Intervention de André Rouvière

Réunion du 20 février 2007 à 16h15
Code de justice militaire et code de la défense — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de André RouvièreAndré Rouvière :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission - nous sommes très heureux de vous retrouver -, mes chers collègues, comme cela a été dit, ce texte vise à apporter plus de cohérence, plus de clarté et une protection plus importante de certaines catégories de citoyens. C'est une bonne chose.

Toutefois, je regrette les lacunes et le manque d'ambition du présent projet de loi.

S'agissant tout d'abord de ses lacunes, je pense, monsieur le ministre, qu'elles ne sont pas intentionnelles et qu'elles résultent de la volonté du Gouvernement d'aller vite, trop vite, ce que je déplore.

Par exemple, le nouvel article L. 212-75 du code de justice militaire suscite mon interrogation, car je ne comprends pas les motivations qui ont conduit l'auteur du présent projet de loi à établir une discrimination entre les différentes catégories de personnes pouvant bénéficier d'une protection de leurs lignes de communication.

L'article L. 212-75 du code de justice militaire précise : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile, sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction, à peine de nullité ». Cette formule est claire et complète et, pour ma part, je l'approuve.

Mais pour quelle raison les parlementaires que nous sommes ne bénéficient que d'une protection que je qualifierai de tronquée, réduite, partielle, incomplète, et donc inefficace ? Monsieur le ministre, les dispositions du projet de loi concernant les parlementaires sont les suivantes : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction. » Cette rédaction réduit fortement la portée de la protection. En effet, l'expression « la ligne » prête à confusion. Quel député, quel sénateur n'utilise qu'une seule ligne de téléphone ? De plus, il n'est pas question de la protection de la ligne installée à son domicile. Je pourrais formuler la même remarque au sujet du militaire siégeant dans une juridiction des forces armées.

Le nouvel article L. 212-75 crée donc deux catégories de citoyens protégés d'une interception de leur ligne. Il conviendrait, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que la rédaction soit la même pour les quatre catégories de personnes citées dans cet article, et cela au nom de l'équité. Dans ce domaine de la protection, tous les citoyens doivent être traités, me semble-t-il, de façon identique. Sinon, je souhaiterais connaître et les raisons de cette discrimination.

S'agissant du manque d'ambition du texte, je pense que celui-ci aurait pu être l'occasion d'élargir le champ de notre réflexion ; c'est d'ailleurs à cet exercice que s'est livré notre collègue Robert del Picchia.

Ainsi aurions-nous pu nous interroger sur au moins deux questions.

Tout d'abord, à l'heure où nos soldats évoluent à l'extérieur, sur de nombreux et dangereux théâtres d'opérations, à l'heure où les plans Vigipirate les mobilisent, ne faudrait-il pas débattre de ce que l'on appelle l'état de paix et l'état de guerre ? La nature des conflits évolue. L'état de paix et l'état de guerre tels qu'ils sont définis légalement aujourd'hui risquent de ne plus correspondre aux situations vécues et subies.

Autre question qui aurait pu être abordée et débattue : l'implication de nos militaires dans des conflits extérieurs toujours plus nombreux et qui risquent, je le crains, d'être plus dangereux. Le rôle du Parlement mérite d'être, à cet égard, bien plus important. En dehors du vote des crédits, qui se fait généralement a posteriori, le Parlement n'est pas consulté sur la participation de notre pays aux opérations extérieures, qui peuvent être de véritables guerres sans pour autant porter cette appellation.

Monsieur le ministre, ces points appelaient un large débat.

Si ce texte apporte, certes, une légère amélioration par rapport à la législation actuelle, nous le jugeons timoré et imparfait et ne saurions donc y apporter notre soutien. C'est pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra.

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