Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 13 novembre 2007 à 16h15
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Débat sur la démographie médicale

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre séance de ce jour débute par un débat thématique sur la démographie. Je m'en réjouis, car c'est un sujet sensible, préoccupant, sur lequel je n'ai eu de cesse, depuis que je siège dans cet hémicycle, de tirer la sonnette d'alarme.

L'an dernier, à la même époque, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, j'avais déposé des amendements afin d'améliorer la rémunération des médecins qui exercent en milieu rural ou dans les quartiers sensibles, et j'avais finalement obtenu partiellement gain de cause.

Les malades sont-ils égaux en matière de soins médicaux ? Le grand public se pose épisodiquement cette question dont nous débattons aujourd'hui. Pourtant, elle concerne au premier chef bon nombre de nos concitoyens !

Récemment, la réaction des internes en médecine a remis cette question sur la place publique, mais il est fort probable que, noyée dans le climat de mécontentement général, la vraie motivation des manifestations des médecins soit aujourd'hui oubliée.

Le mouvement des internes en médecine s'est soldé par une nouvelle rédaction des articles 32 et 33 du projet de loi, articles pâles et insipides, de portée très générale, pleins de bonnes intentions. En effet, suggérer des mesures incitatives dans un texte législatif n'est pas de nature à résoudre en profondeur un problème.

Pour ma part, tout en sachant que la démographie médicale est également défaillante dans des milieux urbains, je m'en tiendrai à évoquer le milieu rural.

Quelle est la situation et quel est le diagnostic ? Qui n'a pas été confronté à des délais d'attente très longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste ? Nous verrons plus loin que l'accès au généraliste n'est pas non plus toujours facile selon le lieu de résidence.

La répartition de l'offre médicale dans notre pays connaît donc aujourd'hui de graves disparités.

Pour schématiser : premièrement, il y a trop de médecins dans le Sud et il n'y en a pas assez dans le Nord ; deuxièmement, à l'échelle du département, de vastes secteurs sont de véritables déserts médicaux ; troisièmement, à l'échelle des agglomérations, pour certains quartiers, le service des urgences est le seul lieu de soins.

Je ne reprendrai pas les chiffres de la densité médicale sur le territoire. Cependant, si on examine la carte de la démographie médicale en France, on pourrait en conclure que la situation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur est bonne.

En effet, la région compte 194 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, à y regarder de plus près, dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, qui cumule le double handicap de se situer en zone rurale et de montagne, cohabitent des secteurs avec une forte présence médicale, comme dans le val de Durance, et des secteurs où, sans un ressaisissement puissant et volontariste, se profilent de grandes difficultés.

Pour l'instant, dans mon département, certains cantons ne comptent aucun médecin. Plusieurs secteurs sont encore peu ou moyennement dotés. Mais pour combien de temps ?

En effet, aujourd'hui la vraie question est celle du remplacement des praticiens. Combien de médecins nous disent qu'ils ne trouvent pas de successeur au moment de leur départ à la retraite ? Ce problème concerne aussi bien les généralistes que les spécialistes dans les villes moyennes. Il y a peu de temps, avec amertume et tristesse, un spécialiste me disait : « Je vais fermer mon cabinet comme un commerçant qui a fait faillite ! »

Par voie de conséquence, ce non-remplacement met dans l'embarras les patients, qui ont bien du mal à trouver un médecin traitant.

Les mesures financières incitatives sont finalement nombreuses : exonérations fiscales, exonération de taxe professionnelle, exonération de charges patronales, primes à l'installation, majoration d'honoraires, aides des collectivités. Quoi qu'il en soit, il faut bien reconnaître que ces mesures n'ont pas répondu aux attentes. Il faut dire qu'elles sont encore mal connues et qu'elles mériteraient d'être mieux diffusées, expliquées et simplifiées sur le plan administratif.

J'évoquerai maintenant les causes de ce dysfonctionnement.

Des enquêtes ont été menées auprès des jeunes médecins afin de connaître les raisons de leur manque d'intérêt pour aller exercer dans des zones en difficultés, qu'elles soient rurales ou urbaines.

Ces raisons, d'une inégale pertinence, sont développées dans le rapport de notre collègue Jean-Marc Juilhard : crainte d'une disponibilité permanente et sans faille ; inadaptation au milieu, car le métier de médecin a évolué : les carrières sont plus courtes et ces professionnels ne souhaitent plus habiter sur le lieu de travail ; inadaptation à une vie personnelle, qui requiert une disponibilité familiale pour les week-end et pour les loisirs, des journées de travail moins longues, voire des temps partiels ; absence d'autres professions de soins et de plateau technique à proximité.

Pour ces futurs médecins, le milieu rural est souvent assimilé à une charge de travail importante et à la solitude. « J'ai peur d'être appelée à travailler seule », répondait une jeune interne lors d'une récente interview télévisée. Cette crainte de l'isolement professionnel et personnel n'est-elle pas l'illustration d'une carence de formation et d'information ?

J'en viens aux dangers de cette situation.

Premier danger, la pénurie de médecins peut remettre en cause la qualité des soins dispensés par des praticiens « surbookés ». En effet, un médecin pratique en moyenne quelque 5 000 actes par an. Or, dans les zones en difficultés, le chiffre s'élève à 7 500 !

Deuxième danger, l'absence de médecins engendrera inéluctablement des difficultés pour les hôpitaux ruraux, dont l'avenir est déjà compromis puisqu'on leur reproche une trop faible activité. Si ces hôpitaux ferment, la progression du « désert médical » s'accélérera.

De la même manière, il deviendra de plus en plus difficile de recruter des médecins pour le corps des sapeurs-pompiers volontaires.

Quels remèdes peut-on apporter afin d'améliorer cet état de fait ?

Il est indéniable que, partout où c'est possible, la médecine regroupée doit être accompagnée et favorisée. Le travail en équipe des maisons ou centres de santé offre aux praticiens un confort et une qualité de travail qui ne sont plus à démontrer.

Néanmoins, ne faut-il pas agir dès les études de médecine ? Pourquoi ne pas reconnaître une spécialité « médecine en milieu rural » ? Dotés de leur formation universitaire, les médecins ruraux n'exercent-ils pas, depuis toujours, la pédiatrie, la gériatrie, la microchirurgie ou les urgences ? Reconnaissons que la rémunération des médecins de campagne n'est pas à la mesure des missions exercées.

De même, on a pu constater que le lieu d'études et de stage des étudiants déterminait souvent leur lieu d'installation.

Les études de médecine se déroulent principalement dans les grandes villes universitaires. Pourquoi ne pas décentraliser une partie de la formation en zone rurale afin d'établir une première « accroche » avec la vie médicale des zones rurales ou sensibles ?

S'agissant des mesures incitatives, je soulignerai le rôle des collectivités territoriales, qui développent des politiques d'aides pour les études ou à l'installation.

Les aides offertes actuellement par l'assurance maladie et par les collectivités locales pour favoriser l'installation des médecins dans les zones sous-médicalisées sont utiles, mais insuffisantes, car elles ne sont pas toujours opérantes.

Lors de mes rencontres avec les maires, deux pistes m'ont été suggérées qui méritent d'être citées dans ce débat. Chacun en fera ce qu'il veut.

Tout d'abord, nous pourrions créer un corps de médecins civils qui, à l'image des médecins militaires, après une formation assortie d'un engagement décennal, seraient affectés dans les zones sous-médicalisées.

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