Intervention de Yvon Collin

Réunion du 29 octobre 2008 à 15h00
Assurance récolte obligatoire — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de l’année, Jean-Michel Baylet et moi-même avons déposé une proposition de loi tendant à généraliser l’assurance récolte obligatoire.

Nous nous réjouissons d’avoir aujourd’hui la possibilité de défendre ce texte, qui, je le crois, répond à une attente exprimée depuis longtemps par de nombreux agriculteurs.

En effet, le dispositif assurantiel existant, qui comprend l’assurance récolte telle qu’issue de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 et le système d’indemnisation public via le Fonds national de garantie des calamités agricoles, se révèle trop limité pour répondre efficacement aux conséquences des aléas climatiques.

Depuis quelques années, on observe une augmentation de l’intensité et de la fréquence des intempéries. On en connaît les effets dévastateurs sur les récoltes et, in fine, sur les revenus des exploitants. En moyenne, un agriculteur subit une perte de revenu de 20 % tous les trois à quatre ans. S’agissant plus particulièrement des arboriculteurs, leur revenu chute en moyenne de 30 % tous les 3, 6 ans, en raison d’averses de grêle, malheureusement de plus en plus fréquentes.

Bien sûr, l’agriculture est par nature – si j’ose dire ! – fortement dépendante des conditions climatiques, mais c’est là une donnée avec laquelle les agriculteurs ont toujours su qu’ils devaient composer. Il reste que, d’une façon générale, ces derniers sont confrontés à de nouveaux défis susceptibles d’accroître leurs difficultés.

Ils doivent faire face à des risques émergents dans le domaine sanitaire, tels que l’encéphalopathie spongiforme bovine, hier, ou la fièvre catarrhale, aujourd’hui. Il leur faut aussi s’accommoder de la volatilité des marchés qui peuvent, au gré des variations des cours, déstabiliser leurs revenus.

Alors, quand les caprices du ciel s’ajoutent aux aléas d’ordre économique et sanitaire, les agriculteurs les plus fragiles se retrouvent parfois bien démunis pour gérer les risques. C’est pourquoi, avec mon collègue Jean-Pierre Baylet, également sénateur de Tarn-et-Garonne, j’ai souhaité renforcer quelque peu la sécurité des agriculteurs contre l’un de ces risques.

La proposition de loi est simple puisqu’elle tient en deux articles. Le premier vise à rendre obligatoire l’assurance récolte, définie dans son principe par l’article L. 361-8 du code rural, et à l’étendre à l’ensemble des productions agricoles ; le second compense les conséquences financières pour l’État des dispositions du premier.

En réalité, cette simplicité dans la présentation recouvre une situation plus complexe.

Le monde agricole est hétérogène : on n’appréhende pas les risques de la même façon selon le territoire sur lequel on se trouve. On se satisfait plus ou moins de l’actuel système d’indemnisation selon que l’on est dans la monoculture ou dans la polyculture, ou selon que l’on s’occupe d’une grande ou d’une petite exploitation. Cette diversité ne facilite pas la mise en place d’un outil uniforme et accessible à tous.

C’est l’une des raisons – car il y en a d’autres – pour lesquelles, monsieur le rapporteur, vous jugez prématurée l’adoption d’une telle proposition de loi.

Vous avez bien sûr différents arguments pour justifier votre position.

Vous invoquez d’abord un obstacle juridique : les assurances n’étant obligatoires que lorsque se trouve en jeu la responsabilité à l’égard de tiers, l’assurance récolte ne pourrait guère avoir ce caractère obligatoire.

Je ne suis pas, je le confesse, un spécialiste du droit des assurances, mais il me semble que rien n’est figé dès lors que la volonté politique existe, du moins tant que l’on reste dans les limites posées par notre Constitution. Il est vrai que tout cela relève d’un plus vaste débat, qu’il serait impossible de trancher aujourd’hui.

Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de mettre en avant la question de la responsabilité de l’agriculteur et d’évoquer le respect de la liberté de s’assurer ou pas. Cependant, venant d’un département confronté aux mêmes problèmes que ceux qui se posent dans le mien, vous savez bien que ce choix n’est pas totalement libre pour l’exploitant : il existe une contrainte, qui est financière.

Sans vouloir mésestimer l’engagement des pouvoirs publics sur le plan budgétaire, convenons que le taux de prise en charge par l’État d’une partie de la prime d’assurance – aujourd’hui 35 %, peut-être demain 40 % – n’est pas suffisamment incitatif. De plus, le montant des primes d’assurance contre les risques climatiques reste trop élevé pour certaines filières. Il en résulte un engouement inégal pour l’assurance récolte selon le type de production.

Sur les 20 % d’exploitations ayant souscrit un contrat, en 2007, la couverture concernait 27 % des superficies pour les grandes cultures et seulement 0, 93 % pour les cultures fruitières. Cet écart montre combien, s’agissant des souscriptions de contrat d’assurance, les disparités sont grandes.

Voilà qui atteste la nécessité de conforter l’assurance récolte et de mutualiser le risque, ce qui fait l’objet de la présente proposition de loi.

Bien entendu, monsieur le rapporteur, j’ai conscience que cette mesure serait coûteuse.

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