Intervention de Claude Guéant

Réunion du 18 octobre 2011 à 22h15
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de présenter le projet de loi dont l’examen nous réunit ce soir, je voudrais tout d’abord remercier les membres de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, notamment son président, M. Daniel Raoul, et son rapporteur, M. Alain Houpert, du travail qu’ils ont réalisé pour la préparation de ce débat.

Le Gouvernement souscrit d’ailleurs aux modifications qu’ils ont utilement proposées, sur un texte qui peut paraître technique, mais qui comporte des principes et des enjeux importants pour la Corse.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la Corse a besoin d’orientations claires pour se projeter dans son avenir, à travers l’élaboration d’un plan d’aménagement et de développement durable.

Je vous rappelle que la Corse s’est vu reconnaître depuis près de trente ans le droit d’élaborer son schéma d’aménagement. La loi du 30 juillet 1982 donnait déjà compétence à la région Corse pour adopter un schéma d’aménagement fixant « les orientations fondamentales en matière de protection, de mise en valeur et de développement de son territoire […] la destination générale des différentes parties de l’île, l'implantation des grands équipements […] et la localisation préférentielle des activités […] ainsi que des extensions urbaines ».

Cependant, ce régime restait fortement encadré par l’État. L’avis conforme du préfet était exigé sur les dispositions valant schéma de mise en valeur de la mer, lequel était soumis à approbation par décret en Conseil d’État. L’État pouvait se substituer à la région en cas de carence de celle-ci.

Le nouveau statut particulier issu de la loi du 13 mai 1991 a institué un schéma d’aménagement de la Corse. Celui-ci a été élaboré par l’État et approuvé par décret du 7 février 1992. Il est toujours en vigueur aujourd’hui, presque vingt ans après son élaboration, et le constat qu’il n’est plus adapté aux enjeux actuels fait désormais consensus.

Enfin, la loi du 22 janvier 2002 a institué un document unique, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse, dont la collectivité territoriale a dorénavant l’entière responsabilité, en ce qui concerne tant l’élaboration que l’adoption. Il n’est plus prévu de validation par l’État. Le PADDUC est donc déjà un cas unique, puisque les autres documents comparables relèvent d’une approbation par l’État, qu’il s’agisse du schéma directeur de la région d’Île-de-France ou des schémas d’aménagement des régions d’outre-mer.

Cette compétence, totalement décentralisée, d’élaboration d’un plan d’aménagement est majeure. Pour résumer les choses, je dirai que la collectivité de Corse est compétente pour définir un équilibre entre les objectifs du développement économique nécessaire de l’île et les impératifs de protection de son environnement exceptionnel.

Je l’affirme clairement, le Gouvernement n’entend apporter aucun changement à cette liberté d’élaboration, qui constitue l’un des éléments fondamentaux du statut particulier de la Corse.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le projet de loi ne préjuge en rien les choix de développement, qui n’appartiennent qu’aux élus de l’île et qui sont au cœur de la vie politique locale.

Les cinq années d’un travail considérable de préparation du premier projet de PADDUC, qui ont suivi les élections territoriales de mars 2004, ont souligné toute la difficulté de définir ce point d’équilibre entre le développement et l’environnement, au point que le projet volumineux ainsi élaboré, après beaucoup de discussions et de modifications, n’a finalement été soumis ni à l’examen ni au vote des conseillers territoriaux, au mois de juin 2009.

À l’occasion de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le Président de la République s’est ému de cette situation : presque dix ans après la loi de 2002, le PADDUC n’avait pas encore abouti. Il a donc souhaité faciliter l’adoption de ce plan, tout en respectant la compétence de la collectivité territoriale de Corse et en y intégrant très logiquement les prescriptions du Grenelle de l’environnement contenues dans la loi du 12 juillet 2010. À cet effet, le Président de la République a annoncé le dépôt du présent projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme le souligne fort bien votre rapporteur, Alain Houpert, dans son rapport très documenté, une autre spécificité corse est également à l’origine de la rédaction du texte qui vous est proposé : le statut de la collectivité territoriale de Corse prévoit la consultation de l’Assemblée de Corse sur les projets de loi et décrets qui concernent spécifiquement la Corse.

C’est donc très logiquement que le Gouvernement lui a soumis, à l’automne 2010, un avant-projet de loi tendant à faciliter l’adoption du PADDUC et son adaptation normale au Grenelle de l’environnement. C’est tout aussi logiquement que l’Assemblée de Corse a rendu son avis sur ce texte, le 17 décembre 2010.

