Pour commencer, je souhaite adresser une remarque à M. le rapporteur. Ce n'est en rien un reproche. Sur un sujet aussi complexe, sans doute aurait-il été utile que nous bénéficiions d'une synthèse de l'ensemble des auditions auxquelles a procédé la commission, suivant ainsi la démarche adoptée par M. Bruno Sido, lorsqu'il était rapporteur du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, et qui consistait soit à convier l'ensemble des sénateurs aux auditions, soit à leur faire parvenir un rapport de synthèse. Je souhaite que notre assemblée retienne cette proposition pour l'examen des prochains textes.
L'article 31 vise à modifier la définition du seuil de revente à perte, telle qu'elle est fixée par la loi Galland. Par un mécanisme de vases communicants, vous souhaitez, monsieur le ministre, pouvoir déduire du seuil de revente à perte la facturation des services de coopération commerciale excédant 20 % du prix net du produit vendu.
Ainsi, le seuil de revente à perte serait fixé non plus en fonction du prix de vente convenu entre le fournisseur et le distributeur, mais en fonction des opérations publicitaires et marketing sur ce produit, qui restent largement définies par le distributeur.
Insidieusement, le prix du produit est totalement déconnecté du coût du travail qui a permis sa réalisation. Ainsi, le produit peut être vendu à un prix inférieur à celui auquel le distributeur l'a acheté.
Il s'agit là d'une mesure extrêmement grave, qui revient sur les fondements mêmes du droit du travail et du droit commercial. Ce qui fait la valeur d'un produit, c'est la force de travail nécessitée par sa réalisation et le montant de sa matière première. De la même manière, les salaires sont fixés au regard du travail fourni.
Pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, la notion de prix rémunérateur doit être la base de toute relation commerciale. En d'autres termes, le prix de vente doit être directement lié au coût de production. Au regard de cette approche, la notion même de revente à perte n'a plus de sens.
De plus, la tolérance sur les marges arrière, en permettant qu'un pourcentage soit déduit du seuil de revente à perte, contribue, ainsi que je l'expliquais hier soir, à une baisse tendancielle des prix : non pas du prix de vente aux consommateurs, car il s'agit là d'une simple faculté laissée aux distributeurs, mais bien du prix accordé aux fournisseurs !
En d'autres termes, l'article 31 permet aux distributeurs de faire baisser les prix d'achat aux fournisseurs. En revanche, pour ce qui est du prix de vente aux consommateurs, on s'en remet à la bonne volonté du distributeur, puisqu'il s'agit d'une simple possibilité.
Monsieur le ministre, pensez-vous sincèrement que l'intérêt de Carrefour, pour prendre cet exemple, soit de vendre ses produits moins chers ? Bien sûr que non ! Il est d'accroître son bénéfice, comme toute entreprise capitalistique.
Au mieux, cette réforme permettrait aux distributeurs non seulement de pratiquer des prix d'appel abusivement bas sur certains produits, laminant par là même le petit commerce de proximité, mais aussi d'exercer une forte pression sur leurs fournisseurs afin qu'ils alignent leurs prix sur ceux du distributeur revendant à perte.
Ainsi, ni les fournisseurs ni les consommateurs ne se verraient aidés par cette loi. Une nouvelle fois, il s'agit de permettre à la grande distribution d'augmenter ses profits, pourtant déjà considérables.
Selon nous, seule une revalorisation des salaires et du pouvoir d'achat des Français est susceptible de permettre le développement des PME, et non un cadre législatif qui entérine leur déclin économique et financier en permettant des prix de vente toujours plus bas.
Lamennais disait : « Entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » S'agissant des prix, c'est particulièrement vrai.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article et le retour aux critères définis par la loi Galland, mais soutenu par une réelle politique de prix rémunérateurs. Ce n'est pas le statu quo, loin s'en faut !