Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 18 octobre 2011 à 22h15
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aborde l’examen de ce texte avec perplexité, lassé d’entendre vanter en permanence la beauté des paysages corses et le souci que nous avons, tous les quatre ou cinq ans, de prendre notre destin en main… Pour paraphraser Boileau, je dirai que le Gouvernement doit avoir l’âme bien chevillée au corps pour remettre ainsi, quatre fois, l’ouvrage sur le métier.

L’âge étant là, j’ai pour ma part connu pas moins de quatre textes sur le sujet. Celui de Gaston Defferre disposait, si ma mémoire est bonne, que la collectivité territoriale de Corse devait établir son plan d’aménagement dans un délai de dix-huit mois. Or, pendant dix ans, rien ne s’est passé. Puis, quand la majorité régionale a voulu procéder, dans un sursaut, à l’établissement de ce schéma, M. Joxe, alors ministre de l’intérieur, a dit qu’il était trop tard. Et alors que, pendant dix ans, personne n’avait protesté contre la carence de l’Assemblée de Corse, il a été subitement décidé, après avis du Conseil d’État, que l’État se chargerait d’établir le schéma d’aménagement !

Dans une deuxième période, nous avons eu le texte de Pierre Joxe, qui était un « copié-collé » de celui de Gaston Defferre, mais qui prévoyait, pour l’élaboration du schéma d’aménagement, un délai d’un an, et non plus de dix-huit mois. Puis, à nouveau, plus rien ne s’est passé pendant dix ans…

Sous le gouvernement Jospin sont intervenus les accords de Matignon, qui ont abouti à la loi relative à la Corse du 22 janvier 2002. Il ne s’agissait alors plus d’un schéma d’aménagement, mais d’un PADDUC, la terminologie ayant changé et la mode du développement durable étant apparue. Il n’était plus question de délai dans le nouveau texte, sans doute par prudence : ses auteurs estimaient probablement que l’échéance ne pourrait jamais être tenue.

Nous revenons aujourd’hui sur ce sujet à l’occasion de l’examen du présent projet de loi. Je sens bien, à cet instant, qu’il existe une contradiction très forte, s’agissant de l’échelle de la cartographie, entre l’avis unanime de l’Assemblée de Corse et celui du Conseil d’État.

Je vous demande, mes chers collègues, de ne pas accorder trop d’importance à l’avis de l’Assemblée de Corse, car celle-ci vote très souvent ses textes à l’unanimité, dans le cadre d’un consensus mou. Je vous mets au défi de me dire quels textes ont fait l’objet de discussions féroces au sein de cette assemblée : il n’y en a pas !

Il peut donc y avoir une contradiction, sur laquelle nous reviendrons dans un instant, entre l’avis de l’Assemblée de Corse et celui du Conseil d’État. Comment concilier les deux ? Toute la difficulté est là ! On ne peut y parvenir, car l’avis de la collectivité de Corse, je le souligne, c’est la « légitimité » de la Corse !

Un leader nationaliste a récemment déclaré dans la presse que la co-officialité ayant été votée par 70 % des élus, l’Assemblée de Corse représentait la légitimité de la Corse. Or, il y a dix ans, nous avons été deux élus, sur cinquante et un, à voter contre les accords de Matignon. À ce moment-là, la légitimité était de 90 % ! Mais lors du référendum de 2004 organisé par le Président de la République – j’évoque un souvenir douloureux ! –, le résultat fut : 51 % de voix contre, 49 % pour…

Méfiez-vous donc de ce concept de légitimité, selon lequel il faudrait, en permanence, considérer comme un avis définitif ce que peut dire l’Assemblée de Corse.

J’évoque ce problème d’entrée de jeu, afin d’aborder le texte non pas avec l’esprit chagrin, mais avec la sérénité nécessaire à nos travaux ! Il nous faudra, en effet, aboutir, même si la majorité sénatoriale a changé. Après tout, sur un texte d’une « telle importance », un consensus peut se faire jour dans cette assemblée, avec quelques nuances tout de même…

Nous devons garder à l’esprit cet aspect des choses. J’ai souvent eu l’occasion de dire que l’étalon du « temps corse » ressemble un peu à celui du temps judiciaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion