Intervention de Odette Terrade

Réunion du 29 septembre 2010 à 14h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Article 2

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Au cours des mois de janvier 2009 et 2010, la France a connu des vagues de froid d’une grande ampleur, durant lesquelles des pics de consommation d’électricité de plus de 90 000 mégawatts ont été observés durant plusieurs jours consécutifs.

L’ensemble des moyens de production existants, c’est-à-dire le nucléaire, l’hydraulique, le thermique charbon et gaz, le fuel et les moyens de pointe, auxquels il faut ajouter la cogénération, l’éolien et le solaire, permettent de répondre à ces pointes de consommation.

Bien que la France demeure un exportateur structurel d’électricité, notons qu’au cours du dernier hiver il a fallu recourir à des importations fréquentes, voire régulières. Bien sûr, il est normal que nous échangions de l’électricité avec les pays voisins, afin d’optimiser les moyens du réseau européen. Nous devons cependant disposer de moyens de production électrique suffisants qui permettent de passer les périodes de froid ou de chaleur sans être contraints de recourir à de telles importations.

Même en imaginant que les opérateurs privés jouent le jeu et investissent dans les moyens de production et les capacités d’effacement, il n’en demeure pas moins que ces investissements se feront de façon anarchique, sans garantie de cohérence et de complémentarité entre les différentes sources de production.

Les opérateurs font souvent le choix d’un mode de production énergétique en fonction de sa rentabilité. Les investissements massifs au profit du solaire photovoltaïque, notamment en raison de tarifs de rachat plus qu’attractifs, répondent à un intérêt financier. On sait pourtant que, durant l’hiver, le solaire ne permettra pas de répondre à la demande aux heures de pointe. La production éolienne est également très difficilement prévisible.

Cette tendance, qui est aux antipodes des impératifs d’une politique énergétique de long terme, a pour conséquence l’implantation anarchique de sites de production. Je pense ici aux centrales à cycle combiné gaz ou aux terminaux méthaniers, construits dans l’unique objectif d’une rentabilité financière rapide.

Pour faire face à l’augmentation de la consommation, aux hausses des maxima de consommation et à la baisse des disponibilités du parc européen, nous devons nous appuyer sur le fonctionnement optimal du parc de production électrique hexagonal. Or, depuis l’ouverture du secteur à la concurrence, on remarque, s’agissant de l’hydraulique, du charbon, du fuel et du nucléaire, que les politiques sociales et managériales menées par les différents opérateurs, de même que les investissements de maintenance et d’entretien, ne sont pas à la hauteur.

Le projet de loi va encore renforcer cette tendance.

De plus, il ne suffit pas de produire ; il faut aussi transporter. Ainsi, en période de grand froid, il n’est pas possible de produire de l’électricité de complément en pointe avec du gaz, car les installations d’importation et de transport du gaz naturel liquéfié sont saturées. Or l’article 2 ne se préoccupe pas du réseau de transport et de distribution.

Les capacités du réseau RTE n’augmenteront pas sensiblement dans les prochaines années. Quant à l’état du réseau, il laisse présager des pannes et des incidents. Quels investissements a-t-on prévu pour pallier cette situation ?

En ce qui concerne les capacités d’effacement, là encore, les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L’article 2 dispose que ces capacités peuvent être indirectes et échangeables, ce qui les relativise grandement. Cette gestion des économies d’énergie ne peut pas reposer sur les moyens et le bon vouloir de chacun !

Je pense également au manque de moyens financiers mis au jour par les Grenelle I et II. Les politiques d’économie d’énergie « à la carte » ne feront sentir leurs effets que sur le long terme. Elles restent aujourd’hui insuffisantes et sont socialement injustes.

Mes chers collègues, l’article 2 affiche une perspective ambitieuse qui avait suscité des doutes, lors de nos travaux en commission, parmi les sénateurs de toutes tendances.

Face à l’éclatement du secteur énergétique et à la privatisation, installée de plus en plus largement, seuls une maîtrise publique des installations des moyens de production, de transport et de distribution, un rôle central de l’État pour définir avec force les orientations tant pour l’industrie que pour l’habitat, et un renforcement des moyens dédiés à la recherche garantiront à notre pays sa sécurité d’approvisionnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion