Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 15 juin 2005 à 15h00
Petites et moyennes entreprises — Article 26

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

L'article 26 du projet de loi vise à considérer les accords de gamme comme étant de potentiels abus de position dominante, répréhensibles par le juge de la concurrence.

Nous souscrivons à l'objectif du Gouvernement qui est de limiter ces pratiques constituant de véritables entorses à la libre concurrence, comme nous venons de le voir. En effet, les accords de gamme permettent à un fournisseur de faire une remise au distributeur s'il consent à acheter l'ensemble ou la majeure partie de ses produits. Ces pratiques favorisent essentiellement les fournisseurs les plus importants, ceux qui disposent effectivement d'une gamme de produits avec un produit phare.

Cependant, la majeure partie des PME, qui ont aujourd'hui du mal à imposer leurs produits face aux géants de l'agroalimentaire, ne peuvent pas prétendre à ce type d'accord, n'ayant pas une gamme de produits ou, en tout cas, le même rapport de force.

Ainsi, alors que ce projet de loi prétend permettre le développement des PME, cette mesure apparaît contestable parce qu'elle entérine ce type de pratiques jugées répréhensibles, sauf si elles présentent un caractère abusif.

Cependant, la mise en oeuvre de cet article serait extrêmement délicate. En effet, le juge saisi d'un recours devrait déterminer si l'abus de position dominante est caractérisé au regard de deux critères : l'exploitation abusive, par une entreprise vendeuse, de l'état de dépendance économique d'une entreprise acheteuse, et l'affectation de fonctionnement ou de la structure de la concurrence par cette exploitation abusive.

Ces deux critères étant pour le moins évasifs, on laisse ainsi une marge d'appréciation très importante au juge de la libre concurrence. De plus, qui ira devant le juge pour contester ces pratiques ?

Dans le rapport de la commission des affaires économiques, il est indiqué que chacun des cocontractants trouve son avantage dans ce type de pratique.

Effectivement, il existe un intérêt commun entre les fournisseurs les plus importants et la grande distribution : la création d'un monopole privé. Le fournisseur vend plus de produits et l'acheteur peut à son tour les revendre moins cher.

Face à cette situation, quelle PME ira contester cet état de fait en engageant une procédure longue et coûteuse au cours de laquelle elle devra apporter la preuve de l'abus de position dominante ?

De surcroît, le juge de la concurrence, comme l'on s'en doute, apprécie de manière extrêmement limitative cette entorse au droit de la concurrence.

D'autre part; ces pratiques, loin d'encourager la diversité des fournisseurs dans les rayons des grandes surfaces, permettent une uniformisation des grandes surfaces, où seulement quelques marques phares proposeraient l'ensemble des produits.

Le distributeur qui, grâce à cette pratique, pourrait obtenir des prix préférentiels, n'aurait pas intérêt à solliciter d'autres fournisseurs. Au surplus, ces prix préférentiels feront inévitablement baisser l'ensemble des prix sur une même catégorie de produits en faisant baisser le seuil de revente à perte.

Pour toutes ces raisons, nous préférons à un encadrement juridique peu contraignant l'interdiction pure et simple des accords de gamme, seule à même de garantir l'égalité entre l'ensemble des fournisseurs.

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