Comment demander à un maire de refuser un permis de construire s’il sait que l’État ne cherchera pas, de son côté, à faire démolir la construction illégale ? En soutenant les élus corses pour trouver, par le dialogue, les clefs du développement durable de l’île, nous devons aussi affirmer la volonté de la représentation nationale de faire respecter le droit en Corse. Dans ce cadre, la cartographie choisie est un élément central – on l’a vu au cours de ce débat –, en ce qu’elle garantit le caractère directif du PADDUC, qui doit s’imposer à tout autre document d’urbanisme et sera opposable à des initiatives individuelles.
Toujours dans cette perspective, le respect des lois Littoral et Montagne est une question majeure, et nous devons rester très vigilants sur les dérogations pouvant être accordées à l’Assemblée de Corse pour leur application. C’est en ce sens que nous avons cosigné, avec nos partenaires du groupe socialiste et apparentés, menés par Thierry Repentin, un amendement visant à inclure cette question dans le débat préalable obligatoire.
Soyons ici très clairs : pour nous, écologistes, l’autonomie donnée à l’Assemblée de Corse pour l’élaboration du PADDUC doit obligatoirement aller dans le sens du renforcement, et non pas de la fragilisation, de la loi Littoral.
Monsieur le ministre, c’est un point sur lequel nous souhaitons obtenir toutes garanties. J’ai bien noté d'ailleurs vos propos selon lesquels « les lois Littoral et Montagne resteront strictement applicables à la Corse ».
J’insisterai également sur la préservation des terres agricoles. Quand on sait que la Corse est obligée d’importer les tomates qu’elle consomme, on se rend compte à quel point la question de l’autonomie alimentaire de cette région est aujourd'hui centrale. La protection de ses terres nourricières doit être, pour la Corse, l’occasion de développer une agriculture de qualité, créatrice d’emplois et de richesses et, par conséquent, économe en carbone.
Rappelons en effet, après M. le rapporteur, que le présent texte entend intégrer les dispositions de la loi Grenelle II au PADDUC, notamment l’exigence de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À cet égard, monsieur le ministre, puisque nous évoquons le Grenelle de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, comment ne pas dire un mot du véritable scandale que constitue le projet de la centrale dite « au gaz », imposé par l’État contre l’avis des communes et contraire au PLU de la commune de Bastelicaccia ?
Ce dossier aberrant nécessiterait véritablement d’être remis à plat, sur la forme comme sur le fond.
Sur la forme, tout d’abord, car l’État, monsieur le ministre, ne peut à la fois inviter les Corses à prendre en main leur destin en matière d’urbanisme et imposer ses propres choix en termes d’infrastructures, au mépris des avis des élus locaux et des documents d’urbanisme, qui existent en l’occurrence.
Sur le fond, ensuite et surtout, car promouvoir le principe d’une centrale au gaz alors qu’il n’existe aucune garantie de connexion de cette installation au gazoduc GALSI est pour le moins cavalier et fait sérieusement craindre qu’il ne s’agisse au final d’une centrale au fioul lourd polluante, dont la mise en service serait une aberration en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
L’Assemblée de Corse s’est clairement prononcée contre ce type de centrales, et le présent débat est aussi pour moi l’occasion de souligner que l’autonomie énergétique de la Corse, grâce aux énergies renouvelables, doit faire partie des objectifs du PADDUC.
Je souhaite par ailleurs relever que l’une des modifications demandées par l’Assemblée de Corse lorsqu’elle s’est prononcée sur l’avant-projet de loi en décembre 2010 n’a pas été intégrée par le Gouvernement au présent projet de loi : celle qui porte sur la prise en compte des risques sanitaires d’origine environnementale, s’agissant particulièrement des terres amiantifères, qui sont une particularité corse. Ce point reste un sujet de préoccupation pour nous, et le dossier devra être rouvert.
Toutefois, le développement durable ne se limite pas à la protection de l’environnement : ne confondons pas les deux termes ! Parler d’urbanisation de la Corse suppose aussi d’évoquer l’accès au logement pour tous, alors que nous savons combien il est difficile, pour la population locale, de se loger, du fait de l’augmentation des prix dans les régions touristiques et, tout particulièrement, insulaires.
Le PADDUC devra être accompagné d’une véritable stratégie pour le logement, d’un plan de développement urbain des grandes villes corses, notamment en matière de logements sociaux. M. le rapporteur a rappelé tout à l'heure que le taux de logements sociaux n’était en Corse que de 10 %.
En ce sens, le PADDUC devra être enrichi des conclusions des assises du foncier et du logement menées en Corse durant plusieurs mois, avec l’ambition affichée de constituer une démarche déterminante pour le développement durable de l’île et « un préalable à l’élaboration du futur PADDUC ».
Présentées à l’Assemblée de Corse, les conclusions de ces neuf mois de débats, qui ont mobilisé plus de cinq cents personnes, insistent justement sur les outils dont aura besoin demain la Corse, en lien avec son PADDUC : un établissement public foncier, un établissement public d’aménagement et de construction de logements sociaux, une agence d’urbanisme… Il ne s'agit nullement d’une énumération à la Prévert, comme j’ai pu l’entendre dire. L’ensemble de ces outils existent déjà dans toute collectivité importante, et il est donc temps que la Corse s’en dote également.
Les perspectives sont nombreuses, et au travers de ce débat nous voyons que le PADDUC s’inscrit aujourd'hui dans une véritable logique de mobilisation de la société corse. Pour reprendre les propos de Maria Guidicelli, conseillère territoriale chargée du foncier et du logement, « pour la première fois, la Corse se dotera d’une politique du foncier et du logement. Ce sera la colonne vertébrale de notre PADDUC. Nous avons la responsabilité de lancer un processus de régulation sociale et de lutte contre la spéculation. Rien n’est pire que le statu quo. Nous sommes face à l’absolue nécessité de répondre à une urgence sociale. »
L’enjeu social de l’habitat ne doit donc pas être oublié quand on évoque le PADDUC, qui ne se limite pas aux enjeux touristiques et de la protection des paysages. Nous soutenons l’amendement de Thierry Repentin visant à ce que les organismes d’HLM puissent aussi être entendus, à leur demande, lors de l’élaboration du plan.
La Corse ne peut pas être aménagée sans que cela fasse l’objet d’un consensus entre les Corses eux-mêmes. Dotée d’une assemblée territoriale aux pouvoirs élargis, la société insulaire peut dorénavant s’appuyer sur un lieu de débat politique qui l’éloigne des pratiques clientélistes et des dérives violentes. Le consensus qu’elle a réussi à trouver sur la définition de la méthode d’élaboration de ce second PADDUC témoigne d’une maturité politique qui rompt avec les images d’Épinal.
Comme le disait le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, il y a quelques jours, ce projet « est une véritable rupture par rapport à ce qui avait été fait auparavant. [Ce premier PADDUC] avait été élaboré sans concertation, il va falloir aller plus loin et poser les bases d’une nouvelle politique territoriale. » Notre responsabilité est donc d’accompagner ce processus par un vote de confiance et un soutien sans ambiguïté. Les écologistes voteront ce texte.