Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera probablement moins chantant et plus banal que celui de M. Alfonsi. Mais ceux d’entre nous qui, sans être corses comme lui, connaissent un peu les spécificités de son île, peuvent comprendre les observations qu’il a formulées, même si les lois de la République doivent s’appliquer dans ce territoire comme ailleurs.
Je voudrais tout d’abord rendre hommage au rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, notre collègue Alain Houpert, qui a su nous éclairer sur les enjeux du présent texte et a tenu à entendre les principaux acteurs, à savoir les membres de l’Assemblée de Corse, les élus locaux et nationaux de ce territoire, ainsi que les représentants des services de l’État, des associations protectrices de l’environnement ou encore des assemblées consulaires.
Aux termes de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002, la collectivité territoriale de Corse a compétence pour élaborer un plan d’aménagement et de développement durable de la Corse. Ce plan emporte les mêmes effets qu’une directive territoriale d’aménagement ; il constitue le document stratégique de la Corse.
Un premier projet de plan d’aménagement et de développement durable a été élaboré en 2008. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a suscité, à l’époque, un débat passionné à l’Assemblée de Corse.
Dans une démocratie, le débat est naturel et nécessaire. Il doit surtout être fructueux, et pour cela il doit être sincère et objectif. En tout état de cause, le débat n’a pu s’engager dans la sérénité, le document ayant été « diabolisé » dès le départ.
L’examen de ce premier projet a donc été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse au bout de quelques mois, en 2009, et reporté.
Depuis 2003, ce plan a fait l’objet de toutes les discussions et de toutes les expertises ; il est aujourd’hui en panne. Ce sont donc les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse approuvé par décret en Conseil d’État du 7 février 1992 – il y aura donc vingt ans l’année prochaine – qui sont toujours en vigueur à ce jour.
La crainte d’un développement touristique de l’île qui se ferait au détriment de son environnement littoral avait plané tout au long des débats. La peur du « tout-tourisme », de l’économie résidentielle, de la spéculation, de la dépossession et du bétonnage des côtes a abouti à la non-adoption du plan d’aménagement proposé.
Un nouveau projet a, en conséquence, été élaboré. L’Assemblée de Corse a donné son aval à l’avant-projet de loi et l’a fait compléter. Il n’y a aujourd’hui plus aucune ambiguïté sur le dessein de ce plan d’aménagement et de développement durable de la Corse.
Le nouveau projet affiche clairement une stratégie de développement durable et partagé, qui valorise les atouts propres et identitaires de la Corse.
Lors de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le Président de la République a précisé qu’il souhaitait que soient intégrées dans le PADDUC les dispositions du Grenelle de l’environnement. Le nouveau plan d’aménagement et de développement durable de la Corse est donc la traduction d’orientations annoncées alors par le Président de la République. Il porte une vision de la Corse et de son avenir à moyen terme : un tourisme maîtrisé et équilibré en rapport avec la densité de la population résidente, un développement rural, agricole et forestier assaini financièrement, assis sur des projets collectifs et la recherche de la qualité, tel qu’il est défini dans le plan de développement rural de la Corse approuvé par l’Union européenne, un développement du tissu entrepreneurial fondé sur la responsabilisation du secteur privé, comme le prévoit le schéma directeur de développement économique, ainsi qu’une réelle valorisation du capital environnemental, inestimable richesse de la Corse.
Le nouveau PADDUC définit donc une véritable stratégie pour l’avenir de la Corse durant les quinze à vingt prochaines années, en synthétisant aussi harmonieusement que possible les grands objectifs du développement économique social et culturel, les principales orientations données à l’aménagement du territoire et surtout les préconisations faites pour assurer la protection de l’environnement.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir tend à modifier le contenu et la procédure d’élaboration du plan, jugée trop lourde et trop complexe. L’objectif est triple : préciser la vocation du plan en confortant son rôle de document structurant en matière d’aménagement ; intégrer les prescriptions du Grenelle de l’environnement et préciser la façon dont le plan s’inscrit dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme ; améliorer et simplifier la procédure d’élaboration, notamment en instaurant un débat sur les orientations fondamentales au sein de l’Assemblée de Corse.
Il importe d’insister sur le fait que, consultée sur l’avant-projet de loi, l’Assemblée de Corse, dans une délibération du 17 décembre 2010, a émis, à l’unanimité, un avis favorable, en demandant toutefois que soient pris en compte un certain nombre de modifications et d’ajouts, précisant notamment l’insertion du plan dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme.
Le présent projet de loi tient compte, pour l’essentiel, de ces souhaits, et il faut s’en féliciter. Il modifie le contenu du PADDUC. Il s’agit non pas de recentraliser cette démarche, mais plutôt de donner à la collectivité la possibilité d’élaborer une vision nouvelle, qui ne soit pas figée pour toujours et qui intègre la préoccupation nationale du développement durable, telle qu’elle ressort du Grenelle de l’environnement.
Les Corses souhaitent que ce plan soit le point de départ d’une nouvelle stratégie orientée vers un développement durable, la protection de l’environnement, particulièrement de l’environnement littoral, dans le respect de la loi Littoral et de la loi Montagne.
L’environnement est le ressort essentiel du développement de la Corse. Il est à la fois un atout qu’il faut préserver et un facteur de richesse. Tout découle de cette idée : les choix énergétiques, l’organisation des transports intérieurs, la conservation des terres à valeur agronomique, l’aménagement des espaces littoraux et de montagne, la préservation des sites, une bonne gestion de l’eau et du couvert végétal.
Cette stratégie doit permettre à la Corse de concilier de manière harmonieuse compétitivité, identité, aménagement et environnement.
Il est temps que la Corse prenne enfin pleinement confiance en elle-même et en ses potentialités. Elle se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire ; elle regarde vers l’avenir.
Monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui ne peut que recueillir l’adhésion des sénateurs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est avec enthousiasme que nous voterons ce texte.