L'article 13 est en totale contradiction avec l'objectif affiché de la négociation de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, à savoir assurer l'employabilité des salariés en cas de restructuration de l'entreprise.
Il prévoit en effet que la négociation de la GPEC peut préciser la qualification des catégories d'emplois menacés par les évolutions économiques et technologiques, ce qui transforme la GPEC en une sorte d'accord de méthode en vue de préparer les licenciements, auxquels on s'efforce, bien évidemment, d'associer les représentants du personnel. Faut-il rappeler que les accords de gestion prévisionnelle sont des accords spécifiques d'entreprise et non pas des conventions collectives avec toute l'expertise juridique qui s'y attache ?
Pour faciliter ces départs en douceur, l'article 13 prévoit que les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre de cet accord bénéficient des exonérations fiscales et sociales prévues pour les indemnités de licenciement économique.
Ainsi que nous l'avons déjà dit lors de la discussion du projet de loi sur la participation, la gestion prévisionnelle est transformée pour se substituer au licenciement économique. Il s'agit d'abord d'obtenir du salarié qu'il signe lui-même son départ volontaire, afin d'éviter tout recours ultérieur devant les prud'hommes.
Comme le veut le MEDEF, il faut « dépénaliser le droit du travail », c'est-à-dire, en clair, se dégager de toute obligation procédurale en matière de licenciement, et même supprimer le licenciement économique en le transformant en départ volontaire. Le CDI est ainsi discrètement vidé de son contenu, sans que l'on ait à affronter de manifestations.
Le juge pourra seulement contrôler si, en amont, il y a bien eu un accord de gestion prévisionnelle, avec un contenu réel. Des jugements, que nous avons déjà cités voilà quelques jours, sont explicites sur le sujet.
Il s'agit aussi pour les entreprises, notamment les plus importantes, de contourner les obligations liées au licenciement économique, notamment les obligations d'adaptation et de reconversion des salariés, et à la réindustrialisation des bassins d'emploi.
Dans ce contexte, l'exonération fiscale et sociale joue le rôle d'appât. L'entreprise réalise dans cette affaire une profitable opération, en économisant sur les frais liés au licenciement et en bénéficiant d'une exonération de nature sociale. Le salarié, quant à lui, bénéficie d'une exonération d'impôt sur le revenu, s'il est assujetti à cet impôt, et d'une exonération de CSG si la somme reçue est dans la limite de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Ce point nous paraît d'autant plus important que les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle ne sont déterminées que par les accords eux-mêmes.
La seule condition imposée au salarié ne manque pas de sel : qu'il ait retrouvé un emploi stable à l'issue de son contrat de travail ! Mais, de nos jours, un emploi stable, cela commence avec un CDD de six mois, dans le cadre d'un congé de mobilité par exemple, puisque tout cela s'articule parfaitement.
Enfin, le projet de loi prévoit que la mesure devrait être intégralement compensée à la sécurité sociale, mais sans que l'on nous indique quelle somme est prévue à cet effet.
Nous ne manquons donc pas de motifs pour nous opposer totalement à ce dispositif, apparemment sympathique, mais qui ne vise qu'à licencier sans procédure ni motif et à priver les salariés de tout recours.
En dévoyant la gestion prévisionnelle des emplois et en exonérant l'indemnité de départ volontaire, vous inventez le licenciement en silence et en solde.