Cet article est au cœur du nouveau mode de fonctionnement du marché de l’électricité figurant dans le projet de loi.
Le nouvel article 4-2 qu’il insère dans la loi de février 2000 est en effet le corollaire des dispositions de l’article 1er, qui visent à contraindre EDF à céder, par l’intermédiaire de l’ARENH, une partie de sa production nucléaire à ses concurrents. Il crée ainsi une incertitude nouvelle, et inquiétante, sur la sécurité d’approvisionnement énergétique de la France.
En conséquence, cet article soumet tous les fournisseurs à des obligations de capacités ou d’effacement, afin que chacun prenne sa juste part de responsabilité dans le fonctionnement du système électrique. Par ailleurs, il dispose que les garanties de capacités sont échangeables, et tend ainsi à créer un marché de capacités.
Je souhaite évoquer deux points particuliers.
La disposition prévue à l’alinéa 2, selon laquelle la somme des comportements de chaque fournisseur suffirait à garantir la sécurité d’approvisionnement énergétique de la France, peut paraître étonnante.
Si l’on se fie aux prescriptions du rapport de nos collègues Serge Poignant et Bruno Sido, cet alinéa signifie sans doute que tous les fournisseurs doivent prendre leur part dans l’assurance de la pointe électrique. Mais l’interprétation de cet alinéa peut aussi être plus large ; dans ce cas, cette disposition pourrait avoir des effets désastreux en matière de sécurité d’approvisionnement énergétique.
En effet, seule une véritable politique nationale de l’énergie - ou une politique européenne de l’énergie, au demeurant hypothétique -, peut apporter cette garantie. Or les projets de loi successifs adoptés depuis 2004 ont réduit, peu à peu, notre politique énergétique à la seule programmation pluriannuelle des investissements.
De plus, ce texte introduit une modification majeure par rapport à l’article 1er de la loi de février 2000, aux termes duquel la mission de sécurité d’approvisionnement est dévolue au service public.
Si les fournisseurs doivent dorénavant participer à la réalisation de cette mission, il faut exiger qu’ils apportent des garanties s’agissant de la conformité de leur activité à certaines orientations. Ils doivent ainsi s’engager à réaliser des investissements en production sur le territoire, garantir qu’une part de l’électricité qu’ils vendent est issue de la production d’énergies renouvelables, ou encore contribuer à la réalisation par leurs clients d’économies d’énergie.
Nous proposerons, tout au long de l’examen de ce texte, des amendements ayant pour objet de renforcer les obligations des fournisseurs alternatifs.
Le second point sur lequel je souhaite intervenir concerne la création d’un marché de capacités, rendue possible par le caractère échangeable attribué, à l’alinéa 7, aux garanties de capacités. Un tel marché est susceptible d’engendrer des dérives financières, alors même que plusieurs spécialistes reconnus des marchés de l’énergie doutent de sa capacité à jouer pleinement son rôle d’incitation à l’investissement.
L’exemple du marché européen des quotas de CO2 nous rappelle combien les dérives spéculatives et la volatilité sont courantes sur ce type de marché de certificats, en l’absence d’une forte régulation. Or, en ce qui concerne le marché des garanties de capacités, aucun mécanisme de régulation n’est prévu dans le projet de loi. Ce marché fera apparaître des producteurs d’électricité « virtuels », porteurs de certificats de capacités rachetés à d’autres.
La plupart des travaux scientifiques réalisés sur les marchés d’obligations de capacités concluent à la complexité de leur mise en œuvre et à la nécessité de définir avec précision leur architecture. Il semble que rien de tel ne soit envisagé dans ce texte.
Il faut donc s’attendre à une mise en place particulièrement longue, compte tenu de la situation du marché français de l’énergie, au sein duquel EDF demeurera le principal producteur d’électricité pour tous les types de moyens de production. En conséquence, ce marché ne pourra être un instrument d’incitation à l’investissement qu’à long terme.
C’est pourquoi le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements visant à inciter au développement de nouvelles capacités de production.