Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 29 septembre 2010 à 21h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Article 5

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Par ailleurs, nous sommes en droit de nous demander si nous ne sommes pas, avec cette loi, en train de substituer une insécurité économique et sociale de plus grande ampleur que celle qui menace aujourd’hui juridiquement nos entreprises.

Bien malin celui ou celle qui sera capable de nous dire combien coûteront réellement aux gros consommateurs industriels ces augmentations programmées de tarifs d’électricité !

Ce que nous savons, c’est que cela va coûter très cher. La CRE et l’Autorité de la concurrence l’ont évoqué. Nous nous dirigeons vers une augmentation des tarifs. Les entreprises qui ont fait le choix, entre 2003 et 2006, de s’aventurer sur le marché peuvent vous en parler. Tous les témoignages concordent : à l’heure actuelle, les industriels s’en mordent les doigts, et certains ont subi des hausses de 50 %.

Je ne reviendrai pas sur les bienfaits supposés de la concurrence. Vous êtes affecté du virus ou du TOC de la concurrence, et je n’ai pas d’antibiotique assez fort pour vous en prémunir…

Certains gros consommateurs seront beaucoup plus pénalisés que d’autres, celles et ceux qui sont très fortement dépendants de l’électricité et qui auront le plus grand mal, compte tenu des volumes considérés, à s’adapter rapidement. Ce n’est pas en cinq ans qu’ils pourront y parvenir. Je pense notamment aux producteurs d’aluminium qu’a évoqués tout à l’heure notre collègue Martial Bourquin. Je ne défendrai pas de la même façon les producteurs de silicium, car je considère que leur bilan carbone n’est pas exempt de tout reproche. Il existe en tout cas un véritable problème de compétitivité s’agissant des fameuses industries « électro-intensives », mais nous en reparlerons. Je pense aussi aux collectivités locales, dont le poste de dépenses énergétiques est loin d’être anecdotique.

Mais il faut aussi parler des conséquences pour le budget de l’État ! Alors que vous partez en chasse contre les niches fiscales, apparemment improductives, si nous suivons votre projet de loi, nous risquons en 2015 de nous réveiller – passez-moi l’expression – avec la « gueule de bois » !

C’est l’une des raisons pour lesquelles nous vous demandons de prévoir une date butoir beaucoup plus éloignée.

Nous souhaitons en outre, par le biais de cet amendement, vous alerter sur le fait qu’il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, vous faire les hérauts de la compétitivité des entreprises, dénoncer les charges sociales ou les 35 heures – j’en passe et des meilleurs ; vos arguments électoraux sont d’un niveau très bas – et considérer comme une victoire la fin des tarifs réglementés pour les entreprises.

Il n’y a pas de grande ambition industrielle sans grande politique énergétique, sans indépendance énergétique. Je l’ai dit lors de la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable, je rêve d’une politique industrielle européenne comme d’une politique énergétique européenne nous assurant l’indépendance.

Vous ne pouvez pas prendre la responsabilité de grever, même dans cinq ans, la compétitivité des entreprises. L’augmentation démesurée, programmée de la facture d’électricité dans ce projet de loi, c’est peut-être ce qui plombera dans quelques années nos entreprises dans la compétition économique.

L’autre raison pour laquelle nous souhaitons le report de cette date butoir est industrielle.

Les entreprises, les administrations, les industries, cela a été évoqué par Évelyne Didier, vont bien évidemment chercher des solutions moins énergivores, ce qui est en soi, une bonne chose. Malheureusement, nous devons constater que la filière industrielle verte française est débutante et qu’il faut du temps pour faire émerger de telles filières qui nécessitent des capitaux, des femmes et des hommes formés, des acteurs.

Si vous allez trop vite, les gros consommateurs trouveront des solutions ailleurs qu’en France. Nous aurons perdu sur toute la ligne.

Nous savons aussi que des consommateurs finals peuvent avoir la tentation de se servir de ces difficultés comme prétexte à des délocalisations, des suppressions d’emplois ou des conduites environnementales inacceptables.

Aussi, nous proposons que le ministre de l’énergie puisse accorder, au vu de situations économiques, environnementales et sociales particulières ou de l’exigence de qualité du service public, des dérogations à des consommateurs finals.

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