Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 14 novembre 2006 à 16h10
Financement de la sécurité sociale pour 2007 — Débat sur la prise en charge de la dépendance

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2005, on comptait en France quelque 1 100 000 personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans. Elles seront 800 000 de plus en 2015 et leur nombre aura doublé en 2020. Si la plupart des personnes âgées vont bien vieillir, en conservant un bon état de santé, il faut savoir que la perte d'autonomie touche aujourd'hui 6 % à 7 % des personnes de plus de soixante ans.

Toutes les projections démographiques le confirment : nous allons vers un vieillissement progressif de la population française et un accroissement des situations de dépendance physique et psychique. La société française, comme la plupart des sociétés occidentales, va être durablement affectée par cette situation qui, directement ou indirectement, concernera tôt ou tard toutes les familles. Il s'agit d'un défi médical, social et financier encore largement sous-estimé, que seule une politique soigneusement préparée et construite pourrait aider à relever.

Malheureusement, la politique du Gouvernement en direction des personnes âgées et handicapées souffre d'un manque de lisibilité et de cohérence. Cette politique, faute de financement pérenne, manque d'ambition. Elle se situe encore aux limites de l'aide sociale, alors que la perte d'autonomie devrait être appréhendée comme un risque social à part entière, avec un financement et une prise en charge à long terme. Les perspectives concernant la prise en charge sont pessimistes, aussi bien pour les personnes âgées dépendantes que pour les handicapés.

La Cour des comptes a, à maintes reprises, fortement critiqué l'insuffisance des financements concernant les personnes âgées dépendantes. Les personnes âgées et leurs familles sont les premières victimes de l'insuffisance et de la complexité des financements.

En effet, la situation actuelle aboutit à des financements disparates sur tout le territoire, au risque d'engendrer des discriminations, au détriment d'une prise en charge équitable des personnes.

Le financement des dépenses assurées par la collectivité relève d'un grand nombre d'acteurs : l'État, les collectivités territoriales, la sécurité sociale, les établissements publics comme le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FFAPA, remplacé en 2004 par la CNSA. Cet ensemble d'acteurs est marqué par un faible engagement direct du budget de l'État dans les dépenses en faveur des personnes âgées. L'essentiel des financements provient des départements, de l'assurance maladie et des coûts supportés indirectement par l'État via des exonérations d'impôts.

Les financements budgétaires de l'État en faveur des personnes âgées dépendantes ont toujours été limités et ont régressé au rythme des transferts de compétences vers le FFAPA, puis la CNSA et les départements.

Les sources et les circuits de financement sont particulièrement complexes, puisqu'ils font intervenir la fiscalité nationale, la fiscalité locale, les cotisations sociales. Un même type de ressources peut profiter à plusieurs acteurs : la contribution sociale généralisée, la CSG, participe ainsi au financement des prestations de la sécurité sociale, mais aussi à celui de l'APA.

L'État, les départements, les communes, les caisses de sécurité sociale ou de vieillesse ainsi que les établissements sont autant d'intervenants pour cette prise en charge. De plus, les personnes âgées contribuent directement.

Cette multiplicité d'intervenants rend illisible le partage des responsabilités et des compétences en matière de financement des dépenses de fonctionnement et d'investissement des établissements. Il faut simplifier le paysage institutionnel. Un service efficace est aussi un service lisible, et ce n'est pas le cas actuellement.

La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, par la loi du 30 juin 2004, annoncée comme une solution par le Gouvernement, n'a pas permis de clarifier le financement des actions en faveur des personnes âgées, actuellement prises en charge par de multiples acteurs. Comme nous l'avions annoncé au cours des débats en 2004, la création de cette caisse a renforcé la complexité d'un système déjà fort compliqué, avec des responsables multiples et des financements croisés.

Les différentes aides apportées aux personnes dépendantes doivent être clairement affichées, qu'elles proviennent des collectivités territoriales ou des caisses de sécurité sociale et de retraite. Il est urgent de mettre en place un système d'information maîtrisé par la Caisse qui organise la transparence sur les actions menées et les dépenses réalisées par les départements et qui permette de repérer les situations particulières.

Par ailleurs, le 25 avril 2006, lors d'une réunion du conseil de la CNSA, il aurait été décidé de l'affectation partielle de fonds au financement du recrutement et de la formation de trois cents éducateurs sportifs au bénéfice de fédérations de sport adapté. Cette information est-elle exacte, monsieur le ministre ?

Cette décision est particulièrement choquante. Je rappelle que le budget de la CNSA, financé par les salariés à travers les cotisations sociales et la journée annuelle de travail gratuite, ne doit pas financer une activité qui est du ressort du budget de l'éducation nationale et donc de l'État. À l'issue de cette réunion, de nombreux membres du conseil de la CNSA auraient d'ailleurs demandé à leur président de notifier au Gouvernement leur opposition à cette décision.

Monsieur le ministre, où est la transparence ? Pouvez-vous nous donner des explications ?

Il faut assurer une meilleure visibilité des enveloppes budgétaires et de leur répartition dans le but de mieux connaître les besoins analysés au niveau local.

En l'état actuel, malgré de nouvelles sources gérées par la CNSA, les financements sont loin de couvrir les besoins de l'ensemble des personnes âgées.

Je tiens à évoquer un autre défi, celui de la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes. À soixante ans, celles-ci sont souvent renvoyées des établissements spécialisés. Environ 650 000 personnes sont aujourd'hui concernées.

Déjà lourd à prendre en charge pour les familles, le handicap est encore plus difficile à appréhender lorsqu'il est cumulé avec l'âge. Que devient-on quand on est handicapé, particulièrement handicapé mental, et que l'on atteint l'âge de soixante ans ? Passé ce stade, les institutions considèrent ces citoyens non plus comme des handicapés, mais comme de simples personnes âgées, ne leur proposant donc pas d'accueil spécifique.

À l'exception de certaines initiatives locales individuelles dispersées sur le territoire, il n'y a, à ce jour, aucun système coordonné en France pour faire face à ce problème singulier et, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie, inexorablement croissant. Or quelque 400 000 personnes handicapées depuis leur plus jeune âge ont aujourd'hui dépassé la soixantaine. Au total, la population handicapée vieillissante est estimée à 650 000. C'est ainsi que 70 % des actuels porteurs de la trisomie 21 devraient vivre au-delà de cinquante ans.

Le rapport de M. Paul Blanc intitulé : « Une longévité accrue pour les personnes handicapées vieillissantes : un nouveau défi pour leur prise en charge » dénonce une situation alarmante. Selon lui, « les personnes handicapées vieillissantes et leur famille vivent dans la hantise d'être virées de l'établissement qui les héberge après soixante ans ».

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