduire par la mise en oeuvre d'une activité aéroportuaire à deux vitesses en fonction des revenus des usagers et risquerait aussi de porter atteinte aux normes de sécurité.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous reteniez le système de caisse unique ; nous nous en félicitons et nous espérons que vous tiendrez ces engagements.
Par ailleurs, les exigences de rentabilité immédiate et de réduction des coûts font peser de lourdes inquiétudes quant aux conditions d'accueil des usagers et à la sécurité des locaux.
Enfin, toutes les dispositions relatives aux modalités d'application de cet article - catégorie des aérodromes, assiette et taux de modulation des redevances, modalité de fixation des tarifs - sont renvoyées, une fois de plus, à un décret en Conseil d'Etat, ce qui constitue un véritable chèque en blanc donné à l'exécutif.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 8.