Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 18 octobre 2011 à 22h15
Plan d'aménagement et de développement durable de corse — Article 4

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Cet amendement vise à faire préciser par M. le ministre la signification exacte, s’agissant des modalités d’application des lois Montagne et Littoral, des mots : « adaptées aux particularités géographiques locales », introduits par M. le rapporteur en commission.

Le rapporteur nous avait alors dit que cette expression se comprenait d’elle-même et relevait du simple bon sens, mais ne s’agit-il pas d’ouvrir la porte à des dérogations à ces deux lois ?

À ce stade, il convient de revenir sur un débat qui s’est tenu au Parlement en 2001. Il s’agissait alors de savoir comment concilier le développement d’une île qui accusait un retard économique important par rapport au continent avec la préservation d’un environnement exceptionnel.

À l’époque, si les parlementaires verts et communistes avaient accepté le transfert d’un certain nombre de compétences et la possibilité d’adapter certaines dispositions réglementaires et législatives sous le contrôle étroit du Parlement, ils avaient tenté de restreindre autant que possible la capacité donnée à la collectivité corse d’adapter les lois Littoral et Montagne aux particularités locales.

Il est en effet indispensable de disposer de suffisamment de recul et d’être indépendant des contingences économiques locales pour prendre des décisions sages sur des questions qui intéressent le long terme, les générations futures et un patrimoine auquel sont attachés, au-delà des Corses, l’ensemble des Français.

Voici un exemple de particularité géographique locale corse devant être conservée : alors que plus de 60 % du littoral provençal est artificialisé, moins de 20 % du littoral corse est dans ce cas.

Il ne s’agit pas ici de mettre en doute la volonté des élus corses de protéger le patrimoine naturel de leur territoire, qui fait la force et l’attractivité de celui-ci, mais, comme je l’ai dit, ils sont aussi confrontés à une exigence de développement, qui constitue de fait une forme de pression à laquelle il leur est difficile de résister.

Le droit actuel autorise déjà des constructions légères destinées à l’accueil du public, par dérogation à la loi Littoral, alors que l’on sait quels problèmes cela peut poser : souvenons-nous de l’affaire de la paillote Chez Francis.

C’est peut-être un aveu, par l’État, de son incapacité à exercer un contrôle de légalité satisfaisant sur les permis de construire, due à un manque de moyens des services préfectoraux.

En définitive, si le littoral corse est encore, pour le moment, plutôt bien préservé en comparaison du littoral de la France continentale, c’est aussi parce que les lois Montagne et Littoral s’appliquent. Pour le coup, une application stricte de la loi permet de prendre en compte la particularité géographique locale essentielle de la Corse : celle d’être une montagne dans la mer. Cette configuration unique en France fait de ce territoire une perle dont le littoral ne doit pas connaître un traitement similaire à celui qu’a subi le littoral du continent.

Au fond, autoriser une adaptation de l’application des lois Montagne et Littoral en Corse aurait pour effet d’amener les élus de l’île à commettre les mêmes erreurs que sur le continent. Si pour l’heure la Corse est encore épargnée par le bétonnage, c’est aussi parce que la quasi-totalité des communes sont soumises soit à la loi Littoral, soit à la loi Montagne, soit à ces deux lois en même temps. Cela peut apparaître, aux yeux de certains, comme un carcan entravant le développement touristique, mais je pense qu’il convient de ne pas envisager le développement du tourisme en Corse comme on a longtemps pu le faire sur le littoral provençal ou languedocien.

L’opposition entre développement touristique et préservation de l’environnement ne date pas d’hier. On oublie qu’il y va aussi de la préservation d’un mode de vie corse qui se distingue du mode de vie sur le continent.

Bien entendu, les dispositions de la loi Littoral ne sont pas exemptes d’une certaine rigidité, mais cette nécessaire rigidité fait la force de ce texte, et il me semble qu’on lui a déjà apporté bien assez d’assouplissements.

Monsieur le ministre, j’attends d’entendre vos explications sur le sens exact à donner à l’alinéa 2 de l’article 4.

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