Sur le plan strictement juridique, le Gouvernement n’est pas lié par cet avis. Toutefois, il est évident qu’il essaie de tenir, à chaque fois que cela est possible, le plus grand compte des avis de l’Assemblée de Corse, ce qui est parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi du 22 janvier 2002.

En l’occurrence, l’assemblée territoriale a donné un avis à l’unanimité de ses membres, ce qui n’est pas habituel sur un sujet aussi sensible, essentiel pour la Corse. Cela signifie que les forces politiques sont tombées d’accord sur ce que devait être la configuration d’un futur PADDUC, même si, bien sûr, elles ne sont pas encore d’accord sur son contenu.

Il est évident pour le Gouvernement qu’il doit être tenu le plus grand compte de cet avis unanime de l’Assemblée de Corse, par principe, naturellement, mais aussi parce que le futur plan d’aménagement devra se construire sur des bases qui doivent être aussi consensuelles que possible.

Un plan d’aménagement et de développement durable est indispensable pour avancer, mais c’est un exercice difficile qui requiert beaucoup de volonté de rassemblement.

Le Gouvernement a donc délibérément retenu, à chaque fois qu’il le pouvait, les propositions de l’Assemblée de Corse. Elles sont parfois novatrices, notamment parce qu’elles donnent au PADDUC une place qu’aucun autre texte n’occupe dans notre droit de l’urbanisme.

Nous connaissons déjà d’autres documents comparables à ce plan, tels que le schéma directeur d’aménagement de la région d’Île-de-France ou les schémas d’aménagement régionaux outre-mer. Toutefois, nous ne pouvons pas nous y référer dans ce texte, car ils ne s’imposent pas directement aux actes individuels.

Or, et c’est l’innovation proposée par l’Assemblée de Corse qui a été reprise dans ce projet de loi, le PADDUC pourra, dans certains cas qui seront encadrés, s’imposer aux décisions individuelles d’urbanisme. Nous avons veillé strictement à ce que cette opposabilité respecte les principes de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

Nous proposons, comme nous le verrons dans la discussion des articles, une solution qui préserve évidemment les libertés communales et qui exprime en même temps cette volonté de donner au PADDUC toute l’effectivité souhaitable.

Nous fixons notamment un degré de précision maximale à l’échelle qui sera adoptée pour la cartographie générale de plan. Nous réservons en outre les cartographies plus contraignantes aux espaces jugés stratégiques par l’Assemblée de Corse. Nous préservons aussi expressément la valeur des documents locaux d’urbanisme adoptés ou en cours d’adoption, qui continueront d’être opposables aux décisions individuelles.

M. le rapporteur a parfaitement analysé cette construction juridique minutieuse et je tiens à l’en remercier.

Je précise enfin que le projet de loi ne modifie en rien l’articulation du PADDUC avec la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi Montagne », ni avec la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi Littoral », telle qu’elle a été définie par le législateur de 2002.

Le texte reprend strictement les termes de la loi du 22 janvier 2002, qui prévoit que le plan peut « préciser les modalités d’application » de ces deux lois. Il est normal que le futur plan ait à préciser, dans certaines situations géographiques, la façon dont s’articulent ces deux textes, puisque de nombreuses communes de Corse sont soumises aux deux à la fois. Mais la loi Littoral et la loi Montagne resteront strictement applicables à la Corse, comme le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises devant les élus locaux.

Tels sont donc les principes essentiels qui nous ont guidés dans l’élaboration de ce projet de loi. Je précise aussi que ce texte intègre les prescriptions du Grenelle de l’environnement, contenues dans la loi du 12 juillet 2010, comme le souhaitait le Président de la République, de façon tout à fait logique.

Il permet également une articulation avec les autres plans et schémas régionaux, ce qui nécessite plusieurs adaptations importantes de textes existants.

Ce projet de loi permet aussi de tenir un débat d’orientation préalable à la discussion et je note que la commission de l’économie a également ajouté des précisions utiles au cadrage de ce débat.

Le Gouvernement tient beaucoup à cet important débat d’orientation. L’Assemblée de Corse l’a approuvé. Il ne faut pas se lancer dans un travail technique aussi considérable qu’un PADDUC sans avoir débattu de ses orientations générales qui sont, à l’évidence, déterminantes.

Enfin, le projet de loi prévoit la mise en place d’une véritable procédure de révision partielle ou totale, là encore comme le Gouvernement le souhaitait.

Telles sont les précisions que je tenais à apporter au Sénat avant d’entrer plus avant dans le détail du texte.

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