Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation que nous venons d'examiner ne sera pas sans effets négatifs au sein de la société française, du monde agricole et de la ruralité.
Ce projet de loi néglige complètement les questions de rémunération du travail agricole et de souveraineté alimentaire, enjeux extrêmement liés.
Les mesures phares que sont le fonds agricole et le bail cessible visent particulièrement à conforter le développement de grandes exploitations et la concentration agricole et, au-delà, à faciliter la mise en place d'une agriculture d'agromanagers.
Ces effets négatifs sont d'ailleurs encouragés par l'assouplissement du contrôle des commissions départementales d'orientation en agriculture et par les multiples mesures d'exonération fiscale qui visent à masquer l'absence de rémunération effective des productions agricoles.
La loi d'orientation agricole passionne-t-elle les milieux agricoles ? Pas si sûr. Elle instille cependant à tous les niveaux les critères de gestion du marché et de la finance, qu'il s'agisse du fonds agricole, du bail cessible, des réformes des offices agricoles, des coopératives et des organisations de producteurs, du contrôle sanitaire, des centres d'insémination, de la taxation des biocarburants... Je pourrais ainsi continuer longtemps l'énumération !
Les petites et moyennes exploitations peuvent et doivent continuer d'exister afin de maintenir l'effet de structuration qu'elles jouent au sein de la ruralité, mais également de garantir la diversité des productions traditionnelles, la réalité sociale et culturelle qui donne tout son caractère à nos campagnes.
Ces exploitations assurent largement le fonctionnement de l'économie rurale et la vitalité des communes rurales et périurbaines qui constituent l'essentiel de nos collectivités locales.
Ces exploitations doivent enfin trouver les nouvelles formes d'organisation, qu'elle soit familiale ou multifamiliale, afin que les agriculteurs puissent vivre comme tout un chacun ; garantir à ces derniers un revenu rémunérateur nous semble être la première condition au maintien de l'existence des exploitations, qui ont également l'avantage d'être plus aisément transmissibles. Hélas, le projet de loi va à l'encontre de tous ces éléments.
L'avenir de l'agriculture française est, de surcroît, assombri par les perspectives de la PAC, la disparition progressive des aides sans compensation des prix, ce qui est suicidaire.
Par ailleurs, le comportement du commissaire Mandelson, en particulier, et des instances européennes, en général, montre toute la faiblesse, voire la trahison, eu égard à une solidarité européenne que l'on aurait pu attendre.
C'est dans cet esprit que nous allons aller à Hong Kong pour y négocier l'impossible et brader l'agriculture française sur l'autel des services et des produits industriels.
Oui, la guerre alimentaire est déclarée de longue date, et, sans modifications en profondeur des objectifs et des modes de fonctionnement de l'OMC, nous courons à la catastrophe.
Le texte de loi, au lieu de renforcer la situation de l'ensemble des agriculteurs français, est une fuite en avant, voire un encouragement à s'inscrire dans les logiques de l'OMC de suppression des barrières douanières, de prix mondial et de loi de la jungle.
Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique. Nous voterons donc contre ce texte, et demanderons un scrutin public.
Cela dit, je voudrais souligner, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que, au cours de ce débat, nous avons apprécié le climat de respect mutuel qui a prévalu, sans que, naturellement, personne ne se prive d'affirmer avec force ses conceptions du devenir de l'agriculture française.